“Les Français ont bu la propagande du pouvoir, désormais ils la recrachent…”
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La liberté d’expression en danger au colloque L’ère des fractures : “Les Français ont bu la propagande du pouvoir, désormais ils la recrachent…”
Invité à s’exprimer sur “La liberté d’expression en danger” au dernier colloque IDNF “ L’ère des fractures”, Xavier Azalbert, directeur de la publication de France-Soir, répond en marge de cette table ronde conduite en présence de 200 représentants de la grande famille souverainiste. Extraits.
Propos recueillis par Claude Corse
Ce thème des fractures vous inspire depuis longtemps. Outre un édito prémonitoire “ La facture de la fracture” dans France-Soir, votre participation au Colloque le confirme.
XA : “Cette fracture est maintenant consacrée ; les chiffres ne mentent pas : 80 % des Français sont contre l’exécutif, 60 % d’entre eux pensent que Macron mène le pays dans une mauvaise direction, lui qui a prétendument mis la République en marche, sans nous dire dans quel sens… On a vu le résultat : c’était dans le sens de la dette avec de l’argent pour les élites qui se sont énormément enrichies, tandis que le peuple n’a que ses yeux pour pleurer…
Ce colloque m’a inspiré parce qu’enfin on avait des débats sur des thèmes divers et variés allant de la crise sociale à l’avenir de Mayotte en passant par la Santé et l’avenir de l’hôpital qu’on espère pouvoir réparer…”
Que vous inspire la polarisation de la vie politique quand il s'agit d'en faire des sujets journalistiques pour votre communauté et vos nouveaux lecteurs ?
Xavier Azalbert n’a qu’un credo : ”L'information ne devrait pas avoir de couleur politique. Un des sujets fondamentaux concerne la politisation systématique des débats. On ne devrait pas les politiser. On a vécu cinquante ans à la lumière du bipartisme. L’idée que je veux faire passer ? L’information ne devrait pas avoir de couleur politique. Il en va de même pour les droits fondamentaux qui ne devraient pas avoir de fond politique. On devrait reconstruire autour d’un système de valeurs.
Certes notre république est censée reposer sur des valeurs. Mais celles-ci ont été prises en otage soit par la droite, soit par la gauche. Au fil du temps, on est allé trop loin ; une polarisation a surgi qui conduit certains à croire qu’il faut être Vert pour parler d’environnement, etc. Je pense au contraire qu’il n’y pas de mauvaises idées. Mais comme avec la religion, quand l’idéologie s’invite dans le débat, on fabrique une information biaisée. S’il y a bien une fracture à assumer par le peuple, c’est celle qui sépare l’information de l’idéologie politique. Parce que l’information devrait être neutre et ne devrait pas avoir de goût…”
Quel avenir voyez-vous pour les médias indépendants dits alternatifs, face à l’emprise financière des leaders d’opinion ?
“Pierre qui roule amasse mousse” plaisante le patron de France-Soir au sujet des petits médias qui, à l’en croire, peuvent grossir et intéresser les gros médias. “Pour bien comprendre le phénomène des médias alternatifs, il est intéressant de se pencher sur d’autres branches industrielles pour en tirer les mécanismes capitalistiques et de développement stratégiques. Prenons, par exemple, le secteur pharmaceutique. Les laboratoires ont fermé leur département R&D qui ont été sous-traités à des start-up. C’est la fameuse “start up nation” vantée par Macron. Celles qu’on appelle les gazelles sont des structures plus dynamiques, plus flexibles aussi…"
"Revenons à notre sujet : il se passe exactement la même chose avec les médias dits alternatifs. Les petits peuvent se fédérer pour coopérer pour faire de la concurrence aux gros médias et résister aux entreprises prédatrices. A cette évolution, s’ajoute le risque pour les leaders d’opinion de perdre leur audience à cause de l’idéologie qui les habite. En pareil cas, faute de flexibilité, prisonniers de leur traitement biaisé de l’information, ils sont contraints, comme CNN, où les journalistes se sont perdus, de licencier. Dès lors, une question se pose : quid de la dépense publique sous forme de subventions à la presse du service public ? Comme aux USA dans le dossier USAID, la puissance publique ausculte l’investissement. Par conséquent, on peut envisager plusieurs scénarios dans le monde de l’information. Pourquoi ne pas imaginer une commission parlementaire chargée d’auditer l’efficacité de la dépense publique dans les médias ? "
Chacun sait que les subventions publiques accordées aux journaux au nom du pluralisme sont le prix à payer par le pouvoir pour se mettre les grands médias dans la poche…
XA : "Les subventions publiques sont censées assurer le pluralisme et rompre les inégalités, non ? Elles devraient donc profiter aux petits médias et non aux grands ! Le pouvoir préfère subventionner les gros éditeurs parce qu’ils ont une idéologie conforme à leur ligne politique. Ce qui ne les empêche pas de recevoir des instructions le cas échéant sur des sujets sensibles. Notez bien que je ne dis pas de gauche ou de droite. On se souvient de l’idéologie communiste du temps de l’URSS. Le “soviétisme” de Biden dans le monde de l’information ne doit rien à l’autre en matière de propagande. Encore une fois, je pointe le système qui capture les valeurs pour les détourner aux dépens de l’intérêt du peuple et finit inévitablement par provoquer une fracture… ”
A vous entendre, on se dit que la réponse à cette fracture anti-démocratique du libéralisme tient en un mot : frexit…
XA : “Je reste 100 % confiant pour l’avenir, quand je rencontre des hommes politiques, aujourd’hui fort décriés : citons l’Argentin Milei ou les artisans du programme “Make Europe Great Again” en Roumanie… Et quand je pense aux acteurs politiques français qui réclament le Frexit, je leur réponds : c’est difficile de sortir de l’Europe. Ce n’est pas forcément le bon moment…”
Quelles conclusions tirez-vous de ce ras-le-bol des Français de l’info continue mainstream ?
XA : “Cette fracture date de bien avant la crise actuelle. En 2016, quand j’ai commencé à m’occuper de France-Soir et à ausculter l’information, je l’ai vue, déjà très marquée entre les Français et l’information. À l’époque, la voie des médias était déjà barrée à des gens qui voulaient prendre la parole. C’est le journalisme participatif et collaboratif qui leur a permis de s’exprimer librement.
Aujourd'hui, le phénomène s’est accéléré avec l’intelligence collective des réseaux sociaux. (…) Quand des observateurs étrangers nous expliquent que la France a été un grand pays avec des personnalités fortes et qu’ils constatent que Macron ne fait plus recette, qu’en conclure ? Son idéologie est obsolète. Je me souviens d’un édito paru dans le New York Times en 2017 parlant de Macron, qui titrait : “The next failed président” (le prochain président raté -ndlr). J’ai interviewé son auteur : “ le macronisme ne connecte pas avec les Français, analysait Chris Bickerton, professeur à Cambrige et à Oxford. Huit ans plus tard, nos compatriotes ne veulent plus de l’information-propagande. La fracture est consolidée. Ils veulent moins d’informations mais mieux d’information. Les Français ont bu la propagande du pouvoir, désormais ils la recrachent…”
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