Procès de Jean-Christophe Quenot, un pédocriminel “obsédé par les mineurs”

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Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 06 novembre 2023 - 11:32
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Palais de Justice
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F. Froger / Z9 pour France-Soir
Jean-Christophe Quenot n’est jugé que pour les seuls faits commis en Malaisie. Il risque 20 ans de prison.
F. Froger / Z9 pour France-Soir

FAITS DIVERS - C’est le procès d’un pédocriminel “hors normes" qui se tient devant la cour criminelle de Paris du 3 au 7 novembre 2023. Véronique Béchu, chef du groupe central des mineurs victimes, considère ce dossier comme le plus important que son service ait eu à traiter depuis sa création en 1997. “On n’a jamais vu une production personnelle aussi importante (de documents pédopornographiques)”, déclare la policière. Jean-Christophe Quenot, professeur de français à Singapour, est accusé d’avoir, sur une période de 30 ans, violé des dizaines d’enfants, en Thaïlande, en Inde, en Malaisie, au Sri Lanka, aux Philippines et à Singapour. La "carrière" du prédateur s’est arrêtée en 2019, quand il a été surpris en flagrant délit dans un hôtel, par la police thaïlandaise.

Durant 30 ans, Jean-Christophe Quenot est “passé sous les radars”. Durant 30 ans, il a abusé de jeunes garçons âgés de 11 à 17 ans (13-14 ans en moyenne) durant ses voyages et produit pas moins de 100 000 films pédopornographiques. Des documents particulièrement écœurants, d’après Véronique Béchu, au point que certains policiers devaient parfois interrompre leur étude quelques semaines, afin de se remettre de cette enquête éprouvante.

En plus de sa production personnelle, le pédocriminel a téléchargé des centaines de milliers de documents de pornographie enfantine. Et il a noté, tous les jours, dans des dizaines de carnets, les moindres détails de sa vie.

L’enquête révèle un prédateur insatiable, qui reconnait volontiers son obsession pour les mineurs, et qui est décrit par l’expert psychiatre Michel Triantafyllou, comme étant incapable de “maîtriser son excitation sexuelle”. Le médecin constate aussi que l’accusé est “conscient de l’interdit”, puisqu’il ”avait mis en place tout un système pour ne pas se faire prendre”

Si Jean-Christophe Quenot est accusé d’avoir violé quelques enfants à Singapour, il affirme ne s’en être jamais pris à ses élèves. Tous les week-ends, il choisissait une destination où il allait assouvir ses pulsions. D’après l’expert et les enquêteurs, toute sa vie tournait autour de la prédation de jeunes garçons. Entre 2016 et 2019, l’examen de son passeport ne révèle pas moins de 80 entrées et sorties, juste pour la Thaïlande...

“Séances de tournage”

Il recrutait ses jeunes victimes dans des stades ou d’autres endroits qu’il avait repérés comme étant des viviers d’enfants pauvres, souvent drogués, sniffant de la colle pour tenir le coup. Plusieurs groupes de deux, trois, quatre, parfois six enfants défilaient dans sa chambre en une seule soirée. Plus rarement, il se contentait d’un enfant à la fois pour une "séance de tournage". Car il mettait tout en scène et filmait tout, avec un équipement décrit comme de haute qualité.

Quand un groupe d’enfants arrivait, il commençait par les doucher, puis les faisait assoir au bord du lit où il leur faisait une fellation. Il leur diffusait ensuite un film pornographique hétérosexuel pour “les exciter”. Après le film, il exigeait des fellations des mineurs, les contraignait à le sodomiser (ou à tenter de le faire) et, plus rarement, les sodomisait lui-même. Jean-Christophe Quenot est aussi adepte des “golden showers” : il urinait ou se faisait uriner dans la bouche. Au bout d’une heure ou deux, le groupe d’enfants partait et un autre arrivait. Et tout recommençait. Chaque victime recevait entre 17 et 25 euros. Quand il avait épuisé son "stock” d’enfants de la soirée, il allait chercher de jeunes prostitués dans le parc, puis "s’il n’était toujours pas rassasié, il allait dans un sauna avec des adultes”, explique la commandant Béchu.

Si Jean-Christophe Quenot reconnaît la quasi-totalité des faits qui lui sont reprochés, il conteste cependant la qualification de viols dans la mesure où, d’après lui, le fait de payer signifiait que "les enfants étaient consentants”. Il affirme par ailleurs que les mineurs s’amusaient et se prenaient pour des “pornstars”. Un amusement que dément fermement la commandant Béchu, qui décrit un homme qui pouvait être violent s’il n’était pas satisfait, et des enfants dégoûtés ou pris de haut-le-cœur.

Un solde positif de 100 000 euros

L’expert psychiatre Michel Triantafyllou explique quant à lui que le prédateur n’a montré aucun remords, ni aucune compassion pour ses victimes, lors de son examen en 2020. Trois ans plus tard, Jean-Christophe Quenot affirme cependant avoir pris conscience qu’il est “malade”, grâce au suivi médical qu’il a reçu en prison. Michel Triantafyllou préconise une obligation de soins la plus longue possible ; il déplore d’ailleurs que le tribunal ne puisse l’ordonner pour toute la vie du criminel.

La "carrière" du prédateur s’arrête en 2019, quand il est surpris en flagrant délit dans un hôtel, par la police thaïlandaise. Il réussit cependant à sortir de prison grâce à l’aide d’un ami, directeur d’école à Bangkok. Monsieur G., venu témoigner le premier jour du procès, vendredi dernier, explique que Jean-Christophe Quenot était un ami proche de son épouse décédée, et qu’il a accepté que le prédateur lui confie sa carte bancaire pour retirer les 10 000 euros nécessaires au paiement d’une caution. Il affirme aussi que les deux comptes bancaires de Quenot présentaient un solde positif de 100 000 euros et que, sur un coup de tête, il a fait "une connerie” et a retiré 1 600 euros supplémentaires pour lui-même, sans l’accord de son ami. Ce dernier ne lui en tient visiblement pas rigueur puisqu’il lui a présenté des excuses durant l’audience, pour avoir dissimulé ses activités illicites.

Quenot a pu récupérer son passeport en corrompant un fonctionnaire thaïlandais, et se rendre par voie terrestre en Malaisie, probablement grâce aux services d’un passeur. De là, il a pris un avion pour la Suisse, puis a rejoint la France.

Le groupe central des mineurs victimes avait été prévenu par le service de sécurité intérieure de Bangkok de l’arrestation du Français et avait ouvert une “enquête miroir”, c’est-à-dire une enquête parallèle à celles effectuées par les autorités étrangères. Avertis de sa fuite, les policiers ont donc recherché le prédateur et ont fini par l’arrêter chez sa mère à Besançon. Ils ont découvert que Quenot portait sur lui une clef USB contenant une partie de ses documents, mais surtout, qu’il avait adressé des colis à l’adresse de sa mère avant son départ. C’est ainsi que la police française a récupéré de nombreux carnets et des centaines de milliers de documents pédopornographiques révélant l’ampleur des activités du pédocriminel.

L’enquête est loin d’être terminée, la coopération internationale avec certains pays étant compliquée. Durant le procès actuel, Jean-Christophe Quenot n’est jugé que pour les seuls faits commis en Malaisie, sur 25 victimes. Il risque 20 ans de prison et doit être interrogé de façon approfondie, ce lundi 6 novembre, par la cour criminelle de Paris.

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