Construire une autre France devient une urgence

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Pierre-Antoine Pontoizeau pour France-Soir
Publié le 20 janvier 2025 - 15:38
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Permettez-moi de suggérer ici une réflexion afin de contribuer à ce qui va devenir l’inévitable nécessité de repenser de fond en comble nos institutions, notre organisation administrative et notre rapport à la démocratie, car ces cinquante dernières années nous ont entraînés à la faillite. Or, sauf à dépendre de nos créanciers qui ne manqueront pas de vendre la France à la découpe, il est temps de reprendre en main notre destin. 

Alors que nos gouvernants devront trouver des solutions pour arrêter l’hémorragie de la dette publique, le mensonge permanent est entretenu par une oligarchie d’Etat qui craint pour ses privilèges. Deux certitudes ressortent de l’examen de l’histoire d’un demi-siècle de notre dette publique. 

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Première certitude. 

La dette est une drogue dure qui fait renoncer à la plus élémentaire des rationalités économiques : je ne dépense pas indéfiniment plus que ce que je crée comme richesse. 

On observe quatre époques.  

  • (1974-1991), de la crise pétrolière provoquée par les pays Arabes se vengeant de la guerre de Kippour en 1973, après l’humiliation de la Syrie et de l’Egypte à la crise des taux d’intérêt consécutive à la réunification de l’Allemagne. La dette par an varie de 10 à 30 milliards, soit environ 200 milliards cumulés.
  • (1992-2007), de cette récession où fin 1992 et surtout début 1993, le PIB recule de prêt de 1% sur un trimestre. Rappelons que cette crise est largement la conséquence de la réunification de l’Allemagne qui pour financer sa reconstruction à l’Est augmente ses taux d’intérêt pour attirer les capitaux. Ceci oblige les autres pays à faire de même ce qui accroit le poids des dettes contractées à cette période. La France cumule environ 750 milliards de dette supplémentaire. En cumul, nous sommes déjà à prêt de 1.000 milliards.
  • (2008-2019), de la crise financière liée au marché financier toxique des dettes contractées par les Américains dans les acquisitions immobilières contaminant des multiples produits financiers qui menacent toutes les banques à l’année Covid. Sarkozy croit sauver les banques françaises, il n’attaque pas le seul responsable : l’économie financière anarchique des Etats-Unis. La dette française plonge en une année de 137 milliards, et malgré quelques efforts de redressement, le cumul sur cette troisième période excède les 800 milliards. Nous nous rapprochons des 2.000 milliards.
  • (2020-… ?) avec la folie de l’année Covid et la doctrine du quoi qu’il en coute, en rappelant que de très nombreux pays n’ont pas commis cette folie économique sans par ailleurs souffrir d’une crise sanitaire plus meurtrière. 200 milliards en une seule année et une machine cassée pour les années suivantes, avec sur cette seule période 1.000 milliards supplémentaires au moment où nous écrivons, soit les fameux 3.300 milliards en cours, en comptant les derniers exercices.

Le cercle vicieux de la dette traduit une dérive socialiste et des erreurs de raisonnements tragiques. Elle détruit l’économie Française depuis 50 ans. Ce sont donc toutes les croyances, tous les arguments et les théories qui ont motivé ces décisions qui sont responsables de cette situation.  

 

Deuxième certitude 

L’Etat organise un mensonge d’Etat permanent pour que la classe politique et les hauts fonctionnaires se disculpent de leur responsabilité. Ce mensonge est documenté de manière indiscutable dans les documents publics. Simplifions la lecture de ce schéma édifiant. 

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Il faut cesser de toute urgence de manipuler l’opinion sur la dette de la sécurité sociale. Le cumul de cette dette sur toute la période est dérisoire. Elle commence à peine dans les années 90, quelques années pointent après la crise de 2008 et surtout, sur décision de l’Etat en 2020. Près de 90% de la dette est celle de l’Etat et des administrations publiques. Fermer le ban. Le seul vrai sujet de la France est le poids délirant de l’appareil d’Etat. C’est donc un mensonge d’Etat éhonté que de détourner l’attention sur des réformes de l’économie de la sécurité sociale. Rappelons au passage que l’argent de la solidarité nationale est la seule propriété directe des cotisations du patronat et des salariés dont la gestion est assurée par ces organismes responsables. A ce jour l’AGIRC ARCCO a plus de 70 milliards de réserve prudente que lorgne l’Etat.  

