Référendum Retailleau : attention !
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Avec son idée de référendum sur l’immigration, le ministre de l’intérieur de l’instant, laissera - peut être - son nom à la postérité… En raison de l’évolution de la jurisprudence qu’il aura (involontairement) peut-être provoquée.
Expliquons.
Dans une première approche, l’opération référendum paraît potentiellement doublement astucieuse.
a) Les discours qui l’accompagnent sont de nature à flatter les instinctifs naturels de beaucoup d’individus qui courent quand on leur dit que la cause de leurs soucis n’est pas l’incurie ou les décisions aberrantes des gouvernants, mais la faute des étrangers. Ce qui va, en plus, dans le sens du déroulement de la carrière de ceux qui portent ou défendent ce genre de projet.
b) Et, puis, du point de vue de la technique juridique, ladite réforme ne risque ( a priori) pas de se heurter « au gouvernement des juges ». Puisque le Conseil constitutionnel ne contrôle pas les textes votés par référendum (1) .
En réalité, ce jeu entre le politicien ( qui fabrique les règles) et le juge ( qui les contrôle ou pas) ne marche qu’un temps. Jusqu’au moment où une simple évolution ou un revirement de la jurisprudence, met un terme aux errements du pouvoir politique. Spécialement lorsque ce dernier, sous couvert de modifier l’état du droit, tente un sale coup … qui porte atteinte à l’Etat de droit.
Qu’on se rappelle …
Jadis, les lois ordinaires étaient « intouchables ». Quand le pouvoir voulait faire un sale coup, il lui donnait donc la forme d’une loi qu’il faisait voter par les parlementaires amis.
Et puis …. Patatras ! En 1971, le Conseil constitutionnel qui n’était cependant pas fait pour cela (1) , décida qu’une loi (votée à l’instigation du ministre de l’intérieur du moment qui avait cru être malin ) était « inconstitutionnelle » (2) .
Certes, on ne peut prédire l’avenir.
Mais …
A y regarder de près, un « référendum Retailleau » sur le « contrôle » de l’immigration et le traitement à réserver aux étrangers présents sur le sol français , n’a d’intérêt 1/ que pour s’affranchir du respect de règles du système « européen »; 2/ que pour s’autoriser des « libertés » par rapport à ce que les juges considèrent habituellement comme des droits attachés à la personne humaine.
Or, ceux qui veulent rester dans le système de gouvernance « européen » ne peuvent en méconnaître les décisions sur l’ouverture des frontières aux étrangers. ( « Système » dont les normes prévalent sur les normes internes quelle que soit la « nature » dont les autorités locales leur attribuent ).
Or, on ne peut pas jouer avec les droits des êtres humains, sans mettre un coup de griffe à l’Etat de droit.
Ces conflits de règles ne sont logiquement, de quelque point de vue qu’on se place, guère envisageables, ni d’ailleurs techniquement « gérables » .
C’est la raison pour laquelle il est possible que pour éviter ces difficultés, le Conseil constitutionnel décide (si l’occasion lui en est donnée) de contrôler le contenu de la « loi Retailleau », alors même que le pouvoir en place aurait soumis cette dernière à la procédure référendaire (3) .
Il suffirait simplement aux rédacteurs de la décision du Conseil constitutionnel de recourir à une rédaction adéquate. Qui n’aurait même pas besoin de heurter de front les motivations antérieures (4) (1).
Marcel-M. MONIN, ancien maître de conférence des universités.
(1) sur ces questions, v. notre : « Textes et documents constitutionnels depuis 1958 ; analyses et commentaires » Dalloz Armand Colin
(2) Des membres d’une association dissoute voulurent se retrouver dans une nouvelle association « les Amis de la cause du peuple » . Et entreprirent d'en déposer les statuts. Le préfet de Police de Paris refusa la délivrance du récépissé ( prévu par la loi de 1901 sur les associations) . Le tribunal administratif annula le refus. Au lieu de tenter un appel devant le Conseil d’Etat, le ministre de l’intérieur du moment ( du nom de Marcellin) , préféra demander au Premier Ministre qu’il dépose un projet de loi. Laquelle autorisait un contrôle préalable avant la délivrance du récépissé. La loi fut votée. Le président du Sénat saisit le Conseil constitutionnel qui déclara la « loi Marcellin » non conforme à la constitution. Pour arriver à ce résultat, le Conseil constitutionnel jugea que la loi de 1901 « rappelait » l’existence d’un principe fondamental de la République, que ce principe excluait le contrôle préalable sur la création des associations (non étrangères), et que, par voie de conséquence la nouvelle loi violait le principe en question.
(3) Après avoir du faire une utilisation osée de l’article 11 de la constitution,
(4) Il resterait le cas échéant aux rédacteurs des manuels de droit, à rappeler qu’un revirement de jurisprudence a été dû à un coup raté d’une personne appelée Retailleau, qui occupa un moment le poste de ministre de l’intérieur. A moins que ledit ministre n’ait renoncé à la seule chance qu’il aurait peut-être eue, que son nom ne soit pas oublié.
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