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"J'appelle le régime (...) dictature". "Et qui est-il, lui (...) ? Duce, führer, caudillo, conducator, guide ?". Que les censeurs se rassurent ! Ce n'est pas de M. Macron dont il s'agit, mais du général de Gaulle. Et ces mots ont été, non pas prononcés dans l'euphorie d'une réunion électorale ou d'une fin de banquet, mais bel et bien écrits, donc pensés et soupesés, dans un ouvrage dont le titre était à lui seul tout un programme : "Le coup d'Etat permanent". Son auteur porte un nom : François Mitterrand.
L'ouvrage a paru en 1964. L'année suivante avait lieu la première élection du président de la République au suffrage universel. Le général de Gaulle est candidat à sa propre succession. Bien qu'il ait combattu le principe même de l'élection du chef de l'Etat par l'ensemble de la nation, M. Mitterrand est aussi candidat. Parce qu'il n'a pas été élu au premier tour, pour lequel il avait à peine fait campagne, de Gaulle se trouve en ballotage. Curieusement, jamais plus, en aucune autre élection présidentielle, on ne reparlera de ballotage. Et pourtant, jamais un candidat n'a réuni et, sauf circonstances exceptionnelles, ne réunira sur son nom 50 % des suffrages au premier tour.
C'est le lot de la démocratie : les attaques frontales sont monnaie courante. "Est-ce que vous voteriez pour votre grand-père ?", pouvait-on lire sur des affiches en ce temps-là. Qu'aurait-on dit de l'élection du président des Etats-Unis en 2020 ? Toujours est-il qu'en 1965, l'entourage du général de Gaulle lui suggère de sortir quelques vérités cachées sur son adversaire du second tour, M. Mitterrand : la remise de la francisque, emblème du régime de Pétain, le faux attentat de l'Observatoire. Même s'il n'a pas une haute idée du personnage qu'il qualifie notamment d'arriviste, le Général oppose une fin de non-recevoir à ses collaborateurs : "Je ne ferai pas la politique des boules puantes : il ne faut pas porter atteinte à la fonction pour le cas où il viendrait à l'occuper".
Si je juge utile de convoquer l'Histoire dans l'actuel débat sur la liberté d'opinion et la liberté d'expression, c'est parce qu'il me semble qu'un des graves problèmes dont souffre notre pays, c'est l'amateurisme de beaucoup d'appelés et d'élus de 2017. Pierre Lellouche l'avait écrit le 30 mars 2020 dans "Le Figaro" : "Nous sommes gouvernés par des amateurs. Et malheur au pays dont le prince est un enfant, disait l'Ecclésiaste". L'ancien secrétaire d'Etat citait aussi Georges Clemenceau, à l'approche de la première guerre mondiale : "Nous ne sommes ni défendus ni gouvernés".
Et c'est bien parce que nous sommes gouvernés par des amateurs, encadrés par quelques professionnels qui ont préféré les honneurs du pouvoir à la fidélité à leurs convictions, que tout débat devient suspect et, bientôt, prendrait l'allure d'une menace contre la République. M. Darmanin, alors en charge du budget, mais également soucieux de plaire en haut lieu, en avait imprudemment fait l'aveu après les tonitruants "Nous sommes en guerre" du président de la République. Sur Europe 1, toujours en ce mois de mars 2020, il n'avait pas hésité à dire : "L'heure n'est pas à la polémique. Ce n'est pas quand nous sommes en guerre qu'il faut faire des polémiques ou poser des questions". Le lecteur a bien lu : "poser des questions" !
