Pour préserver la compétitivité économique de l’UE face à Pékin et Washington, Ursula von der Leyen plie l’étendard du Pacte vert


Après un premier mandat consacré à mettre en place son Pacte vert, Ursula von der Leyen se met désormais à le démanteler face à la menace que représentent les économies américaine et chinoise. Dans une démarche de “simplification” sans cesse sollicitée par les entreprises, la présidente de la Commission européenne (CE) a présenté mercredi dernier plusieurs textes qui reviennent sur des mesures liées aux droits humains et au climat. Il est question, entre autres, de la loi Omnibus, qui simplifie plusieurs directives dont la CSRD et la CS3D. Les ONG et écologistes dénoncent des reculs qui rappelleraient à leurs yeux les politiques de Donald Trump, qui s’était montré très critique envers le Pacte vert européen et les réglementations de l'UE en matière de durabilité, dès son retour à la Maison-Blanche.
Le 19 février dernier, des entreprises françaises de taille intermédiaire (ETI) critiquaient le Green Deal et tiraient la sonnette d’alarme quant à la menace de se voir “broyées par les Américains et piétinées par les Chinois”. Le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), qui a dénoncé la “déferlante de complexité” de deux directives du Pacte vert de l’UE, à savoir la CSRD et la CS3D, avait ainsi rejoint le Medef ou encore l'Afep (Association française des entreprises privées), qui ont plaidé au report de la mise en application de ces œuvres.
La CE en quête de compétitivité
Chez les politiques, même Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe, aura relayé ces appels pour plaider une simplification des textes afin de les rendre "plus applicables". Cette constante pression du patronat, ses avertissements contre une perte de compétitivité dans un contexte de probable guerre commerciale avec les États-Unis de Donald Trump, font fléchir la CE, qui a proposé un "choc de simplification".
Plusieurs textes, qui reviennent sur des mesures majeures de l’UE en matière sociale et environnementale, ont été présentés mercredi. Parmi lesquels figure la loi dite Omnibus, qui entend simplifier plusieurs directives dont la CSRD, la CS3D ou encore la CBAM (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières).
Une véritable volte-face pour celle qui promettait, lors de son premier mandat, que le Pacte vert allait faire de l’UE un modèle pour le reste du monde. L’exécutif européen propose alors le report d’un an et la révision du “droit de vigilance”, imposé aux industriels. Cette mesure exigeait des entreprises de prévenir et remédier aux violations des droits humains ainsi qu’aux dommages environnementaux tout au long de leur chaine de valeur, c’est-à-dire aussi bien dans ses usines que chez les fournisseurs ou les sous-traitants.
Le nombre de sociétés devant se plier à la “comptabilité verte” pourrait aussi être réduit de 50 000 à 10 000, afin d’harmoniser la manière de diffuser les données de “durabilité”. Une autre directive critiquée par les lobbies patronaux mais dont la mise à jour suscite la frustration de plusieurs grandes entreprises, comme Unilever, Ferrero ou Nestlé, qui avaient appelé à ne pas revenir sur le droit de vigilance et la comptabilité verte pour garantir une “stabilité” juridique.
Pour Bruxelles, les propositions présentées mercredi ne constituent en rien une remise en cause de son objectif de lutter contre le réchauffement climatique et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. "Nos objectifs climatiques et sociaux restent inchangés", a affirmé Ursula von der Leyen, qui en veut comme preuve sa nouvelle stratégie de soutien de la décarbonation de l'industrie européenne, baptisée "Pacte pour une industrie propre".
VDL critiquée par les écologistes
Mais pour les écologistes et les ONG, ces propositions ne passent pas. Marie Toussaint, eurodéputée et vice-présidente du groupe des Verts-ALE, a regretté un “alignement vers le bas de toutes les normes”. “L'UE essayait de mettre en place des règles de transparence et de responsabilité pour que les entreprises ne puissent pas faire tout et n'importe quoi (...) Malheureusement, la Commission vient de mener une opération de dérégulation totale qui consiste à abandonner une large part de la souveraineté européenne”, a-t-elle dénoncé.
Clara Alibert, de l'ONG CCFD-Terre solidaire, estime que ces “textes sont un signal fort envoyé par la Commission, qui crache au visage de toutes les victimes des multinationales”. Tout en rejetant l’argument des sociétés selon lequel ces normes du Pacte vert impacterait la compétitivité de l’Europe face à Pékin et Washington, elle rappelle que “la plus-value du marché européen, c'était de se démarquer avec des objectifs sociaux et environnementaux élevés”.
Ursula von der Leyen est d’autant plus critiquée que sa démarche a été menée de manière accélérée, sans consultations. “Un glissement de VDL vers des politiques populistes qui ne reposent pas sur des analyses fines et approfondies”. La présidente de la CE se base surtout sur la “boussole de la compétitivité”, présentée en janvier dernier et bénéficiant du soutien de la droite qui plaidait déjà à un allègement des normes du Pacte vert.
Ces propositions doivent toutefois être soumises à l’approbation des États membres et du Parlement européen.
Les récentes modifications du Pacte vert européen interviennent après les critiques virulentes de Donald Trump, qui avait dénoncé les réglementations européennes comme injustes pour les États-Unis, qualifiant le Green Deal de "très injuste envers les États-Unis, et très mauvais". Il avait notamment exprimé de "très grosses plaintes à formuler à l'encontre de l'UE".
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