Retour sur les allégations de crimes de guerre russes en Ukraine : la maternité de Marioupol [1/6]
CHRONIQUE — Pendant près de deux mois et demi, de mars à mai, le principal point de focalisation des médias sur la guerre en Ukraine se situait à Marioupol, la plus grande ville conquise par la coalition russe depuis le début de « l’opération spéciale ».
Alors que la ville était tenue par l’armée ukrainienne, notamment le régiment ultranationaliste Azov, plusieurs accusations de crimes de guerre ont été avancées contre les troupes russes.
C'était sûrement l’une des imagepas les plus brutales de la guerre en Ukraine : cette femme enceinte qui avait été évacuée de la maternité de Marioupol bombardé par les Russes en tenant son ventre ensanglanté, est décédée, et son bébé aussi
— Le Parisien (@le_Parisien) March 14, 2022
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La version ukrainienne
Le 9 mars 2022, la maternité de l’hôpital n° 3 de Marioupol, située en plein centre-ville, est bombardée, faisant officiellement 3 morts et 17 blessés, dont une fillette dont on ne dit pas l’âge, mais qui serait un nourrisson. Cela dit, seules deux femmes enceintes blessées sont photographiées. L’une d’elles, vue sur une civière (voir plus haut) et son bébé in utero n’ont pas survécu, d’après les autorités ukrainiennes. Deux autres personnes visiblement blessées apparaissent dans une vidéo dont une femme en blouse blanche qui se fait bander le crâne. On ne sait pas qui sont les autres victimes ; les informations sur le sujet restent vagues, même sur Wikipédia.
Selon la presse et les dirigeants ukrainiens et occidentaux, il s’agit d’un crime de guerre. Les titres des journaux sont le plus choquant possible : « Un hôpital pour enfants détruit », « Un hôpital pour enfants bombardé ». Le président Zelensky prétend que « des gens, des enfants sont sous les décombres », comme si le bâtiment s’était écroulé. Le chef de la police de Marioupol, Volodymir Nikulin affirme que « des femmes et des enfants étaient visés. C'est un crime de guerre sans justification ».
La version russe
Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, a fait cette déclaration le 10 mars : « Cette maternité a été reprise depuis longtemps par le bataillon Azov et d'autres radicaux, et toutes les femmes en couches, toutes les infirmières et tout le personnel de soutien ont été mis à la porte ». Cela semblait laisser croire que les Russes endossaient la responsabilité de l’attaque, mais pour une raison militaire. L’ambassadeur russe à l’ONU avait déclaré ceci le 7 mars : « Les résidents locaux rapportent qu'après avoir chassé tout le personnel de la maternité n° 1 de Marioupol, les forces armées ukrainiennes y ont installé une position de tir ». Mais il s’agissait de la maternité n° 1, pas de la n° 3. Lavrov a pu confondre. Cela dit, dès le 5 mars, le ministère russe de la Défense accusait l’Ukraine de placer des postes de tirs dans des écoles, des hôpitaux et des maternités de Marioupol.
Cependant, le porte-parole du ministère russe de la Défense a ensuite démenti, le 10 mars, qu’une frappe russe ait eu lieu contre un hôpital à Marioupol, encore moins par avion.
Rappelons que bombarder un hôpital civil est considéré comme un crime de guerre, sauf si cet hôpital est occupé par une force belligérante, auquel cas, il perd son statut d’objet à protéger selon le droit humanitaire.
Les faits
D’abord, le site abrite à la fois deux bâtiments pour les enfants et une antenne maternité adjacente. Si toutes les fenêtres ont explosé, on voit sur les images que la structure des bâtiments est restée pour l’essentiel intacte. Il n’y a pas de victimes sous les décombres à proprement parler, car il n’y a quasiment pas de décombres. Or, dans cet hôpital pour enfants « détruit », on ne voit aucun enfant sur les images. Les Ukrainiens ne se seraient sans doute pas privés d’images-chocs pour prouver la « barbarie » russe. Où sont-elles ?