A quoi j'avais répondu : "Heureusement que le général de Gaulle n'a pas suivi ce genre de précepte en juin 1940, alors que la France était véritablement en guerre, et pour de longues années. Car non seulement il n'y aurait pas eu de résistance française, mais la France n'aurait pas été présente à la table de la victoire en 1945 et elle ne disposerait pas aujourd'hui d'un siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies. A l'évidence, le pouvoir supporte d'autant moins la contradiction qu'il est loin d'avoir été exemplaire dans sa communication comme dans la gestion de la crise". (1)
Les mois ont passé. Au "mensonge d'Etat" sur les masques, déjà dénoncé par Pierre Lellouche, sont venus s'ajouter - telle une litanie sans fin ! - l'incapacité du pouvoir à tester la population au début de la pandémie, la mise à l'écart des médecins pour soigner les malades (il fallait y penser !), deux confinements de la population qui mettent à mal l'économie, les finances, la vie culturelle, sportive, bref la vraie vie, bientôt un troisième confinement selon toute vraisemblance, enfin le pari risqué d'ignorer le traitement de la maladie et de jouer toute sa mise sur la vaccination. Tout cela, sous couvert d'un Conseil scientifique sorti du chapeau présidentiel. Et le pouvoir, toujours protégé par la digue étanche de l'état d'urgence sanitaire à répétition, éprouve les mêmes difficultés à admettre que l'on puisse penser autrement que lui.
Alors, il a été lancé à la face des opposants les mots qui sont censés faire mouche : le complotisme, les complotistes. Et cela, alors même que le Parlement est quasiment hors-jeu, que l'opposition a le plus grand mal à se faire entendre, quand elle n'a pas décidé de s'en tenir à une prudente réserve, que les médias ne sont pas irrésistiblement critiques à l'endroit du gouvernement. On a connu des pouvoirs qui auraient sûrement apprécié d'avoir une presse aussi peu encline à l'investigation, et qui épouse aussi facilement le discours officiel. Mais un virus, aussi vilain soit-il, ne saurait durablement être le motif d'une mise entre parenthèses des libertés publiques et des libertés individuelles.
Les mots ont un sens, et en particulier celui de complot. Reportons-nous au dictionnaire de français Larousse ! Que lit-on ? "Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Résolution concertée de commettre un attentat par un ou plusieurs actes. Par extension, projet plus ou moins répréhensible d'une action menée en commun et secrètement". Sauf gravissime erreur d'appréciation, le propre d'un complot, c'est de mener l'affaire dans le secret, de ne pas s'épancher sur la place publique, de passer à l'acte promptement, et de se mettre à l'abri. Depuis le temps, depuis les nombreux mois où l'on entend parler de ce fameux complot, il est tout de même bizarre qu'aucune opération d'aucune sorte ne soit venue justifier l'alarme du pouvoir et de ses serviteurs.
Aussi, quand je vois les censures, les menaces qui pèsent sur un média indépendant, "France Soir", qui n'est pas subventionné par l'Etat, au contraire de beaucoup d'autres, une phrase ressort immédiatement de ma mémoire : "A combien de personnes (le mot est moins indulgent !) n'a-t-il manqué que l'occasion de commettre un forfait ?". Elle est signée du général de Gaulle. Le journal gaulliste "La Nation", créé en 1962 et disparu depuis bien longtemps, avait adopté pour devise : "Nous avons choisi la démocratie et la République", ces mots prononcés par le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, le 25 juillet 1945.
Quand on a "choisi la démocratie et la République", cela signifie clairement que l'on doit défendre la liberté d'opinion et la liberté d'expression, "quoi qu'il en coûte", même, voire surtout si elles s'exercent à l'encontre du pouvoir en place, et quand bien même le pays doit faire face à une pandémie. Si l'on veut porter atteinte à ces libertés fondamentales, surtout quand l'on occupe le ministère tenu jadis par André Malraux, alors ce sont les valeurs de la République qui sont mises en cause, et la démocratie française qui est menacée.
J'invite le gouvernement de la République française à s'inspirer du haut exemple donné par le général de Gaulle en 1965. En aucun temps, le pouvoir n'a été un lit de roses. La politique, comme la vie, est un combat. C'est la confrontation des opinions, le choc des idées. Si l'on n'admet pas la contradiction, l'existence d'oppositions - faites, par définition, pour s'opposer - alors il faut faire autre chose.
(1) De l'auteur : "Le courrier de la colère - Quand la parole doit demeurer libre" (Revue Politique et Parlementaire, 30 mars 2020)
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