Les Français et les bunkers  : une nouvelle histoire d’amour  ?

Auteur(s)
S. Jouan
Publié le 16 avril 2024 - 11:50
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Huguen / AFP
Le maire de la commune alsacienne de Geiswasser, Pierre Meyer ferme le 12 juillet une porte blindée de l'abri anti-nucléaire construit par l'ancienne équipe municipale pour protéger ses administrés d'un risque nucléaire.
Huguen / AFP

Marché en plein essor, les bunkers ont le vent en poupe dans l’hexagone. Notre pays, ayant accumulé un retard sur le sujet face à nos voisins plus prudents, se penche aujourd’hui sur le marché du bunker.  

Le gérant d'Amesis Building International Protect, Enzo Petrone, l’affirme. « Les demandes de devis ont fait un bond quand Emmanuel Macron a parlé d'envoyer des troupes en Ukraine, fin février, et depuis elles sont au niveau qu'on connaît depuis le début de l'année, c'est-à-dire une dizaine par mois ».  

Pionnière dans la construction d'abris antiatomiques pour les particuliers, l’entreprise fondée en 2012 à Menton (Alpes-Maritimes) exerce aujourd’hui sur le marché international. Pour faire suite à l’offensive de Vladimir Poutine lancée le 24 février 2022, les ventes s’accélèrent.  

« Pendant un mois, on a eu deux cents coups de fil par jour, c'était la folie. Les gens étaient terrorisés. » 

Les ventes avaient déjà bondi à l’international au moment de la crise Covid, la société américaine Vivos ayant remonté sur l’année 2020 une hausse des ventes de 500%, quant aux demandes de renseignements ils sont en augmentation de 2 000%. Avec les crises successives, largement médiatisées, le marché s’installe finalement en France.  

Karim Boukarabila, co-fondateur de la société Bünkl il y a quatre ans, à Paris, est convaincu que «l'augmentation de la délinquance, dans à peu près tous les pays, amènera de plus en plus de gens à trouver que la sécurité ne peut pas être réservée à ceux qui ont les moyens de se déplacer en hélicoptère d'une ville à l'autre, comme le font les milliardaires en Afrique du sud, ou à faire en sorte que les quartiers où ils habitent soient ultra-sécurisés, comme c'est déjà le cas à Paris dans les arrondissements les plus chics». 

Afin de convaincre ses clients, il n’hésite pas à donner l’exemple de milliardaires qui, malgré leur croyance aux nouvelles technologies, investissent dans ces infrastructures. « Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, Alex Chriss (Paypal) ou encore Jeff Bezos (Amazon) ont tous des abris antiatomiques. C'est assez ironique, venant de gens qui affirment que la technologie sauvera le monde. Ou ils ne croient pas à leurs propres prédictions, ou ils savent des choses que nous ignorons… ». Jouer sur le doute permet d’achever les quelques réticences de certains.  

L'entreprise française Bünkl recensait quant à elle 284 demandes de devis rien que sur la journée du 25 février, soit au lendemain de l’offensive russe. On dénombre à ce moment en France entre 300 et 400 abris privés et 600 autres militaires dans l'Hexagone, pour une population de 67 millions d'habitants. Ouest-France publiait en juin 2023 que « nos voisins suisses possèdent 370 000 abris répartis sur tout le territoire. De quoi permettre, en principe aux 8,7 millions d’habitants de se protéger, ce qui correspond à un taux de couverture de 107 %, selon l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP) ». Nous ne pouvons que constater notre retard sur cet équipement.  

De telles infrastructures représentent un coût non-négligeable, la société Amesis Bat affichant des prix entre 93 000 € à 116 000 € pour des bâtiments entre 14 à 26 mètres carrés. L’Elysée accueille à lui seul un bunker de 250m², construit sous l’aile du Palais présidentiel en 1940, et par lequel le Président peut déclencher la force nucléaire. Il s’agit aussi du lieu privilégié par le chef de l’État pour accueillir le conseil de défense.  

Afin de permettre le partage des coûts, les sociétés incitent à l’achat collectif. Mais la colocation sur ce type d’infrastructure ne semble pas prendre en France. Enzo Petrone déplore que « les projets privés d'abris collectifs ne fonctionnent pas très bien. Les gens préfèrent bien se connaître ».  

 

 

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