Taxis volants : la folle idée de circuits touristiques au-dessus de Paris

Auteur(s)
Corine Moriou*, France-Soir
Publié le 08 décembre 2023 - 15:02
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Taxis volants partie 2
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Geoffroy Van der Hasselt / AFP
Au vacarme des gros-porteurs qui circulent déjà au-dessus de Paris, s’ajoutera donc celui des taxis volants.
Geoffroy Van der Hasselt / AFP

TRANSPORT - Les associations de riverains et de défenseurs de l’environnement sont en colère. Mais les acteurs du projet ne lâchent rien. A l’occasion des JO, des déplacements et des circuits touristiques en taxis volants seraient organisés au-dessus de Paris.

Les taxis volants risquent de s’installer durablement au-dessus de nos têtes. Un rêve ou un cauchemar ?

Profitant de la vitrine des JO, le groupe Aéroport de Paris (ADP), maître d’ouvrage, a prévu de faire circuler des engins électriques conçus par son partenaire, la société allemande Volocopter. Le modèle baptisé VoloCity, sorte d’hélicoptère électrique, dit e-VTOL, (comprenez, en anglais, Electric Vertical Take-off and Landing), pèse 0,7 tonne de métal et fait douze mètres de long. Propulsés par 18 rotors (hélices) et neuf batteries, il ressemble plus à un gros mammouth des airs qu’à un élégant véhicule du troisième type. 

Il transportera un seul client à la fois sans bagage (ou presque), en plus du pilote, moyennant la somme de 110 euros par course. Se déplaçant à une altitude de 150 mètres à 100 km/heure, il ne pourra couvrir une distance supérieure à 35 kilomètres. Il conviendra de changer les batteries toutes les heures.

Pérenniser les jets privés urbains dans le ciel de Paris

L’Autorité environnementale a rendu un avis défavorable sur le projet de création d’un vertiport amarré au quai d’Austerlitz pour accueillir ces taxis volants. Les élus de Paris ont fait bloc pour voter contre un projet jugé "absurde", "une aberration écologique".

Mais Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, ne tarit pas d’éloges sur "l’aviation basse altitude pour la mobilité aérienne urbaine". Elle apporte un million d’euros à l’expérimentation "pendant que les Franciliens galèrent dans les transports en commun", font remarquer des maires de banlieues mal desservies. 

L’expérimentation est programmée de mai à décembre 2024, donc bien au-delà des JO, avec un prévisionnel de 14 700 vols maximum sur huit mois, soit une soixantaine par jour entre 8 et 18 heures. Tant pis si cela casse les oreilles des Parisiens !

"Ne nous y trompons pas, cette expérimentation biaisée a pour but de tester ‘l’acceptabilité’ des populations survolées. L’étape suivante sera de relier plusieurs aéroports franciliens avec le centre de Paris sur des modèles plus gros et plus bruyants, sans pilote. Des enjeux économiques importants se jouent dès aujourd’hui", souligne Françoise Brochot, présidente d’Advocnar, l’association de défense contre les nuisances aériennes.

L’enquête publique relative à la création d’un vertiport au cœur de la capitale n’a guère été médiatisée. (Vous pouvez lire, à ce sujet, notre article : JO 2024 : Non aux taxis volants bruyants et énergivores

Tempête de protestations de Parisiens et associations

Elle a tout de même eu le mérite de soulever une tempête de critiques de la part de Parisiens avertis, d’associations de défense des riverains des aéroports et d’associations de protection de l’environnement.

France Nature Environnement Paris juge les taxis volants comme "une aberration sociale et écologique", faisant valoir que "l’e-VTOL consomme 12 fois plus d’énergie qu’une voiture électrique, sans compter l’impact de sa construction et de son démantèlement, sur lequel le constructeur reste muet…" 

Elle invite à signer une pétition en ligne.

De son côté, EELV Paris a aussi lancé une pétition.

Elle s’appuie sur l’avis de l’Autorité Environnementale qui condamne tout du projet

Au vacarme des gros-porteurs qui circulent déjà au-dessus de Paris, s’ajoutera donc celui des taxis volants.

"Le bruit mesuré est de 80 décibels à 50 mètres d’altitude, on est loin d’un aéronef silencieux ! L’OMS préconise un bruit aérien de 45 décibels maximum dans la journée et de 40 décibels la nuit pour ne pas porter atteinte à la santé. Nous en sommes loin !", fait remarquer Françoise Brochot.

Des baptêmes de l’air et des circuits touristiques au-dessus de Paris  

Les taxis volants ne se déploieraient pas seulement sur l’une des trois lignes aériennes prévues.

ADP envisagerait des baptêmes de l’air et des circuits touristiques, au-dessus de Paris. Vu d’en haut : Notre-Dame, le Champ-de-Mars, les jardins de l’Élysée… Et pourquoi pas le château de Versailles ?

Un arrêté du 9 août 1994 limite les conditions d’utilisation de l’aérodrome de Paris-Issy-les-Moulineaux. Il interdit notamment les vols circulaires avec passagers et sans escale afin de réduire les nuisances que les hélicoptères occasionnent. De l’héliport, les vols sont réservés aux missions de service public sanitaire et de sécurité publique.

Trente ans plus tard, il s’agirait d’abroger ce texte.

Adieu le rêve de Philippe Goujon, maire LR du XVe arrondissement, de fermer l’héliport. Cet aérodrome deviendrait le berceau de vols commerciaux pour les happy few et tous ceux qui veulent tester ce nouveau joujou. La fête à Neuneu, en quelque sorte, au-dessus de la capitale… 

"C’est inadmissible, nous sommes en pleine régression environnementale ! Nous nous battrons contre ce projet. On bafoue la nature et la santé des gens", cingle Françoise Brochot.

Dominique Lazarski, vice-présidente de l’Union française contre les nuisances des aéronefs, ne décolère pas : "Les accidents de taxis volants ne sont pas exclus. Il y a eu 202 accidents d’aéronefs en France en 2022 dus à des défaillances techniques ou humaines."

Un exemple récent : le 4 décembre 2023, à 17 heures, un petit avion s’est écrasé dans la cour d’un immeuble résidentiel à Villejuif (94), faisant trois blessés en état d’urgence absolue.

A ce jour, Volocopter n’a pas obtenu la certification de l’AESA, l’Agence européenne de la sécurité aérienne, qui lui permettrait de faire voler ses engins. Mais parions que ce sésame lui sera délivré avant le printemps 2024 !

*Corine Moriou est journaliste indépendante, grand reporter.

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