Dommage collatéral : quand la crise sanitaire australienne expose l’abandon des droits humains


Cinq ans après l’arrivée de la COVID-19 en Australie, le rapport « Dommages collatéraux : ce que les histoires inédites de la pandémie de COVID-19 révèlent sur les droits de l'homme en Australie », publié en mars 2025 par la Commission australienne des droits humains (AHRC), dresse un constat aussi troublant qu’essentiel. Sous la direction de la commissaire aux droits humains Lorraine Finlay, ce document s’appuie sur les voix de plus de 5 000 Australiens – une enquête quantitative auprès de 3 032 personnes, 2 300 récits personnels via le portail « Your Story », et 56 consultations ciblées – pour révéler les coûts humains cachés d’une réponse pandémique souvent célébrée comme un modèle. Si l’Australie a potentiellement limité les décès (ce qui reste à prouver) et maintenu une économie relativement robuste (à quel coût ?), ce succès a eu un revers : des droits fondamentaux ont été sacrifiés, souvent sans égard pour les conséquences. À travers sept principes directeurs et une plongée dans les expériences vécues, « Collateral Damage » ne se contente pas de critiquer ; il propose une refonte radicale des réponses d’urgence pour placer les droits humains au cœur des priorités. Que nous apprend ce rapport ? Et, quelles leçons universelles peut-on en tirer ?

Une tension fondamentale : santé publique contre droits individuels
Dès les premières pages, le rapport met en lumière une tension centrale : la lutte contre la COVID-19 a exigé des mesures draconiennes – fermetures de frontières, quarantaines, confinements, obligations vaccinales – qui ont protégé la santé publique, mais au prix de restrictions sévères sur les libertés. « Les réponses gouvernementales à la pandémie ont permis de sauver des vies, mais ce rapport constate que les droits humains n’ont pas toujours été pris en compte ou protégés », écrit Lorraine Finlay dans son avant-propos. Cette phrase résonne comme un avertissement : un objectif noble peut engendrer des dommages collatéraux inacceptables si les droits ne sont pas intégrés dès le départ (principe n° 1 : « Les droits humains ne sont pas une réflexion après coup »).
Un témoignage poignant du portail « Your Story » illustre cette fracture :
« J’étais interdit de quitter l’Australie-Occidentale pour assister aux dernières semaines de mon père à l’hôpital en Nouvelle-Galles du Sud et à son enterrement. J’ai assisté aux funérailles en costume-cravate dans ma cuisine via une vidéo en streaming… Mon père était mon meilleur ami, je n’ai jamais pu lui dire au revoir ni réconforter ma mère » (Homme, 55-64 ans, Submission 199).
Ce récit n’est pas isolé. Des milliers d’Australiens ont été séparés de leurs proches, incapables d’obtenir des exemptions malgré des circonstances désespérées. Le rapport critique l’absence de « mécanismes d’exemption clairs, justes et accessibles » (principe n° 4 : « Équilibrer le risque avec la compassion »), soulignant que les politiques uniformes ont souvent ignoré les réalités humaines. Cette rigidité a transformé des mesures temporaires en sources de traumatismes durables, questionnant l’équilibre entre sécurité collective et dignité individuelle.
Les violations des droits humains : un catalogue de dérives
Le rapport recense explicitement plusieurs violations des droits humains, ancrées dans les traités internationaux auxquels l’Australie est partie, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La liberté de mouvement (article 12) a été bafouée par les fermetures de frontières intérieures et internationales, notamment le bannissement des voyages depuis l’Inde en 2021, qui a empêché des Australiens de rentrer chez eux. Le droit d’entrer dans son propre pays (article 12.4) a été nié à ceux bloqués à l’étranger, souvent sans recours viable. Les confinements brutaux, comme celui des tours de Melbourne en juillet 2020, ont violé le droit à la liberté et à la sécurité de la personne (article 9), l’Ombudsman victorien concluant qu’ils étaient « incompatibles avec les lois sur les droits humains ». Les restrictions sur les rassemblements et les protestations (articles 21 et 22) ont limité la liberté d’expression et d’assemblée, parfois sans proportionnalité claire. Enfin, l’égalité devant la loi (article 26) a été mise à mal par des mesures discriminatoires, comme le traitement inégal des communautés vulnérables ou des non-vaccinés dans certains contextes professionnels. Ces atteintes, bien que justifiées par l’urgence, révèlent un manque de garde-fous pour limiter leur ampleur et leur durée, une lacune que le rapport cherche à corriger.
