Un Dély de délit : quand l’édito trahit le public

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 03 mars 2025 - 12:30
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Un Dély en délit
Crédits
France-Soir, AFP
En Dély de délit : quand l’édito trahit le public
France-Soir, AFP

Dans son édito du 3 mars 2025 sur France Info, Renaud Dély transforme le débat à l’Assemblée nationale sur l’Ukraine en un réquisitoire partisan. Pointant le Rassemblement National (RN) et la France Insoumise (LFI) comme les « relais politiques » de Donald Trump et Vladimir Poutine, il présente ce moment comme une mise à nu des traîtres à la nation, des patriotes « en carton » jouant contre l’Union européenne. Mais ce texte, loin d’être une analyse, sombre dans la délation, la ségrégation et une caricature indigne d’un service public financé par tous. Pire, il ignore plusieurs scandales majeurs : l’absence de vrai vote à l’Assemblée sur l’engagement français en Ukraine, le viol constitutionnel par Macron, Attal et Séjourné, et les résistances comme celle du général Paul Pellizzari, qui s’oppose aux livraisons d’armes illégales. Et, surtout, il ignore l’ignominie de la guerre et des pertes civiles. Décryptons ce pamphlet qui trahit plus qu’il n’éclaire.

Dély, un habitué des jugements hâtifs – la polémique pour le buzz

Renaud Dély, figure connue du journalisme français, a fait ses armes à Marianne, L’Obs et désormais France Info. Sa plume s’est souvent mise au service d’une bien-pensance élitiste, marquée par des jugements expéditifs, mettant de côté les intérêts du peuple et de la Nation. Pendant la crise du Covid, il a fustigé les « antivax » comme des irresponsables, ignorant les doutes légitimes, aujourd’hui plus que légitimes, face à des politiques coercitives, et a ainsi méjugé la montée de la défiance populaire et les erreurs répétées des communications gouvernementales. Sur les élections américaines, il a prédit en 2016 l’échec de Trump, moquant ses électeurs comme une frange marginale, avant d’être démenti par les urnes. En 2024, il a récidivé, minimisant la résilience de Trump jusqu’à son retour triomphal à la Maison Blanche soutenus par une très grande majorité des Américains. Anthony Lacoudre, avocat et correspondant de France-Soir aux États-Unis qui avait bien prédit la victoire de Trump avait expliqué que « les médias, et les journalistes, qui font croire que la course est serrée, ne sont pas très honnêtes avec leur public ». Ces erreurs révèlent une constante : Dély préfère les étiquettes aux faits, une faiblesse criante dans son édito sur l’Ukraine. Dély de malhonnêteté ?

Les thèmes principaux : délation, ségrégation et amalgames douteux

L’édito s’appuie sur trois axes toxiques. D’abord, la délation : en ciblant RN et LFI comme des agents de puissances étrangères, Dély incite à une chasse aux sorcières. Jordan Bardella est épinglé pour un voyage à Washington, Marine Le Pen pour ses appels à la paix jugés complaisants. Ensuite, la ségrégation : il divise les acteurs politiques entre les soutiens vertueux de l’Ukraine et les dissidents honnis, sans envisager que critiquer l’escalade militaire puisse être légitime. Enfin, les amalgames outranciers : associer un salut nazi de Steve Bannon à Bardella ou réduire toute prudence à une soumission à Poutine est une manipulation grossière. Ces raccourcis, qui caricaturent l’histoire et diabolisent des adversaires, n’ont pas leur place sur une chaîne publique censée informer et assurer le pluralisme, pas diviser.

Mais Dély passe sous silence une réalité criante : depuis le début du conflit, aucun vote préalable n’a eu lieu à l’Assemblée nationale sur l’engagement français en Ukraine. L’accord franco-ukrainien du 16 février 2024, signé par Macron et Zelensky, engage la France sur dix ans et trois milliards d’euros pour 2024, sans ratification parlementaire initiale. Face à ce déni démocratique, Alain Houpert et Nicolas Dupont-Aignan ont saisi le Conseil d'état en référé pour exiger un débat. Leur action a forcé une discussion, mais sous l’article 50-1, un vote symbolique sans portée contraignante, et non sous l’article 53, qui exige un vote formel pour tout traité engageant les finances ou la souveraineté. Cette manœuvre, que Dély omet, souligne son biais : il traque les « traîtres » présumés, mais ferme les yeux sur les entorses réelles à la démocratie. Il en oublie le véritable rôle des médias d’assurer un contre-pouvoir. Outre le Dély de propagande, il omet volontairement de dire que Trump a œuvré pour la Paix alors que tous les autres leaders continuent à livrer des armes.

