Juliette Binoche, comédienne iconoclaste, Présidente du jury du Festival de Cannes 2025
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Une nouvelle historique : Juliette Binoche a été nommée Présidente du jury du 78e Festival de Cannes qui se déroulera du 13 au 24 mai prochain. Engagée dans son art et son époque, l’actrice a un caractère bien trempé. Elle a conquis le public et les critiques réunissant dans une filmographie-monde les plus grands cinéastes d’aujourd’hui.
Légende photo 1 : Juliette Binoche, une habituée de la Croisette, Présidente du Jury de la prochaine édition du Festival de Cannes du 13 au 24 mai prochain ©Fred Dugit
Elle est l’une des actrices françaises les plus connues au monde.
Juliette Binoche a été choisie pour présider le Jury de la 78e édition du Festival de Cannes qui se tiendra du 13 au 24 mai prochain. Elle succède à la réalisatrice américaine Greta Gerwig qui a fait sensation avec son excellent film Barbie.
« Pour la deuxième fois dans l’histoire du Festival, deux artistes féminines se transmettront le fameux flambeau », souligne les organisateurs du Festival. Le précédent remontait au milieu des années 60, quand l’icône du cinéma italien Sophia Loren avait succédé à Olivia de Havilland (Autant en emporte le vent).
« J’attends avec impatience le partage de ces moments de vie avec les membres du jury et le public. En 1985, je montais les Marches pour la première fois avec l’enthousiasme et l’incertitude d’une jeune actrice ; je n’imaginais pas revenir 40 ans après dans ce rôle honorifique de Présidente du Jury. J’en pèse le privilège, la responsabilité et la nécessité absolue d’humilité », a réagi celle qui est connue pour sa défense des droits humains, son combat contre la déforestation de la planète ou encore contre les violences sexuelles.
Elle a dit « Non » à Steven Spielberg et « Oui » à Thierry Frémaux
C’est une actrice à part. Elle a eu son premier grand rôle dans Rendez-vous d’André Téchiné joué avec Lambert Wilson et Jean-Louis Trintignant, en 1985. Ce film audacieux, à la fois violent et tendre, a remporté le Prix de la mise en scène au 38e Festival de Cannes. Juliette Binoche, 60 ans, le dit avec fierté : « Je suis née au Festival de Cannes ».
Avec près de 70 films à son actif, la comédienne a eu 40 années de carrière bien remplie qui l’ont propulsée dans le firmament des stars internationales. Elle a joué à la fois dans des performances magistrales (Le Hussard sur le toit, 1995) et endossé des rôles pudiques (Ouistreham, 2021), nourrissant une carrière habilement menée, sans faute et sans crainte du jugement.
Juliette Binoche est une rebelle. Elle a refusé trois fois de tourner avec Steven Spielberg, mais elle a dit « oui » à Thierry Frémaux, le délégué général et grand prêtre de la sélection des films à Cannes.
C’est la seule comédienne au monde à avoir osé une telle récidive. Pour Jurassic Park, elle a prétexté être déjà engagée avec Krzysztof Kieślowski pour le tournage de Trois Couleurs : Bleu. Elle avait auparavant repoussé Indiana JonesetLa Dernière Croisade, puis avait décliné La Liste de Schindler. Elle explique ses réticences à travailler avec Spielberg estimant que celui-ci est « un cinéaste d'hommes et de dinosaures, mais pas de femmes ». Elle raconte d’ailleurs au Figaro : « Plus on avance en âge, plus on apprend à être soi. Je pense même que l’innocence se gagne. On vient avec une bardée de désirs et d’envies. Ensuite, on choisit où vivre ses désirs ».
Une actrice majuscule reconnue dans l’Hexagone et à l’international
« J’ai très peu tourné avec les metteurs en scène américains sur le continent américain », convient la grande dame du cinéma à l’heure où d’autres actrices françaises estiment qu’il n’y a pas de gloire internationale sans passer par Hollywood. Binoche, elle, prouve le contraire.
Quatre décennies l’ont transformée en star internationale, initiant des collaborations inattendues et des scénarios qui lui tiennent à cœur. Ce cheminement instinctif au cœur de la création mondiale lui confère rapidement une aura incontournable auprès de grands cinéastes qui appartiennent à une constellation sans frontières : Michael Haneke (Autriche), David Cronenberg (Canada), Amos Gitaï (Israël), Naomi Kawase et Hirokazu Kore-eda (Japon), Jean-Luc Godard, Leos Carax, Patrice Leconte, Cédric Klapisch (France), Krzysztof Kieślowski (Pologne), Hou Hsiao-hsien (Taïwan)…
Nul autre film ne peut mieux exprimer cet appétit inextinguible que Copie conforme d’Abbas Kiarostami qui lui permet de décrocher le Prix d’interprétation féminine à Cannes en 2010. Elle est dirigée par le réalisateur iranien dans la campagne toscane, face à un chanteur d’opéra britannique. Juliette Binoche illumine cette histoire universelle mêlant l’amour et l’art et leurs faux semblants pour mieux cerner la vérité.
