Les institutions en question : Trois scénarios pour la République
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Le 6 février dernier, l'ancien ministre Luc Ferry écrivait dans Le Figaro : "C'est tout simplement vers la fin de la Vᵉ République qu'on s'achemine. Ses deux piliers, l'élection du président de la République au suffrage universel et le scrutin majoritaire au Parlement ne soutiennent plus rien du tout !". Il en concluait que "le temps est désormais venu pour un changement de régime".
En préambule, relevons que cette situation n'étonnerait sûrement pas les fondateurs de la Vᵉ République. Le général de Gaulle soulignait dans ses "Mémoires d'espoir" qu'"en aucun temps, et dans aucun domaine, ce que l'infirmité du chef a en soi d'irrémédiable ne saurait être compensé par la valeur de l'institution". Tandis que Michel Debré, répondant aux questions d'Alain Duhamel, dans son livre-entretien "Une certaine idée de la France" paru en 1972, déclarait à propos du candidat à la fonction suprême : "Il doit donner de lui-même une certaine représentation et se hisser, ne serait-ce qu'en apparence, au niveau d'un personnage d'Etat ! Voilà d'ailleurs qui n'exclut pas le succès d'un charlatan. Aucun système ne permet d'éviter les charlatans. Aucun système n'assure que le meilleur obligatoirement sera couronné. Les qualités qu'il faut pour acquérir le pouvoir ne sont pas celles qu'exige l'exercice du pouvoir".
Ici même, j'évoquais le 30 juillet dernier "cet été 2024, où la République n'a plus de Vᵉ que le numéro". D'abord, à cause de l'abandon d'un principe fondamental de la Vᵉ République. Si l'idée d'une responsabilité du Président devant le peuple n'est certes pas inscrite dans la Constitution du 4 octobre 1958, elle résulte cependant de l'esprit des institutions et de la pratique du général de Gaulle. Il en résulte cette conséquence majeure : en cas de désaveu du chef de l'Etat, et désaveu il y a eu manifestement lors des élections qui ont suivi la dissolution de l'Assemblée nationale, "la caractéristique de notre régime est que le Président doit se démettre et qu'en somme il n'a pas le droit de se soumettre". Dernier Garde des sceaux du général de Gaulle, René Capitant l'affirme dans son cours de doctorat en droit "Démocratie et participation politique".
Cet "esprit des institutions", le général de Gaulle le résumait en une formule qui résonne aujourd'hui comme un acte d'accusation : "La confiance que se portent mutuellement le pays et le chef de l'Etat est à la base de nos institutions". Qui s'aventurerait à dire, ou à écrire, que M. Macron dispose de la confiance du peuple français ?
Si la République n'a plus de Vᵉ que le numéro, c'est ensuite parce que l'exercice du pouvoir, depuis plusieurs mois et en ce début d'année 2025, s'apparente à la vie politique que notre pays a connue depuis la première guerre mondiale jusqu'en 1958, "dans laquelle les gouvernements n'avaient d'autre choix que de céder aux exigences de l'Assemblée, c'est-à-dire de groupes charnières dont dépendait la majorité". Et aujourd'hui, il n'y a même pas de majorité ! Dans son livre posthume ("Le nœud gordien") paru en 1974, Georges Pompidou en déduisait que "du jour où le véritable détenteur du pouvoir serait l'homme responsable devant l'Assemblée nationale, le retour au régime des partis serait inéluctable, en dépit des précautions ou des apparences".
Ceci étant dit, si Luc Ferry appelle à un "changement de régime", il n'apporte aucune réponse. Sa prise de position est à l'origine de cette contribution à la réflexion sur le devenir de la République française, qui m'amène à envisager trois scénarios pour demain : le vraisemblable, le possible, l'idéal. Etant entendu que le statu quo demeure une hypothèse crédible.
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