Mark Zuckerberg a envisagé un outil de censure et un accès aux données des utilisateurs pour convaincre Pékin de déployer Facebook


Au moment où Mark Zuckerberg prône la liberté d’expression sur ses plateformes pour s’attirer les faveurs de Donald Trump, de nouvelles révélations viennent lui rappeler sa réputation de baron de la data, du milliardaire qui a bâti son modèle économique sur l’exploitation des données personnelles de ses utilisateurs. Selon une plainte et un livre à paraître de Sarah Wynn-Williams, ancienne directrice des politiques publiques mondiales du groupe Meta, le milliardaire était prêt à tout pour convaincre la Chine de s’ouvrir à Facebook, quitte à mettre en place un “système de censure” et permettre à Pékin un accès aux données privées des utilisateurs.
Durant l’été, le patron de Meta adressait une lettre à une commission d'enquête parlementaire sur la modération des contenus sur les réseaux sociaux. Mark Zuckerberg a fait des révélations surprenantes concernant les pressions exercées par l'administration Biden pendant la pandémie de COVID-19. Il affirme que de hauts responsables, y compris la Maison Blanche, ont insisté pendant des mois pour que Meta censure certains contenus liés au COVID-19, allant jusqu'à l'humour et la satire. Zuckerberg exprime ses regrets d'avoir cédé à ces pressions, qu'il qualifie d'"inappropriées".
Pour la liberté d’expression ou pour le gain ?
Le co-fondateur de Facebook a également abordé la controverse entourant l'affaire du laptop de Hunter Biden. Il révèle que le FBI avait averti Meta d'une possible opération de désinformation russe concernant la famille Biden avant l'élection de 2020. En conséquence, lorsqu'un article du New York Post rapportant des allégations de corruption impliquant la famille Biden est apparu, Meta a temporairement rétrogradé l'article en attendant une vérification des faits. Zuckerberg admet maintenant que cette décision était une erreur, car il s'est avéré que l'article n'était pas de la désinformation russe.
Ces révélations semblent avoir marqué un changement radical dans l'approche de Zuckerberg en matière de modération de contenu. Il affirmait alors, dès la victoire de Donald Trump, avec qui la relation a toujours été tendue, avoir modifié les politiques et processus de Meta pour éviter que de telles situations ne se reproduisent. Ce virage à 180 degrés s’était accompagné avec des dons au fonds d'investiture de Trump et des dîners en tête à tête avec le président, confirmant le repositionnement stratégique du PDG de Meta dans le paysage politique américain.
Mais Mark Zuckerberg n’était-il juste pas “motivé par le gain” ? C’est par ces termes que l’ancienne directrice des politiques publiques mondiales de Meta, Sarah Wynn-Williams, une ancienne diplomate néo-zélandaise, décrit le milliardaire et ses associés. Dans un livre à paraître ainsi que dans une plainte déposée auprès de la SEC, la commission américaines des opérations boursières, elle révèle les efforts de son ex-patron pour ouvrir la Chine à Pékin.
Son intérêt pour la Chine naissait en 2014 après avoir reçu Lu Wei, haut dirigeant du PCC, condamné depuis à 14 ans de prison pour corruption. Des salariés de Meta espéraient convaincre Pékin en évoquant leur coopération avec le consulat chinois de San Francisco visant à “supprimer des sites terroristes dangereux pour la Chine”.
Un outil de censure et un accès aux données
Avec des documents internes à l’appui, Sarah Wynn-Williams affirme que Mark Zuckerberg a multiplié les tentatives, pendant des années, pour convaincre le Parti communiste chinois à autoriser Facebook à opérer en Chine. Mais pour ce faire, ses arguments, révélés par son ancienne employée, pourraient vite susciter la polémique.
Le PDG de Meta aurait ainsi proposé à Pékin en 2015 de donner au Parti communiste chinois l’accès aux données privées de ses utilisateurs chinois. Le Washington Post, qui s’est procuré une copie de la plainte déposée par Sarah Wynn-Williams auprès de la SEC, gendarme boursier américain, a révélé plus de détails, expliquant qu’en cas d’autorisation de Facebook en Chine, une société de capital-investissement locale, Hony Capital, se serait chargée d’examiner le contenu publié.
Il est même question, selon la lanceuse d’alerte, d’un “rédacteur en chef” qui déciderait de la suppression ou pas des contenus, à l’aide d’un “système de censure” qui détecte automatiquement les contenus problématiques et les mots-clés restreints qui seraient mis en place par Meta, et aurait même accepté d'embaucher 300 modérateurs pour renforcer ce système efficace.
Selon la même plainte, plusieurs cadres dirigeants de Meta auraient subi des pressions de la part de Pékin pour héberger les données des utilisateurs chinois dans des data centers locaux. Ce faisant, la Chine aurait pu accéder plus facilement à leurs données personnelles. “En échange de la possibilité d'établir des opérations en Chine, Facebook acceptera d'accorder au gouvernement chinois l'accès aux données des utilisateurs chinois, y compris les données des utilisateurs hongkongais”, explique un email rédigé par un salarié chargé de la politique de confidentialité et déposé en annexe de la plainte.
Sarah Wynn-Williams, une habituée du WEF, en a profité pour décrire ses sept années au sein de Meta, critiquant les dirigeants, Mark Zuckerberg à leur tête, des personnes “insouciantes, irresponsables et égoïstes, motivées uniquement par le gain”.
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