L’après crise, Gros Jean comme devant ?


Ils nous avaient prévenus : « on peut discuter de tout, sauf des chiffres ». Je ne m’aventurerai pas dans l’exégèse de cette bêtise, qui rejoint celle qu’énonçaient certains de mes collègues du ministère de la santé, dans les temps lointains où j’étais encore en activité : « Mieux vaut des chiffres faux, que pas de chiffres ». Bref, heureusement que quelques personnes ont eu le courage et la compétence de remettre en cause les assertions de nos dirigeants. Il n’empêche, la politique de lutte contre la pandémie a bien été menée, du moins dans nombre de pays occidentaux, sur le mode guerrier : diktats et soumission ou révolte.
On a largement décrit la soumission, jusqu’au ridicule, les cafés bus debout, la plage en marchant, l’auto-autorisation, le masque baveux arboré comme une muselière et pour finir la vaccination, à tout prix, sans avis médical.
On a constaté en miroir, les réactions de ruse, d’entraide, de générosité et de révolte. Jusqu’à la volonté de Justice, voire de vengeance de tous ceux que cette politique a tout simplement anéantis : par les effets secondaires des vaccins, mais aussi par ceux du confinement, économiques, sociaux, éducatifs et psychologiques.
Et maintenant, comment allons-nous sortir de cet affrontement ?
Il y a une tendance forte des pouvoirs de tirer un trait et de faire comme si de rien n’était, sinon un virus responsable de tous les errements de la gestion publique en général. Et il y a une tentation en miroir d’entonner les refrains inverses : procès contre la corruption, dénonciation de la mauvaise gestion publique, voire de son infiltration par un « privé » accusé de tous les maux etc.
Devons-nous vraiment croire en les armes de l’adversaire et utiliser des stratégies inverses pour construire un monde meilleur, pour atteindre enfin des lendemains qui chantent ?
On a l’impression ces temps-ci, avec la victoire de Trump, que maintenant voici venus les temps bénis de la punition des méchants et de la revanche de tous ceux qui depuis le début critiquent l’utilisation fallacieuse de la science, la stratégie de la peur (M.Maffesoli, Le Temps des peurs, Cerf, 2023) et l’esprit de soumission.
La problématique est simple : devons-nous utiliser les mêmes armes, de la dénonciation, du dogmatisme, du refus de la confrontation voire de la force qui ont été celles utilisées par le pouvoir en place pour nous imposer cette séquence. Et croyons-nous, nous aussi qu’un sauveur quelqu’il soit, Trump par exemple, nous assure ces lendemains chantants ?
Après avoir résisté à la soumission, que, ce soit de manière rusée et légère comme la vieille retraitée que je suis qui usait et abusait des tests pour détourner l’obligation vaccinale, de manière souvent dramatique pour tous les soignants qui par conviction ont refusé cette imposition d’une injection d’un produit expérimental, devons-nous nous soumettre à un nouveau conformisme ou suivisme ?
Nous devrions tous penser que les solutions proposées par Trump sont formidables, toutes, alors que même Robert Kennedy Jr admet, implicitement, qu’il a négocié une certaine autonomie d’action en matière de santé et de lutte contre Big Pharma, mais ne conduit pas tous les combats (pétrole par exemple) qu’il jugerait adaptés.
Nous devrions tous penser que l’expulsion de tous les immigrés sans papiers serait la solution à la fois aux désordres économiques et sociaux des États-Unis et de la France, sans nous préoccuper de la situation internationale, sans réfléchir à la démographie de notre pays et aux différents déséquilibres de son marché du travail.
Nous devrions tous adhérer, au double credo selon lequel l’hôpital public va mal parce qu’il est l’objet d’une « privatisation » rampante et parce qu’il est trop administré. Bref, la logique binaire meut tant les élites au pouvoir que celles qui brûlent de les remplacer. Celles qui pensent représenter tous les refuzniks dès lors qu’elles présentent un « programme » inverse à celui du pouvoir. C’est pour cela d’ailleurs que les procès en « fake » agitent les réseaux sociaux d’un côté comme de l’autre.
Bien sûr que ceux qui ont été atteints dans leur corps (effets néfastes de la vaccination anti-covid, du confinement etc.) ou dans leurs biens (catastrophe économique et sociale liée au confinement) devront réclamer la juste punition des responsables. Responsables politiques notamment, les ministres ne devant pas se targuer d’avoir, comme pour l’affaire du sang contaminé, ignoré ce que faisait leur administration, car être ministre c’est justement être responsable de son administration. Les fonctionnaires sont par statut obéissants et n’ont devoir de désobéir qu’à des ordres illégaux. Ce qu’on fait les soignants suspendus, mais faut-il incriminer tous les personnels médecins, infirmiers, pharmaciens, biologistes qui ont, contre argent sonnant et trébuchant, vacciné à outrance ?