Voilà le bilan. Il convient d’en analyser les trois causes de cette tragédie. 

 

La croyance en l’Etat providence 

La première cause est une croyance tenace qui fascine les Français pour les secours de l’Etat. L’Etat est notre nouveau Dieu. Il est omniscient, protecteur, bienfaiteur. Il est indispensable en toute chose : neutre, arbitre, régulateur, pacificateur, etc. Le Français s’en remet toujours à l’Etat. Il renonce à sa liberté comme à sa responsabilité pour demander à l’Etat de faire, de régler le problème, d’investir, de lui offrir des services auxquels il aurait droit.  

De cela est née une doctrine de l’Etat fort et envahissant, d’un Etat qui décide, qui normalise, qui contrôle, qui agence, qui fait. Pour cela il lui faut toujours plus de pouvoir, de fonctionnaires, d’établissements publics, d’agences, de commissions. Il lui faut de multiples rouages administratifs : les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, l’Etat lui-même. Et i lui faut toujours plus de ressources. Nous sommes drogués à la croyance que l’Etat est nécessaire dans toutes ces actions. Il a le devoir d’intervenir dans tous les domaines pour mieux faire que nous autres : l’école, l’hôpital, l’agriculture, la culture, l’innovation, etc. En ayant cette croyance chevillée au corps, nous avons construit le Léviathan qui se nourrit de cette justification permanente. L’Etat doit se substituer à la société civile, parce que ce sera mieux fait et plus juste. Et chacun profite un jour de quelques subsides. 

Rien n’a jamais prouvé que cela était mieux. Et tout indique depuis 50 ans que cette conception socialiste de l’Etat nous a ruiné. Elle nous coute plus de 3.000 milliards de dette depuis 1974 dont 1.000 milliards lors de ces 7 dernières années et 1.000 autres milliards lors des (2008-2019) onze années précédentes. En moins de 20 ans, alors que tous les services gérés par l’Etat sont en ruine, nous nous sommes endettés de 2.000 milliards. Et nous entendons encore hier Darmanin, garde des Sceaux, exiger plus de magistrats et d’auxiliaires de justice pour garantir une justice plus rapide et efficace. On apprend que nous fermons nos dernières usines, etc. Quand on préfère toujours suradministrer au lieu de s’attaquer aux causes profondes de la faillite de l’Etat. 

Soit les Français perpétuent cette folle croyance que l’Etat est l’acteur principal de la vie de tous les jours jusqu’à le voir sombrer en faillite ; soit ils comprennent qu’il s’agit d’un choix idéologique vicieux qui les privent de leurs libertés comme de leurs responsabilités à se prendre en charge. La nouvelle Révolution Française doit cantonner l’Etat à trois fonctions régaliennes : police, armée, justice. Le reste ne lui appartient pas. Sommes-nous capables de reprendre librement en main notre destin ? 

 

L’esclavage de la solidarité négative 

Malheureusement, j’en doute beaucoup, car le piège du socialisme d’Etat fonctionne grâce à cette deuxième croyance, cause de notre dette. C’est la déresponsabilisation de chacun au profit d’une prise en charge universelle. L’Etat indemnise, l’Etat protège, l’Etat assiste, finance, accompagne. Même les chefs d’entreprise ont pris l’habitude de mendier des aides lorsqu’ils sont en difficultés, même les banquiers de 2008 sont sauvés par l’aide de l’Etat en vertu de la sentence : privatiser les gains, mutualiser les pertes.  

