Les communes franciliennes devront verser une indemnisation de 66 millions d’euros au groupe Bolloré en raison de l’échec d’Autolib

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France-Soir
Publié le 24 février 2025 - 11:02
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Souvant / AFP
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Le rêve électrique parisien se transforme en cauchemar financier. Selon la cour administrative d’appel de Paris, les communes franciliennes composant le syndicat mixte Autolib’ Vélib’ Métropole (SAVM) devront verser 66 millions d'euros à Bolloré pour l'échec commercial d'Autolib', un service d’autopartage. Débouté en 2023 en première instance, le groupe Bolloré réclamait 235 millions d’euros. Les communes admettent une part de responsabilité tout en imputant le reste à la multinationale française. Mais, in fine, c’est encore le contribuable qui paiera dans cette affaire. 

Le service Autolib’ est lancé fin 2011 dans Paris et 45 communes d’Ile-de-France, avec un parc de 250 véhicules électriques appelés “Bluecar”, et développés par la filiale du groupe Bolloré, Blue Solutions, spécialisée dans l’électromobilité. A la fin de ce service en 2018, le parc s’était étendu à environ 4 000 véhicules, 6 300 bornes réparties entre 1 100 stations dans près de 100 communes franciliennes. Mais surtout un conflit entre le syndicat mixte Autolib' Vélib' Métropole (SAVM) et le groupe Bolloré. 

Bolloré exige 233 M€, la justice lui accorde un quart 

En 2018, le SAVM a rompu le contrat en raison d'un déficit financier colossal, estimé à 293 millions d'euros d'ici 2023, fin prévue de l’accord. Le chiffre d’affaires était en baisse et le parc automobile en dégradation continue, au même titre que la qualité de service.  

Pour le groupe Bolloré, sur ce montant, seulement 60 millions d’euros lui incombent tandis que le reste, 233 millions d’euros, c'est au SAVM de les lui rembourser. Un montant jugé “abracadabrantesque” par Anne Hidalgo, maire de Paris. Le syndicat, composé alors par près de 100 communes et présidé ce moment-là par Catherine Baratti-Elbaz, a refusé de payer ce montant, rompant son contrat. Le SAVM a justifié cette rupture comme étant "la meilleure façon de défendre les contribuables" face aux demandes financières jugées excessives du groupe Bolloré, mettant ainsi fin à l'aventure Autolib' après sept ans d'exploitation. 

La société détenue par l’homme d’affaires Vincent Bolloré attaque dans la foulée le syndicat mixte en justice pour l’obliger à lui payer 235 millions et la décision n’est prononcée qu’en 2023. Le groupe est débouté et fait appel.   

Vendredi, près d’un an et demi plus tard, la cour administrative d’appel de Paris a confirmé que les communes franciliennes devront bel et bien indemniser le groupe Bolloré suite à l’échec commercial d’Autolib’. Néanmoins, le montant dû représente un tiers de ce réclamait Autolib’ et sa société mère, à savoir 66 millions d’euros.  

De l’avis de la cour, les clauses du contrat rompu en 2018 qui prévoyaient la prise en charge par le syndicat des pertes d’exploitation supérieures à 60 millions d’euros, étaient bien applicables. “Les manquements de la société Autolib’ ne sont pas à l’origine du défaut d’intérêt économique de la concession, lequel est essentiellement dû à une prévision de chiffre d’affaires excessivement optimiste lors de son lancement”, explique la Cour.  

Les deux parties “ont tardé à réagir aux difficultés de la concession” et “Autolib’ aurait dû notifier, “au plus tard le 30 novembre 2013”, le défaut d’intérêt économique du service d’autopartage, afin de “permettre la résiliation de la concession - et, ainsi, d’arrêter les frais - dès le 31 décembre 2013”. Le service s'est poursuivi pendant 5 ans.  

Pour la Cour, la société de Blue Solutions du groupe Bolloré peut seulement prétendre à l’indemnisation du déficit de la concession jusqu’à fin 2013 seulement. Le syndicat mixte devra ainsi verser 44,9 millions d’euros en compensation des pertes, près de 13 millions d’euros pour les bombes de recharge de véhicules et 8,2 millions pour les coûts de résiliation des contrats en 2018.  La somme est ainsi répartie entre les communes selon le nombre de stations implantées. De ce fait, Paris avec ses 700 stations est appelée à assumer la grosse partie.  

Les communes envisagent un recours en cassation 

Le SAVM se félicite presque de la décision de la Cour. "Le jugement confirme déjà la légalité du contrat et ensuite prend en compte les arguments du syndicat. Le syndicat avait défendu depuis le début le fait que la clause selon laquelle les communes membres devaient indemniser le groupe Bolloré pour les pertes qu’il a réalisées n’était pas due. Le tribunal a accordé 66 millions d’euros, c’est-à-dire le quart de ce qui avait été demandé", a déclaré Sylvain Raifaud, président de l'Agence métropolitaine des mobilités partagées, nouveau nom du syndicat mixte. 

Le SAVM ne manque pas de souligner que “la responsabilité du groupe Bolloré est reconnue pour ce qui est de la mauvaise gestion du service et la dissimulation qui a été faite des comptes de l’entreprise. Ce qui n’a pas mis les collectivités en capacité d’arrêter les frais à temps, à la fin de l’année 2013”, justifie-t-on.  

“Il aurait dû donner ses comptes au syndicat, ce qu’il n’a pas fait. Il a fallu attendre 2018 pour constater l’ampleur de la dérive financière. Si le groupe Bolloré avait appliqué le contrat comme il y était tenu, il aurait donné ses comptes beaucoup plus tôt et le constat aurait été fait beaucoup plus tôt de la difficulté d'équilibrer ce service”, affirme-t-on du côté des communes franciliennes.  

Celles-ci disent assumer les “13 millions d’euros dans le jugement de la cour administrative d’appel” liées à l’achat des bornes de recharge mais rejettent leur responsabilité dans la perte. "Dans la mesure où ils en sont très largement responsables, depuis le début, nous avons considéré que ce n'était pas dû”. Le syndicat envisage ainsi "de porter un recours au Conseil d'État en cassation pour obtenir justice pour les collectivités" ... et les contribuables, surtout, déjà submergés par des taxes liées au climat.  

Quid du parc d’Autolib ? Depuis la rupture du contrat, une partie a été envoyée à la casse pour être recyclée. Un millier restait encore stocké des années plus tard. 

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