Faut-il comme après-guerre, se contenter de traduire en tribunal les têtes pensantes et parlantes de la collaboration ? De Gaule, Nelson Mandela ont choisi les sanctions exemplaires pour les têtes et l’indulgence pour les majorités silencieuses. Disons que si Justice il y a, elle doit s’attaquer aux chefs, aux têtes, aux experts et autres ministres, directeurs etc. et pas aux sous-fifres trop dociles, à qui il restera à purger leur honte et leurs regrets.
En tout cas, n’attendons pas d’une mise en cause et d’un remplacement des responsables la certitude d’un Nouveau monde. Qu’on se réjouisse que certains patrons d’entreprises, des responsables d’agences, des hauts fonctionnaires et des élus, français ou européens qui n’ont pas pu ou voulu s’opposer à ce qui s’est révélé une gestion de crise désastreuse soient mis en cause, jugés et éventuellement condamnés est une chose. Mais n’oublions pas de nous pencher sur les mécanismes systémiques qui permettent ces dérives : par exemple l’avancement des hauts fonctionnaires au gré des nominations ministérielles qui valident plus leur docilité que leur compétence. L’élection sur des slogans que l’élu lui-même sait simplistes et faux. La sur-administration et l’extrême étatisation de nos diverses institutions même locales qui annihile toute responsabilité des dirigeants. Et n’imaginons pas qu’on guérira tous les maux entraînés par la civilisation moderne, progressiste et matérialiste en adoptant les solutions prônées par le plus matérialiste de nos dirigeants, en l’occurrence Donald Trump.
Ce qui fait la force de Donald Trump et réjouit de son élection, c’est l’adhésion populaire qu’ont suscitée ces élections. Cette manière qu’a eu le peuple de chasser des élites qui au nom du bien faisaient tout le contraire, qui sous couvert de bons sentiments, expulsaient autant d’émigrants que Trump lui-même, qui imposaient par l’extra-territorialité leur loi au reste du monde et qui poussaient à toutes sortes de guerres se finissant en catastrophe sous couvert de faire régner la paix et la démocratie. Oui il fut réjouissant de voir les sondages et les prophéties de la presse subventionnée démentis par des élections. Il y a quelque chose de ridicule et de drôle dans la « grande peur des bienpensants ». Mais faut-il pour autant adopter l’espoir messianique de nos frères évangélistes et soutenir le « Grand Israël » ? faut-il suivre celui qui se veut notre Trump national et expulser tous les immigrants sans papier, celles et ceux qui gardent nos enfants, tiennent nos commerces de proximité, travaillent sur nos chantiers ainsi que tous ceux qui croient encore en nos universités et nos écoles ? Faut-il ériger des murs, augmenter toujours plus les budgets visant à empêcher le passage et rendre celui-ci toujours plus fructueux pour les passeurs, plutôt que d’organiser des flux, de favoriser entrée et sortie régulées selon des règles énoncées dans les pays de migration. Bref, faut-il de manière simpliste adopter un raisonnement binaire et pratiquer l’amalgame : doit-on faire comme les élites, estimer que l’hydroxychloroquine est un mauvais médicament parce que Bolsonaro l’a prôné ou qu’il faut soutenir la guerre de l’Ukraine parce qu’on ne soutient pas Poutine ?
La logique des élections, particulièrement présidentielles, est binaire. Pour une fois certains tentent de la contourner, par exemple des démocrates ayant passé un « accord » avec Trump. Au fond, il suffit de ne pas croire au « Grand Soir », aux bienfaits de la Révolution et de lutter contre l’imposition de comportements et de règles qu’on réprouve, sans vouloir leur opposer d’autres dogmes. Ne pas vouloir laver plus blanc que blanc.
Sortir de cette période sombre d’une épidémie érigée en justification de toutes les impositions ne doit pas nous précipiter dans un « grand récit » contraire, opposé. La brutalité contre les bons sentiments, l’efficacité productiviste contre la bureaucratie, le simplisme culturel contre l’artificialité du marché de l’art, la dévastation de la nature contre l’écologisme benêt…
La solution « clefs en mains » d’un programme électoral est un pur leurre. Ne croyons pas nous libérer d’une soumission acceptée autant que forcée en changeant de chef. Apprenons plutôt à penser par nous-mêmes. Avec humilité et ironie.
Hélène Strohl est inspectrice générale des affaires sociales honoraire, elle a écrit L’Etat social ne fonctionne plus et avec Michel Maffesoli, La faillite des élites.
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