Les Français sont devenus en de nombreuses circonstances des passagers clandestins qui profitent des systèmes d’aide (leur droit) sans imaginer qu’ils contractent une dette sociale qui pourrait exiger des contres-parties. L’aide aux entreprises, l’aide à l’emploi, l’aide à domicile, l’aide aux personnes âgées, l’aide au migrants, l’aide à la scolarité. Ce socialisme de fait justifie la confiscation des richesses produites pour les redistribuer d’autorité selon le bon vouloir du législateur, lui-même lié à ses clientèles : immigrés, chômeurs, entreprises, selon sa circonscription. Cette dette reflète cette corruption permanente du quotidien où beaucoup d’entre nous estiment normal d’étendre à l’infini la solidarité nationale.  

Cette solidarité fut imaginée pour pallier les accidents réels de la vie : maladie, accidents graves du travail par les corporations dès le Moyen-âge. Elle profitait aux membres adhérents. Elle est devenue la folie socialiste d’une sécurité sociale bénéficiant à tous, même les non-contributeurs et d’une multiplication des aides d’Etat. Le coup de grâce idéologique a sans doute été donné par Macron durant la crise de la Covid. Enfermons tout le monde, arrêtons tous de travailler ou presque. L’Etat paiera, et comme le professa Hollande, son maître : C’est l’Etat qui paie, donc cela ne coute rien. Tout est dit de cette doctrine socialiste qui a contaminé tous les esprits de France. 

Si chacun d’entre nous a un droit de tirage infini sur l’argent public, sans aucun engagement, la dette cumulée est bien celle que nous avons. A propos, l’autre jour, une jeune femme me racontait qu’elle était à un diner de famille. Trois retraités, un enfant actif, trois petits enfants à charge, mais aussi trois enfants inactifs et des conjoints inactifs aussi. Outre l’enfant actif, une pièce rapportée, un bon gars de Roumanie, salarié du bâtiment. Dans cette famille, deux actifs dont un étranger, pour neuf adultes à charge et trois enfants. Le modèle est viable, n’est-ce pas ! 

Cette solidarité négative agit comme un anesthésique social. Plus personne ne se prend en charge, plus personne ne se sent responsable de son destin économique, plus personne ne comprend que le travail est nécessaire, tous adoptent la thèse de l’assistance de l’Etat. Et quelques-uns vont dans quelques trafics rémunérateurs qui vont miner la société dont la drogue. 

Le prix du laxisme universel 

Le socialisme se caractérise enfin par une troisième croyance très permissive issue de la pensée 68. Tout est permis. C’est la croyance que la permissivité est créatrice, que la transgression fabrique du progrès, que l’émancipation humaine passe par l’autorisation de tout faire : ne pas respecter le maître d’école, ne pas respecter les lois, s’affranchir des règles communes, excuser toutes les déviances : commerciales, morales, sexuelles, etc. Les entrepreneurs qui trichent avec les plus élémentaires principes de la confiance : produire des biens consommables et sans dangers manifestes, les parents qui humilient les professeurs pour défendre leur progéniture chaotique, les migrants et leurs associations qui exigent toujours plus de droit à quelque chose, les trafiquants de toutes sortes qui menacent la paix civile sans courir de risque réel, etc. 

Or, ce laxisme à un prix prohibitif. Quand Darmanin veut plus de magistrats, c’est que nous avons déjà 80.000 prisonniers de droits communs. Quel échec. Mais nous avons aussi une école à la dérive, un classement Pisa désastreux, des enfants nuls en math, en français ; sans oublier l’université paralysée, les hôpitaux saturés, etc. 

Cette inversion des valeurs bien connus produit un corp enseignant épuisé, inefficace, et une école toujours plus onéreuse, pour un résultat catastrophique. Chaque ministère est comparable : pléthorique, inefficace, contre-productif même. La société dysfonctionne et engendre des dépenses inutiles : les soins aux drogués, les centres de rétention, les coûts du maintien de l’ordre, les grèves. Bref, tout ce cortège de désordres d’une société obnubilée par les libertés et les droits qui s’exercent au prix d’une prise en charge par la société. Pensons à la proposition de prise en charge des opérations transgenre de mineur et de leurs traitements induits à vie, alors qu’il ne s’agit pas d’une maladie, puisque les militants ont obtenu de sortir la dysphorie de genre du tableau des maladies mentales pour en faire un choix intentionnel tout en revendiquant la gratuité pour eux, de ces traitements par cette prise en charge par l’assurance maladie qui leur parait naturel. CQFD bien sûr !  