Des impacts inégaux : les oubliés de la crise
Si l’Australie a globalement bien résisté, le rapport montre que cette résilience n’a pas été partagée équitablement. L’enquête quantitative révèle une fracture : 42 % des sondés jugent leur expérience « neutre », 40 % « négative », et 19 % « positive ». Ceux en emploi stable, capables de télétravailler, ont souvent prospéré, tandis que les travailleurs précaires, les locataires, et les groupes marginalisés ont été écrasés. Les fermetures soudaines des frontières intérieures ont bouleversé les communautés frontalières, coupant l’accès aux soins, à l’éducation, et à l’emploi. « Les abruptions et l’incohérence des fermetures ont disproportionnellement affecté les communautés frontalières », note le résumé, laissant beaucoup se sentir abandonnés.
Les résidents des maisons de retraite ont été particulièrement touchés. Les restrictions prolongées sur les visites ont engendré une solitude écrasante, surtout en fin de vie. « Pour les personnes incapables de réconforter des parents âgés confinés, qualifier la réponse australienne de ‘succès’ diminue leurs expériences personnelles », écrit Finlay. Les Premières Nations, les migrants, et les personnes handicapées ont également payé un lourd tribut. Les communautés autochtones éloignées ont vu leurs soins habituels relégués au second plan, tandis que les femmes enceintes ont accouché dans des conditions de stress extrême. Les titulaires de visas temporaires, exclus des aides financières, et les demandeurs d’asile, ignorés dans les priorités, incarnent ces « laissés-pour-compte ». Le principe n° 2 – « une taille unique ne convient pas à tous » – insiste sur une consultation significative avec ces groupes pour éviter qu’ils ne « tombent entre les mailles du filet ».
Des cas emblématiques : Melbourne et l’Inde sous le microscope
Deux exemples cristallisent les dérives dénoncées. Le confinement des tours de logements sociaux à Melbourne en juillet 2020, affectant 3 000 résidents, est un cas d’école. Avec cinq heures de préavis, ces habitants – souvent pauvres et non anglophones – ont été enfermés sous surveillance policière, sans communication claire ni soutien adapté. L’Ombudsman victorien a jugé cette mesure « sévère » et contraire aux droits humains, une conclusion reprise par le rapport comme preuve d’une « vision en tunnel » (principe n° 4). Les résidents, déjà vulnérables, ont été traités comme des menaces plutôt que des personnes nécessitant une protection.
Le bannissement des voyages depuis l’Inde en 2021 est tout aussi révélateur. En pleine vague Delta, cette interdiction a laissé des Australiens bloqués, violant leur droit de retour et exacerbant leur détresse mentale et financière. Perçue comme discriminatoire, elle a érodé la confiance envers les autorités. « Ces voix doivent être entendues si nous voulons que les réponses futures soient justes et empreintes de compassion », martèle le rapport. Ces cas montrent comment des décisions hâtives, mal calibrées, ont amplifié les dommages humains, un thème récurrent dans les récits collectés.
Communication : le talon d’Achille
Un autre échec majeur concerne la communication. Le principe n° 5 – « une communication efficace est essentielle » – pointe des lacunes criantes : informations tardives, inadaptées, ou absentes pour les diverses communautés, les personnes handicapées, et les victimes de violences familiales. L’enquête Max Diff classe les restrictions sur les rassemblements (12,6 %), la peur du virus (10,5 %), et les confinements (10,3 %) comme les impacts les plus négatifs, reflétant une anxiété alimentée par l’incertitude. Bien que 3 personnes sur 5 aient approuvé la gestion gouvernementale, des « poches de dissidence » sur les masques et les vaccins obligatoires témoignent d’une fracture croissante.
Le rapport appelle à des stratégies diversifiées, s’appuyant sur des leaders locaux de confiance pour contrer la désinformation et atteindre les exclus. L’exemple des confinements amplifiant les violences familiales – reconnu tôt, mais mal traité – illustre comment une communication défaillante a aggravé des crises sous-jacentes. « Diversifier les stratégies en consultation avec les parties prenantes » devient une priorité pour éviter que l’ignorance ne devienne complice des souffrances.
Réactions médiatiques : une prise de conscience critique
La sortie de Collateral Damage a déclenché un écho médiatique significatif. Sky News Australia titrait : « non prise en compte les réalités locales : un nouveau rapport sur le COVID révèle que les gouvernements australiens n'ont pas suffisamment pris en compte les droits humains ». Le média a mis en avant les « politiques universelles qui ont ignoré les réalités locales », citant les tours de Melbourne comme un « échec flagrant ». Sur X, Sky News (@SkyNewsAust) a posté : « Un nouveau rapport sur le COVID critique les gouvernements australiens pour avoir négligé les droits humains dans leurs réponses à la pandémie », avec un lien vers l’article. Ces réactions traduisent une prise de conscience croissante que le narratif du « succès australien » doit être nuancée par les coûts humains, tout en ravivant le débat sur la responsabilité des décideurs face à ces manquements. Ce qui a été critiqué dès le début par le parlementaire australien Craig Kelly, il était bien seul à l’époque.
