L’Ukraine met fin au transit du gaz russe par son territoire, panique en Slovaquie et Moldavie
L’Ukraine jubile, la Slovaquie tire la sonnette d’alarme, la Moldavie suffoque et l’Union européenne (UE) est sous (une légère) pression. Kiev a annoncé la fin, mardi 31 décembre 2024, du transit du gaz russe sur son territoire. Tout en se privant d’une manne de 800 millions d'euros, Kiev décrit un “événement historique” qui fait perdre à la Russie et Gazprom “ces marchés” et lui fait subir des “pertes financières”. La Slovaquie, très dépendante de cette voie énergétique, met en garde l’Ukraine contre des représailles tandis que la Moldavie, qui a un différend avec Gazprom, a déclaré l'état d'urgence.
Le contrat établi en 2019 entre la compagnie Naftogaz et le géant russe Gazprom, permettant le transit du gaz russe via plusieurs canalisations dont les gazoducs Bratstvo et Soyouz, a officiellement expiré mercredi 01 janvier, sans aucun renouvellement à l’horizon. Ceci malgré les tentatives de la compagnie russe de renouveler le contrat.
800 millions d’euros pour Kiev, 5 milliards pour Gazprom
"Depuis 08H00 (05H00 GMT, NDLR), le gaz russe n’a pas été fourni pour le transit à travers l’Ukraine", a expliqué Gazprom. "En raison du refus répété et explicite de la partie ukrainienne de prolonger cet accord, Gazprom a été privé de la possibilité technique et juridique de fournir du gaz pour le transit à travers l’Ukraine à partir du 1er janvier", poursuit-on.
Avant cette échéance, importante pour l’Europe, et depuis le sabotage de Nord Stream en septembre 2022 en mer Baltique, la Russie transmettait son gaz vers le Vieux continent par deux routes. La première, le gazoduc TurkStream et son prolongement, Balkan Stream, sous la mer Noire, vers la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie. Le second itinéraire traversait justement l'Ukraine.
Kiev a confirmé, via l'opérateur ukrainien GTSOU, qu’aucune livraison n’était prévue pour hier. Son gouvernement se félicite de cette décision. "Nous avons arrêté le transit du gaz russe, c’est un événement historique. La Russie perd des marchés, elle va subir des pertes financières", a réagi le ministre ukrainien de l’Energie, Guerman Galouchtchenko.
Pour l’Ukraine et son président Volodymyr Zelensky, ce gaz dotait la Russie d’une manne importante. Kiev sacrifie des revenus de transit estimés à 800 millions d'euros par an pour priver la Russie et Gazprom d’environ 5 milliards d'euros de revenus. Immédiatement après ces annonces, le cours du gaz européen est monté, atteignant la barre symbolique des 50 euros le mégawattheure, une première depuis plus d’un an.
Dans les pays voisins, ceux de l’Europe de l’Est, l’heure est au désarroi, à la panique ou à la colère. L’UE se montre sereine puisque ce gaz russe transitant par l’Ukraine, soit quelque 14 milliards de m3, ne représente que 5% de ses importations totales. "Le flux doit être stoppé au 1er janvier et l'UE y est préparée", a déclaré mardi 31 décembre la Commission, qui invoque des infrastructures européennes capables de transporter du gaz non-russe "par d'autres voies". Une quinzaine de jours auparavant, Bruxelles estimait l’impact de cet arrêt “limité”.
Fico menace l’Ukraine, la Moldavie décrète l’état d’urgence
Mais les États situés à l’Est continuent de dépendre de Moscou. La Slovaquie à leur tête. Son Premier ministre, Robert Fico, dénonce la décision de Kiev. "Accepter la décision unilatérale du président ukrainien est totalement irrationnel et erroné", a-t-il plaidé dans une lettre à Bruxelles, déplorant "un impact financier majeur". En guise de représailles, le dirigeant slovaque, qui s'était d’ailleurs rendu ce mois-ci à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine, suscitant l’ire de Zelensky, a menacé d'interrompre l'approvisionnement en électricité dont Kiev a besoin face aux bombardements de ses infrastructures énergétiques.
La Hongrie semble mieux s’en sortir grâce à la réception de l'essentiel de ses importations de gaz russe via TurkStream. Le ministre ukrainien de l’Energie a affirmé que "l’Ukraine a informé ses partenaires internationaux" de l’arrêt, prévu depuis plusieurs mois.
L’autre pays à tirer la sonnette d’alarme est la Moldavie, dans une situation déjà très tendue avec Moscou et aggravée par la décision de Kiev. Un différend entre ce pays très dépendant des importations du gaz russe et la compagnie Gazprom concernant une dette estimée à plus de 700 millions de dollars enfonce Chișinău dans sa vulnérabilité énergétique.
Cette ex-république soviétique a déclaré l'état d'urgence pour 60 jours après l'échec des négociations avec Gazprom, qui avait déjà arrêté une partie de ses livraisons après le début du conflit ukrainien. "Le Kremlin a une nouvelle fois recours au chantage énergétique afin d'influer sur les élections législatives de 2025 et de fragiliser notre trajectoire européenne", a réagi la présidente Maia Sandu.
Le gouvernement moldave a annoncé des mesures drastiques pour réduire la consommation d'électricité, comme limiter les éclairages des bâtiments publics et l'usage des ascenseurs, exprimant son intention d'acheter l'électricité manquante auprès de la Roumanie voisine.
L’Europe n’est désormais approvisionnée en gaz russe par gazoduc que par le TurkStream, et son prolongement Balkan Stream. Néanmoins le Vieux continent importe du GNL russe par méthaniers malgré les sanctions et la volonté de Bruxelles d'empêcher ce trafic. Jamais les importations par ce biais n'ont été aussi fortes, passant de 17,8 milliards de mètres cubes en 2023 entre janvier et novembre, à plus de 19,3 milliards sur la même période en 2024. De plus la Russie est parvenue à contourner les pertes de marchés européens en réorientant ses exportations d'hydrocarbures vers d'autres pays, notamment la Chine et l'Inde.
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