États-Unis : Le chef du Pentagone ordonne une pause des cyberattaques contre la Russie


Un simple choix opérationnel ou une décision stratégique qui annonce un réalignement géopolitique ? Selon plusieurs médias américains, dont le New York Times et le Washington Post, le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, aurait ordonné une pause dans toutes les cyberopérations du Pentagone, notamment offensives, contre la Russie. La décision, que le ministère de la Défense n’a pas confirmé ou infirmé malgré les sollicitations de la presse, est interprétée par certains comme un effort supplémentaire de la part de la Maison Blanche qui s’active à ramener les deux belligérants du conflit ukrainien à la table des négociations. D’autres y voient un abandon pur et simple de l’Europe.
Selon le Washington Post, l’U.S. Cyber Command a reçu l’ordre de suspendre les opérations cybernétiques et d'information contre la Russie. Créée en 2010 pour répondre aux menaces informatiques, cette force, composée de plusieurs milliers d’agents, mène aussi bien des opérations offensives que défensives pour Washington comme ses alliés, auprès de qui la Cyber Command a déjà été déployée.
Statu quo pour l’agence américaine de cybersécurité
En 2019, des membres de cette force ont d’ailleurs été déployés en Ukraine avant l’invasion russe en février 2022, pour aider Kiev à se préparer à des cyberattaques de la part de Moscou.
Dirigée par le général Timothy Haugh, la Cyber Command, affiliée au département de la Défense (DoD), a ainsi reçu cet ordre de faire une pause de la part du Secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, selon d’autres journaux qui corroborent l’information du Washington Post.
Le DoD n’a pas commenté cette information, souhaitant “préserver la sécurité opérationnelle”. Un responsable du Pentagone a souligné sous couvert d’anonymat que “la sécurité du combattant, dans toutes les opérations, y compris dans le domaine cybernétique, sont la plus grande priorité du secrétaire”. A la Maison Blanche, un membre de l’administration Trump a plutôt réfuté une telle mesure. Mike Waltz, conseiller à la sécurité, a indiqué dimanche sur CNN qu’aucune pause “n’a été discutée”. “Il y aura toute sorte de leviers, de la carotte au bâton, pour arriver à mettre un terme à cette guerre”, a-t-il ajouté.
Mais la presse américaine persiste et signe, expliquant même que cette ordonnance de Pete Hegseth ne s’appliquait pas à l’agence américaine de cybersécurité (CISA), dépendante du Département de la Sécurité Intérieure et principalement chargée de la sécurité des réseaux informatiques fédéraux, ni à ses activités de renseignement, y compris celles qui ciblent la Russie. "Il n'y a eu aucun changement dans notre posture. Tout rapport affirmant le contraire est faux et nuit à notre sécurité nationale", a-t-on réagi.
Cette pause intervient à un moment où Moscou est sans cesse accusé par les pays européens de mener une “guerre hybride” contre leurs infrastructures, dans le but de saper leur soutien à l’Ukraine. La décision américaine les exposerait à une vulnérabilité accrue mais pour Donald Trump, la Russie n’est plus une menace. “Nous devrions passer moins de temps à nous soucier de Poutine, et plus de temps à nous inquiéter des immigrants pour ne pas finir comme l'Europe”, a-t-il écrit sur son réseau Truth Social.
Favoriser des négociations de paix
Pour les experts de cybersécurité, la décision de Pete Hegseth est certes stratégique, s’inscrivant dans un contexte de négociations sur l’Ukraine, mais “la question demeure : tendre une branche d’olivier à la plus grande menace cybernétique du pays ne représente-t-il pas un risque ?”, s’interroge Paul Caron, interrogé par Newsweek. “Les infrastructures critiques des États-Unis sont désormais plus exposées aux attaques en raison de ce changement de politique”, estime-t-il, malgré la position inchangée de la CISA.
Un ancien responsable du Cyber Command a de son côté relativisé dans une déclaration à CNN l’ordre du Secrétaire à la Défense. “Il n'est pas rare que le Pentagone suspende des actions potentiellement déstabilisantes ou provocatrices pour favoriser des négociations, y compris en matière de cyber-opérations. Mais si une pause dans la planification a également été ordonnée, cela pourrait rendre certaines options offensives obsolètes et donc inexploitables”, a-t-il averti.
Chez les démocrates, l’heure est à la critique. "Donald Trump est tellement désespéré de gagner l'affection d'un voyou comme Vladimir Poutine qu'il semble lui offrir un passe-droit”, a écrit le chef de la minorité au Sénat, Chuck Summer, dans un post X.
Depuis sa réélection, Donald Trump adopte une posture nettement critique envers l'Europe tout en affichant une attitude conciliante à l'égard de Vladimir Poutine. Le président américain multiplie les initiatives pour mettre un terme au conflit en Ukraine, quitte à froisser le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Cette approche a culminé lors d'une rencontre houleuse à la Maison Blanche, où Trump et son vice-président JD Vance ont ouvertement réprimandé Zelensky, l'accusant de manquer de gratitude et d'entraver les efforts de paix.
Parallèlement, Trump a renoué le dialogue avec Poutine, annonçant le début immédiat de négociations pour résoudre la crise ukrainienne suite à un long entretien téléphonique avec son homologue russe. Cette nouvelle dynamique diplomatique marque un changement radical par rapport à l'administration précédente, signalant un possible apaisement des tensions entre Washington et Moscou.
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