Quand le président de la République théorisait la démission d'Emmanuel Macron ...
C'est une innovation fondamentale dans la longue histoire de la Ve République : il faut désormais avoir perdu les élections pour être appelé à l'Hôtel Matignon.
S'il n'y eut pas de véritable vainqueur des élections législatives qui ont suivi la dissolution de l'Assemblée nationale, on sait en revanche qu'il y eut un grand perdant : le parti du président de la République, qui a vu fondre son groupe au Palais Bourbon d'une centaine de députés.
Sur la scène politique française, c'est décidément une mauvaise pièce qui est donnée en spectacle à un peuple médusé, qui souhaite une clarification profonde et qui sait d'instinct que seule une élection présidentielle est de nature à rétablir l'ordre dans la République.
Mais voilà ! De très nombreux artisans du microcosme vivent uniquement dans la spéculation et le calcul politiques. S'ils savent pertinemment qu'Emmanuel Macron est désormais voué à l'inauguration des chrysanthèmes ou aux modalités de paiement des péages d'autoroutes (il fallait y penser !), parce qu'il est dépourvu de la confiance qui nourrit la légitimité, après avoir été défait aux élections législatives qu'il a lui-même provoquées, ils n'entendent pas pour autant le voir quitter l'Elysée.
Ne s'estimant pas prêts à affronter l'élection décisive de la Vème République, celle du chef de l'Etat au suffrage universel, ils pensent que les 27 ou 28 mois qui nous séparent de l'échéance normale du mandat présidentiel vont leur permettre de se refaire une santé aux yeux du peuple français, afin de retrouver le pouvoir en 2027. Et leur mobile est tout trouvé : il faut de la "stabilité politique". Ils ont tout dit quand ils ont dit cela. Et tant pis si la France s'enfonce dans la récession économique, faute de confiance dans des lendemains meilleurs, si le chômage repart, si la dette continue à se creuser, si l'insécurité se répand sur l'ensemble du territoire.
Evidemment, M. Macron en fait ses choux gras. Pourquoi s'en irait-il, puisqu'ils sont si nombreux à considérer qu'un Président qui a perdu les élections législatives dont il est l'initiateur, peut parfaitement demeurer en fonction, quitte à se faire discret pour aller au bout de son mandat ?
Et pourtant - c'est Luc Ferry qui le rappelait dans une chronique parue dans Le Figaro du 23 janvier - Emmanuel Macron n'avait laissé à personne d'autre que lui-même le soin de théoriser sa propre sortie. Lors d'un "grand débat" organisé à l'Elysée en 2019, le chef de l'Etat avait déclaré qu'"un président de la République ne devrait pas pouvoir rester s'il avait un vrai désaveu en termes de majorité". Et, pour être certain d'être bien compris, il avait ajouté : "En tout cas, c'est l'idée que je m'en fais et qui est la seule qui peut accompagner les fonctions qui vont avec".
"Un vrai désaveu", disait-il. Comment voir autre chose qu'"un vrai désaveu" dans le verdict des urnes de juin-juillet 2024, scrutins européen et législatif confondus ? Quant à "l'idée qu'il s'en fait" (de la nécessité d'un soutien populaire), on mesure aujourd'hui le poids de sa parole : à l'évidence, elle n'engage que ceux qui l'ont entendue.
En tout cas, les Françaises et les Français ont parfaitement intégré l'esprit des institutions de la Ve République, même si elles ont été très malmenées depuis des années. Ils sont, les sondages le disent et le redisent, près de 7 sur 10 à considérer que M. Macron devrait démissionner. Ce serait, pour lui, le respect de la parole donnée. Et ce serait, pour le peuple français, l'opportunité de remettre la République sur de bons rails. A l'évidence, le microcosme en juge autrement.
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