Bayrou à l’Assemblée : le chant du cygne d’une politique épuisée. Il a parlé personne n'a vraiment écouté.
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Ce 3 mars 2025, en prélude à un débat sur la guerre en Ukraine, le premier ministre François Bayrou prononcé un discours à l’Assemblée nationale. Présenté comme une réflexion grave sur la justice, l’Europe, les valeurs françaises et les risques d’un monde chaotique, ce discours se voulait solennel. Pourtant, ses propos sonnent souvent creux, recyclant des poncifs sans offrir de solutions concrètes. Bayrou y dénonce la « loi du plus fort », appelle à l’unité européenne et exalte la France. Cependant, son ton alarmiste et ses formules grandiloquentes masquent mal une rhétorique usée, déconnectée des réalités pratiques. Retour sur les thèmes abordés, leur pertinence, et les implications pour la politique, la France, les Français, les étrangers, ainsi que les perspectives de guerre ou de paix : ce discours marque-t-il un nadir de la politique française ?
Bayrou entame son discours par une formule choc : « C’est la fin de la loi du plus juste, c’est le règne de la loi du plus fort ». Si cette phrase vise à frapper les esprits, elle n’apporte rien de neuf, et se rapproche d’une lamentation stérile. La domination des puissances sur le droit international est un constat vieux comme le monde, particulièrement évident dans le conflit ukrainien. Bayrou se contente de déplorer cette réalité sans proposer de stratégie pour la contrer. Où sont les idées pour renforcer les institutions internationales ou contrer les agressions russes ? Cette posture de Cassandre, qui se lamente sans agir, trahit une impuissance intellectuelle autant qu’une volonté de dramatiser pour exister politiquement.
L’unité européenne qui ressort tel un vœu pieux sans substance. Le président du MoDem martèle : « l’Europe doit parler d’une seule voix, car divisée, elle n’est rien. » Cet appel à la solidarité européenne sonne comme un refrain éculé. Bayrou, fidèle à son logiciel centriste, ressasse une idée noble, mais irréaliste face aux divergences persistantes entre États membres. Qui peut croire, en 2025, que la Hongrie d’Orban ou la Pologne nationaliste s’aligneront aisément sur une politique commune ? L’absence de propositions concrètes – sanctions renforcées, armée européenne, diplomatie coordonnée – réduit ce passage à une incantation vide, destinée à flatter l’auditoire sans bousculer le statu quo.
La France et ses valeurs : un lyrisme dépassé. Bayrou enrobe son discours d’un hommage à la France : « La France, c’est la nation qui a toujours porté la liberté, la justice, la dignité humaine au-delà de ses frontières. » Cette envolée patriotique, censée galvaniser, frise le ridicule tant elle ignore les contradictions historiques et actuelles. La France, championne universelle ? Quid de son passé colonial ou de son alignement souvent docile sur les États-Unis ? Ce lyrisme nostalgique semble déconnecté des Français d’aujourd’hui, confrontés à des crises économiques et sociales, et peu sensibles à ces auto-congratulations. Bayrou s’adresse ici à une France mythifiée, pas à celle qui vote ou qui souffre.
Il conclut sur une note dramatique : « Si nous ne réagissons pas, l’Histoire nous jugera. » en forme de menace vague sur un ton prophétique. Cette mise en garde, destinée à souligner l’urgence, manque cruellement de précision. Que faut-il faire ? Soutenir militairement l’Ukraine au risque d’un conflit direct avec la Russie ? Négocier une paix fragile ? Bayrou se garde bien de trancher, préférant une posture de prophète tragique. Ce flou stratégique, masqué par une rhétorique ampoulée, révèle un discours plus théâtral qu’opérationnel, typique d’un homme politique en mal de pertinence.
Triste image de la politique et de la France
Ce discours brosse une image désolante de la politique française : un théâtre d’ombres où les mots ronflants servent à dissimuler l’absence d’idées neuves ou de courage. Bayrou incarne une classe politique engluée dans des formules creuses, incapable de répondre aux défis concrets du XXIe siècle. Sur la scène mondiale, la France qu’il dépeint – une nation morale, mais dépendante de l’Europe – apparaît comme une puissance déclinante, réduite à des incantations face à des acteurs comme la Russie ou la Chine. L’escalade des soutiens à l’Ukraine, évoquée implicitement, est un point névralgique : Bayrou semble flirter avec une rhétorique belliqueuse sans assumer ses implications. En dénonçant la « loi du plus fort » tout en restant vague sur les moyens d’y résister, il laisse planer le spectre d’une implication accrue – financière, militaire – qui pourrait rapprocher l’Europe d’un conflit ouvert.