Après ce cinquième film de la comédienne présenté en sélection officielle à Cannes, quatre longs métrages suivront jusqu’au subtil et poétique La Passion de Dodin Bouffant de Tràn Anh Hùng, réalisateur d’origine vietnamienne révélé avec L’odeur de la papaye verte. Ce film, où Juliette Binoche donne la réplique à son ex-conjoint Benoît Magimel, a reçu le Prix de la mise en scène à Cannes, en 2023.
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Le goût de la liberté et le courage de se remettre en question
Juliette Binoche est la première des deux seules actrices (avec Julianne Moore) à réussir le brelan d’as sur les trois grands festivals du cinéma. Elle reçoit le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes avec Copie Conforme, L’Ours d’argent à La Berlinale pour Le Patient anglais, la coupe Volpi à La Mostra de Venise pour Trois couleurs : Bleu.
Avec Le Patient anglais, elle remporte l’Oscar du meilleur second rôle féminin auquel s’ajoute une nomination comme meilleure actrice pour Le Chocolat. Avec Trois couleurs : Bleu, elle est distinguée avec le César de la meilleure actrice, cumulant à ce jour onze nominations aux César.
Auréolée de multiples et prestigieuses récompenses (Bafta, European Awards, Screen Actors Guild Awards, des prix aux festivals de Marrakech, San Sebastian, Cabourg, Zurich…), Juliette Binoche a toujours fait confiance à l’émotion et à « sa vérité ».
Louis Malle, le réalisateur de Fatale, raconte : « Par l’histoire d’amour qu’elle a entre elle et la caméra, elle a une présence et une intensité stupéfiantes. »
Le grand écart entre ses interprétations chez le seul Bruno Dumont - de l’épure (Camille Claudel, 1915) au burlesque (Ma Loute) - illustre son goût de la liberté et son courage de se remettre en question.
C’est sans doute pourquoi elle est si multiple et imprévisible dans son art (ses arts devrait-on dire) tant elle s’échappe des écrans de cinéma pour le théâtre, des séries télévisées, la danse, la musique ou la peinture. Ainsi, elle réalise elle-même les peintures et l’affiche du film Les amants du Pont-Neuf de Leos Carax.
Une citoyenne engagée sur plusieurs fronts : des Gilets jaunes aux pandémies
Juliette Binoche, toute nouvelle Présidente de l’Académie européenne du cinéma, est une citoyenne engagée sur plusieurs fronts.
En 2019, elle affiche son soutien au mouvement des Gilets jaunes et co-signe, parmi 1 400 personnalités du monde de la culture, la tribune « Nous ne sommes pas dupes ! », publiée dans le journal Libération.
Dans le sillage du mouvement #MeToo du cinéma français, elle témoigne. On pourrait dire : « Elle aussi ! ». En effet, cette grande star n’a pas été épargnée dans les années 80-90 : des castings l’obligeant à jouer dénudée, des gestes déplacés lors des tournages, des remarques sexistes… En livrant l’expérience de ses débuts, elle souhaite aider des actrices plus fragiles et moins connues.
En appui aux manifestations des femmes Iraniennes, Juliette Binoche et une cinquantaine d’actrices et chanteuses se sont filmées en train de se couper une mèche de cheveux. Elles dénoncent la mort de Mahsa Amini à Téhéran suite à son interpellation par la police des mœurs pour port du voile inapproprié avec des mèches de cheveux qui dépassaient.
Après le Covid-19, Binoche nous invite à regarder le documentaire La fabrique des pandémies de Marie-Monique Robin, dans lequel elle joue son propre rôle d’actrice engagée. Elle met en avant la biodiversité, plaide notamment pour l’arrêt de la déforestation et des élevages intensifs.
Ses engagements à grande échelle rappellent ceux d’Olivia de Havilland, restée dans les mémoires pour avoir bousculé la toute-puissance des studios américains. C’était il y a 60 ans. Telle une lointaine mais jolie filiation, la présence de Juliette Binoche à Cannes célèbre et rapproche les étoiles à travers le temps.
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