Implications pour la France : une liberté en sursis
L’expérience australienne trouve un écho troublant en France, où la pandémie a également vu des restrictions massives - confinements stricts, couvre-feux, pass sanitaire - au nom de la santé publique. Comme en Australie, ces mesures ont restreint la liberté de mouvement, le droit à la vie privée, et parfois la liberté d’expression, notamment lors des manifestations anti-pass. Les parallèles sont frappants : les exemptions humanitaires étaient difficiles à obtenir, séparant des familles et laissant des individus dans des situations de détresse similaires à celles décrites dans Collateral Damage. Les fermetures de frontières ont isolé des Français à l’étranger, tandis que les obligations vaccinales ont polarisé la société, érodant la confiance envers l’État.
Le rapport australien interroge : la France est-elle prête pour la prochaine crise ? Sans un cadre clair pour protéger les droits en temps d’urgence - à l’image de celui proposé par l’AHRC - elle risque de reproduire ces « dommages collatéraux ». Les leçons australiennes, comme la nécessité de proportionnalité (principe n° 3) et de compassion (principe n° 4), pourraient inspirer une réflexion sur une gouvernance de crise plus équilibrée, évitant que la sécurité ne devienne un prétexte pour sacrifier les libertés fondamentales. Un récent sondage France-Soir/BonSens.org vient renforcer ces questions puisque 49 % pensent que le gouvernement n’a pas bien géré la crise covid, 64 % demandent une commission covid comme c’est le cas dans de nombreux pays pour évaluer la politique et les dépenses. En sus, 79 % estiment que le secret défense sur la gestion covid doit être levé pour que chacun sache comment les décisions ont été réellement prises. Dans le même sondage 69 % des sondées indiquent que le gouvernement doit faire une évaluation des traitements précoces contre la covid.

BonSens.org, un cri contre l’oubli des droits
En France, l’association BonSens.org incarne une résistance face à ces atteintes en ayant tout d’abord alerté les parlementaires des dérives de certaines mesures covid, ainsi que sur les vaccins covid. L’association a aussi soutenu les personnes assujetties à l’obligation vaccinales discriminées par leur décision de ne pas se faire vacciner. Elle a aussi aidé des patients en attente de greffe devant les décisions arbitraires de prioriser les vaccinés par rapport aux non vaccinés. Plusieurs plaintes ont été portées afin d’obtenir la transparence sur les chiffres des décès (demande de Laurent Toubiana), ou sur les contrats des vaccins dont l’opacité est attentatoire aux droits fondamentaux. Beaucoup de ces plaintes ont été rejetées ou ne sont pas audiencées, cependant elles mobilisent un mouvement critique envers les politiques sanitaires, plaidant pour des garanties juridiques robustes – une idée alignée avec le cadre d’urgence basé sur les droits humains proposé par Collateral Damage.
L’action de BonSens.org (1), bien que symbolique, met en lumière une question universelle : jusqu’où une crise peut-elle justifier des restrictions disproportionnées et l’instrumentalisation de la science pour masquer un objectif politique ?
Vers une nouvelle ère de gestion des crises ?
Collateral Damage est plus qu’un rapport rétrospectif ; c’est un manifeste pour l’avenir. En exposant les violations des droits, les inégalités amplifiées, et les échecs de communication, il déconstruit le mythe d’une réponse pandémique australienne irréprochable. Ses sept principes – des droits prioritaires à une planification post-crise – offrent une feuille de route pour réconcilier sécurité collective et dignité individuelle. Pour l’Australie, la France, et au-delà, il rappelle une vérité implacable : les droits humains ne peuvent être relégués au second plan en temps de crise. Comme le conclut Lorraine Finlay, « Nous voulons nous assurer que personne ne soit laissé pour compte lors de la prochaine crise. » La question reste ouverte : les gouvernements écouteront-ils cet appel ? Si oui, les « dommages collatéraux » pourraient devenir un souvenir évitable, et non une fatalité répétée.
Pour l’instant la réponse vient plutôt des États-Unis avec la nomination de Robert Kennedy Jr au poste de secrétaire d’État à la Santé qui avec Dr Jay Bhattacharya (2) veulent redonner leurs lettres de noblesse à la science et empêcher toutes formes d’instrumentalisations à des fins politiques.
Note :
(1) Xavier Azalbert est administrateur de l'association bonsens.org.
(2) France-Soir reste le seul média français à avoir interviewé ces deux personnes !
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