Le viol de la Constitution : un angle mort révélateur

Le silence de Dély sur les agissements de Macron, Attal et Séjourné est accablant. L’accord franco-ukrainien violerait l’article 53 de la Constitution, qui impose une ratification parlementaire pour tout traité engageant les finances ou la souveraineté. Signé sans vote préalable, puis soumis à un débat a posteriori sous un article 50-1 anodin, il contourne la représentation nationale. Le12 mars 2024, Houpert, Dupont-Aignan, Florian Philippot et BonSens.org ont porté l’affaire devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, dénonçant un « manquement délibéré » à la souveraineté populaire. Ce n’est pas un détail : c’est une atteinte grave à la démocratie, validée par un exécutif qui agit en autocrate. Dély, en taisant ce scandale, révèle une vision biaisée, préférant accuser les opposants plutôt que de questionner le pouvoir, même quand celui-ci bafoue la Constitution. Dély en plein déni.

Un texte qui divise mais s’effrite

Pour Dély, cet édito présente des avantages : il polarise, attire l’attention et flatte une élite pro-européenne friande de boucs émissaires. En agitant les spectres de Trump et Poutine, il rallie les convaincus et conforte une narrative guerrière. Mais les inconvénients l’emportent : il aliène les Français qui doutent de l’escalade sans être pro-russes, décrédibilise France Info comme média impartial, et accélère la défiance envers les médias institutionnels. Son silence sur le viol constitutionnel et l’absence de vote réel fragilise encore plus sa posture : comment prétendre défendre la démocratie en ignorant ses entorses les plus flagrantes ? À force de crier à la trahison sans preuves solides, il vide ces accusations de sens et pousse les citoyens vers des sources alternatives. Dély de sabotage de France Info pour accentuer la fracture entre les médias mainstream et les Français ?

Le général Pellizzari : une voix contre les livraisons illégales

Face à cette rhétorique belliciste, le général Paul Pellizzari incarne une résistance fondée sur le droit et la paix. Ce général de l’Armée de Terre à la retraite, spécialiste de l’armement devenu lanceur d’alerte, a déposé le 2 avril 2024 une plainte devant la Cour de Justice de la République (CJR) contre Gabriel Attal, Sébastien Lecornu et Stéphane Séjourné. Il leur reproche d’avoir livré à l’Ukraine, depuis février 2022, des matériels de défense nationale (canons César, systèmes anti-char, drones, etc.), en violation de l’article 411-3 du Code pénal, qui punit de 30 ans de détention criminelle la livraison de tels équipements à une puissance étrangère. Pellizzari souligne que ces dons, amputant jusqu’à 40 % des capacités françaises, fragilisent la défense nationale sans mandat démocratique. À ce jour, on ne sait toujours pas si ces stocks ont été reformés comme ils auraient du l’être.

Sa plainte rejetée par la CJR, jugée « irrecevable » pour défaut de préjudice direct, Pellizzari a lancé une pétition le 4 juin 2024, « Stop à la livraison illégale d’armes à l’Ukraine », recueillant plus de 10 000 signatures (4 juin 2024). Soutenu par le sénateur Houpert, il a remis un communiqué à l’AFP pour alerter le public, dénonçant une politique belliciste qui franchit la ligne de la cobelligérance sans aval populaire. Contrairement à Dély, Pellizzari ne caricature pas : il exige le respect de la loi et de la souveraineté. Que Dély ignore cette démarche montre son parti pris : il préfère les anathèmes à la pluralité des voix, même celles d’un militaire de haut rang plaidant pour la paix.

Par ailleurs, qu'est-ce que dira Dély quand Macron proposera de mutualiser l'arme nucléraire en totale violation du traité de non-prolifération des armes nucléaires, sachant qu'il faudra bien à un moment trouver un territoire pour tester ces armes ?  

Un parti pris élitiste qui creuse le fossé mais qui se prendra le mur de la réalité

L’édito de Renaud Dély illustre un journalisme déconnecté, celui d’une caste qui sermonne plutôt qu’elle n’écoute. En fustigeant RN et LFI comme des « relais » étrangers, il ignore les aspirations populaires – paix, souveraineté, débat réel – pour imposer une doxa pro-UE et guerrière. Son silence sur l’absence de vote préalable, sur l’action de Houpert et Dupont-Aignan, sur le choix de l’article 51 plutôt que 53, et sur le viol constitutionnel par Macron, Attal et Séjourné trahit une vision obscure, au service de l’establishment plus que du peuple. L’initiative de Pellizzari, plainte et pétition à l’appui, résonne comme un contrepoint : dire non aux livraisons illégales et à la guerre n’est pas une trahison, mais une exigence démocratique, un devoir même. Quand France Info relaie une telle propagande, la défiance des Français envers les médias s’explique : elle naît d’un fossé que des éditos comme celui de Dély ne font qu’aggraver. Le peuple veut être entendu, pas jugé.

Un Dély en délit de manquement aux devoirs de la charte de Munich : « Faire du journalisme autrement, c'est possible », et c'est même ce que demandent les lecteurs.

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