Classe politique française : l’art d’être opposant en 2025
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Les rédacteurs de la constitution de 1958 ont prévu que les députés suivraient le gouvernement de deux manières possibles. Soit une majorité de députés vote en faveur du texte que le gouvernement leur soumet ; soit les députés ne votent pas (ne serait-ce qu’en restant chez eux au moment du scrutin) la démission du gouvernement lorsque ce dernier a engagé sa responsabilité sur le texte (1) (3).
Le deuxième cas vient de se produire.
- Alors même que des groupes de députés se proclament opposants du président de la République et des choix de société de ce dernier qui sont mis en œuvre par un Premier ministre nommé par lui.
- Alors même que la censure est sans risque, puisque le président de la République est actuellement privé de pouvoir rétorquer au vote de censure par une dissolution de l’Assemblée nationale.
Attitude des opposants (autoproclamés comme tels) qui permet au gouvernement de continuer à exister et de mettre en œuvre la « politique Macron » concrétisée par le budget. Et qui donne en fait au président de la République la possibilité de se « refaire » et de préparer sa succession (et/ou une reconversion) avec ceux qui l’ont porté au pouvoir.
Ce qui n’aurait pas été forcément le cas si les oppositions avaient refusé (par exemple en les censurant systématiquement), d’entrer en relation avec tout gouvernement nommé par E. Macron et dont les membres auraient « marché » avec ce dernier. (1)
Les arguments servis par les opposants qui ont fait le choix … de ne pas s’opposer (« la France doit avoir un budget » ; « il ne faut pas créer de crise », « on ne peut pas mêler nos voix avec celles d’autres partis » …), ne peuvent que laisser les citoyens pantois. Car si la France n’avait pas ce budget Macron-Bayrou, elle pourrait en avoir un autre. Et la France resterait toujours en Europe, même si les règles financières, économiques, sociales, et d’organisation politique imposées aux citoyens (ou ce qu’il en reste) de cet espace géographique, étaient modifiées. (Ce que, par ailleurs, les mêmes « opposants » n’envisagent pas ou n’envisagent plus).
Explications d’une nature telle qui font se demander si elles ne recouvrent pas tout bonnement des préoccupations tactiques, ayant plus à voir - dans la tradition politicienne - avec la carrière politique de certains, qu’avec les intérêts du Pays ou de ses citoyens. (2)
En se comportant comme elle vient de se comporter, la classe politique actuelle dans son ensemble (parlementaires et président de la République compris) a probablement joué contre les intérêts de ses membres. Et de ce qu’ils portent. Et a probablement contribué, sans que les intéressés l’aient voulu et sans qu’ils l’aient vu venir, à préparer l’installation d’autres personnes aux postes de commande. Comme cela s’est produit dans l’histoire du Pays, quand le régime des partis et des politiciens dépassa les bornes. (3)
Marcel-M. MONIN
ancien maître de conférences des universités.
- Les rédacteurs de la constitution de 1958 ont, compte tenu des comportements des politiciens de l’époque, imaginé diverses techniques tendant à faciliter l’approbation par les parlementaires (en premier lieu des députés) de la ligne politique et des réformes déterminés (art. 20) par le gouvernement. - vote non obligatoire sur les détails d’une réforme, - détails qui suscitaient les désaccords - (art. 34) ; - adoption implicite de divers textes ne pouvant avoir de majorité, par l’effet du non-renversement du gouvernement (art 49) … ; - renversement difficile eu égard au nombre de voix requis pour ce faire ; et renversement à risque potentiel pour la carrière de certains députés en raison de la menace de la dissolution (art 12). Mais le tout dans un contexte dans lequel le chef de l’Etat était (situation que l’on avait voulu favoriser par son élection au suffrage universel) en phase avec la Nation. Aujourd’hui le chef de l’Etat n’est plus du tout en phase avec la Nation. Et les représentants des partis ayant des délégués dans la chambre basse, manœuvrent (tout comme le président de la République du moment pour ce qui le concerne et l’intéresse de faire) en utilisant les dispositions constitutionnelles … Qui n’étaient pas faites pour cela.
- Parmi les hypothèses : si les députés des « oppositions » n’ont pas fait le choix de tenter de provoquer la démission d’E. Macron, c’est possiblement (sauf s’il n’y ont pas pensé ou s’ils ignoraient l’histoire), comme à l’habitude dans le milieu, pour des raisons … intéressées. Comme - qui sait ? - la crainte que des élections présidentielles anticipées n’aient pas, présentement, de bons effets sur les espérances de carrière de certains d’entre eux
- NB. Sur ces questions, lire nos explications dans « textes et documents constitutionnels depuis 1958. Analyses et commentaires ». Dalloz - Armand Colin.
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