Doutes et confusion et manque de leadership français typique du « en même temps »
Pour les Français qui écoutent, ce discours risque de semer davantage de confusion que d’espoir. L’absence de solutions tangibles face à une crise internationale majeure renforce le sentiment d’impuissance et d’abandon. Les citoyens, déjà sous pression économique (inflation, énergie), pourraient percevoir cette grandiloquence comme une déconnexion des élites, alimentant le désintérêt ou la radicalisation électorale. Concrètement, si Bayrou pousse entre les lignes vers un soutien accru à l’Ukraine, cela signifie des impôts plus lourds, des sacrifices énergétiques ou même, à terme, des pertes humaines – une perspective qu’il n’ose nommer.
Pour les étrangers, notamment les Ukrainiens ou les Russes suivant le conflit, ce discours est un non-événement. Les premiers y verront un soutien verbal sans engagement ferme, les seconds un bruit de fond occidental sans menace réelle. Les partenaires européens, eux, risquent de hausser les épaules devant ce énième appel à l’unité, lassés par le manque de leadership français.
La guerre ou la paix ?
Le discours penche vers une rhétorique de guerre sans le dire explicitement. La dénonciation de la "loi du plus fort" et l’urgence sous-jacente évoquent une escalade possible si l’Europe ne s’affirme pas. Pourtant, Bayrou ne propose rien pour désamorcer le conflit ukrainien – ni diplomatie audacieuse, ni renforcement militaire clair. Cette ambiguïté laisse penser que la France et l’Europe dérivent vers une guerre par défaut, faute de vision ou de volonté de négocier avec des acteurs comme Poutine. La paix semble hors de portée sans un virage stratégique que Bayrou n’esquisse même pas, rendant son discours plus alarmiste que constructif.
Touche-t-on le fond de la politique française ?
Ce discours pourrait-il marquer le fond de la politique française ? Pas tout à fait, mais il en est un symptôme inquiétant. Bayrou, vétéran du jeu politique, incarne une génération usée, incapable de se réinventer face à des crises inédites. Sa prestation illustre une dérive vers une politique-spectacle, où la forme (le ton grave, les citations ciselées) prime sur le fond (des réponses pratiques). Si ce n’est pas le nadir absolu – d’autres ont sombré plus bas dans le populisme ou l’incompétence –, c’est un signal d’une classe dirigeante en bout de course, qui préfère les postures aux décisions. Le fond, s’il est atteint, le serait dans l’incapacité collective à dépasser ce type de discours.
Réactions des uns et des autres
Les réactions au discours de Bayrou oscillent entre indifférence et critique acerbe. À droite, un député LR ironise : « Bayrou nous refait le coup de la France éternelle, mais où sont les actes ? » Cette remarque souligne le scepticisme face à son lyrisme.
À gauche, une voix écologiste déplore : « il parle d’Europe, mais pas de transition énergétique ni de justice sociale – toujours les mêmes priorités dépassées. »
Au sein de la majorité, un macroniste tente une défense tiède : « François rappelle les enjeux, c’est son rôle. » Mais même cet appui manque de conviction. Sur les réseaux sociaux, un internaute résume le sentiment général : « Encore un discours pour dire qu’on va mal sans dire quoi faire. Merci Captain Obvious. »
Et à l’étranger quand on pose la question sur le discours on nous revient avec un « c’est qui Bayrou ? » Ces réactions convergent vers un constat :
Bayrou a parlé, mais personne ne l’a vraiment écouté.
Ce discours restera comme une énième pièce de théâtre politique sans substance. En invoquant la fin de la justice, l’unité européenne, les valeurs françaises et un futur menaçant, il recycle des tropes usés sans jamais se risquer à des propositions audacieuses. La politique y apparaît comme un exercice de style vain, la France comme une ombre de sa grandeur passée, et les Français comme les victimes collatérales d’une rhétorique stérile. Pour les étrangers, c’est un murmure inaudible. Entre guerre et paix, le flou domine, mais l’élan semble guerrier par omission. Si ce n’est pas le fond absolu de la politique française, c’est un jalon dans son déclin, confirmé par des réactions oscillant entre lassitude et sarcasme.
Bayrou voulait alerter ; il n’a fait que souligner son propre effacement.
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