Près de quatre ans après la plainte, Nestlé Waters sera jugé pour des décharges sauvages dans les Vosges
Dans les Vosges, les sources d'eau minérale de Nestlé Waters pourraient bientôt laisser place à une source de problèmes judiciaires. La multinationale suisse est convoquée au tribunal correctionnel de Nancy pour un procès du 26 au 28 mai prochain afin de répondre d'accusations “d'abandon illégal” de déchets et de maintien de décharges sauvages. La plainte, déposée par AC Anti-corruption, dénonce une “atteinte grave à la santé des personnes” et une “dégradation substantielle de l’environnement”. Une autre affaire de plus pour Nestlé Waters, déjà visé par des plaintes pour ses eaux en bouteille contaminées purifiées par des techniques interdites.
Les tracas de la multinationale dans les Vosges, où elle exploite plusieurs sources, ont débuté avant 2020. Deux journalistes, Alexander Abdelilah et Robert Schmidt, membres du collectif We Report, ont souligné pendant des mois la mobilisation de plusieurs ONG et communes contre les projets de forage et d’exploitation d’eau par Nestlé “sans autorisation”. Une plainte avait déjà été déposée par France Nature Environnement (FNE), UFC-Que choisir Vosges et l’Association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions (ASVPP).
L’équivalent de 92 piscines olympiques
Ces mêmes journalistes ont par la suite révélé l’existence de ces décharges sauvages et cette fois-ci, AC anti-corruption a porté plainte en juillet 2021 auprès du pôle régional environnement du parquet de Nancy.
Cette association évoque alors des déchets sous forme de "bouteilles d’eau, de verre, de polymères" pour un volume total de 346 000 mètres cubes, qui auraient ainsi été abandonnés "illégalement" par la société entre 2021 et 2024 à Contrexéville. Le volume équivaut à 92 piscines olympiques environ. Dans la commune de Saint-Ouen-Lès-Paray, environ 27 000 mètres cubes ont été constatés.
Nestlé est accusé d’avoir abandonné ces déchets “sans autorisation légale, provoquant une dégradation substantielle de l’environnement", explique le tribunal dans son avis d’audience.
Le maintien de ces décharges, composées “de plastiques, de verres et de déchets de démolition”, a provoqué une “grave atteinte à la santé des personnes” et une “dégradation substantielle de l’environnement”.
Il est aussi reproché à Nestlé d’avoir “laissé s’écouler dans les eaux superficielles et souterraines” autour de ces décharges des “particules de microplastiques”, dont les concentrations “rendent toute vie aquatique impossible” et dont les effets sont “nuisibles sur la santé, la flore et la faune par leur toxicité”.
Les plaignants ont vite réagi à la programmation du procès, exprimant leur satisfaction. “AC Anti-corruption est très satisfaite que sa plainte au parquet ait abouti, cela fait plus de trois ans que nous attendions ce résultat avec notre avocat, maître Vincent Poudampa”, a déclaré le président de l’association, Marcel Claude.
Me Vincent Poudampa a de son côté rappelé que le dossier remonte "au printemps 2021, quand je suis allé voir la décharge illégale de déchets à They-sous-Montfort, pas loin des sources de Contrex et d'Hépar". La multinationale suisse doit également rendre des comptes pour les décharges qu’elle a conservées dans les autres communes du département.
L’entreprise rejette les accusations
Réagissant à la nouvelle, Nestlé Waters a affirmé que ces décharges "datent des années 60, avant que Nestlé Waters ne devienne propriétaire" des terrains. “Aujourd'hui, la majorité des sites ont déjà été nettoyés par Nestlé Waters et nous attendons le retour des autorités environnementales pour préciser la meilleure option de gestion pour des sites restants”, explique-t-on.
La société, numéro un mondial de l’eau minéral, rejette les accusations en affirmant : “aucun dépôt de déchets n'a été réalisé par Nestlé Waters entre 2021 et 2024”. Quant à la procédure devant le tribunal correctionnel de Nancy, un porte-parole de la société affirme : “Nous n'avons pas reçu de convocation à date, et ne pouvons faire plus de commentaire sur une procédure en cours".
Ces poursuites viennent alourdir un dossier judiciaire déjà chargé pour Nestlé Waters. L’entreprise fait face à plusieurs controverses et procédures légales concernant ses pratiques, notamment le traitement des eaux minérales. Nestlé Waters a d’ailleurs été condamné à verser une amende de deux millions d'euros par le tribunal d'Épinal en septembre 2024. De plus, une enquête sur la qualité sanitaire de ses eaux avait été lancée des mois avant cette condamnation suite à un rapport confidentiel alertant sur la pollution des eaux du groupe malgré leur filtration illicite.
Des accusations de fraude et de tromperie envers les consommateurs ont également conduit à une plainte déposée par les associations Foodwatch et CVLC en février 2024, donnant lieu à des plaintes pour le recours à des techniques de purification des eaux contaminées interdites.
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