Nous marchons bien évidemment sur la tête. Pourquoi la famille du drogué ne paie-t-elle pas sa prise en charge ? Pourquoi la famille du prisonnier ne paie-t-elle pas son enfermement ? Pourquoi le skieur ne paie-t-il pas les frais prohibitifs qu’il engendre à l’hôpital, dans un sport dont les accidents n’ont pas à être mutualisés ? Pourquoi, nous payons tous pour les abus de liberté de quelques-uns ? Pourquoi l’entrepreneur malhonnête ne paie-t-il pas les frais de contrôle et de justice, car il n’est tout simplement pas normal de tromper délibérément les clients ? 

Ce laxisme universel contribue à augmenter toujours la part de l’Etat providence qui se substitue à toutes nos responsabilités individuelles. Voilà pourquoi ce système a fonctionné pendant 50 ans. Il se nourrit de notre infantilisation, de notre irresponsabilité et de notre caprice à ne rien assumer de nos actes du dirigeant de banque en 2008 au migrant.  

Il va nous falloir rompre avec ce socialisme qui a envahi la France dès 1974, puisque les prélèvements obligatoires ont franchi des caps sous Giscard qui faisaient de notre société un Etat socialiste. Serons-nous capables de nous libérer l’esprit ? Sommes-nous capables de nous dire que la France commence dans nos actions du quotidien, celles qui créent de la richesse autour de nous. Et nous avons de ce fait oublié une des sources de la richesse, l’économie du don, la capacité à faire entre nous société par nos voisinages et nos actions sociales et économiques à notre initiative dans la société civile.  

Le socialisme a aussi confisqué les charités du quotidien comme les grandes œuvres qui les transcendent. N’est-il pas pathétique de constater que ce sont très largement la foi d’Américains qui ont permis la reconstruction de Notre Dame de Paris ? Cela en dit très long sur l’endettement des esprits. Les Français ne croient plus en eux-mêmes, en leurs œuvres, en leur société. Le chantier est immense, mais donner gout à la vraie liberté d’agir, de faire, d’accomplir en responsabilité. Reste à s’accorder sur quelques grands chantiers pour la France, A demain pour exposer quelques pistes en faveur du seul parti qui vaille, celui de la restauration de la société civile en réduisant l’Etat à ces seules fonctions régaliennes au sens le plus strict. 

Je propose aujourd’hui de commencer cette discussion sur le renversement de l’Etat providence au profit des pouvoirs de la société civile. Sans vouloir ennuyer le lecteur, qu’il me permette de lui soumettre plusieurs pistes en deux articles, ce premier aujourd’hui sur le cantonnement de l’Etat à ses fonctions régaliennes : justice, police, défense. Je reviendrai demain sur des suggestions pour instaurer un régime nouveau au profit des pouvoirs de la société civile dans d’autres domaines : territoires, écoles, santé, innovation. 

Déjà, posons un principe de souveraineté absolue de la société civile pour maîtriser le législateur. Si nous maintenons une démocratie représentative en supprimant le sénat, celle-ci devra uniquement préparer des lois qu’elle votera en première lecture, avant de les soumettre au souverain. Il est donc impératif que le peuple vote les lois. C’est la première réforme institutionnelle majeure. Les élus n’ont de pouvoir de légiférer que dans les trois domaines du régaliens, et chaque année une votation populaire viendra valider ou annuler les votes des parlementaires. Une loi sera réputée adoptée à la seule condition de la double votation directe et indirecte. Une période d’un trimestre précédera la votation pour informer et discuter au sein de la société civile. 

Partie 2 à paraitre le 21 janvier 2025

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