Retraites : Macron va lancer le projet de réforme tant attendu par l'Union européenne
Lors de ses vœux, Emmanuel Macron a appelé à une application des "nouvelles règles" de la réforme des retraites "dès la fin de l'été 2023". Les discussions autour du report de l'âge légal de départ - malgré un système actuellement excédentaire - s'annoncent tendues : le président s'était lui-même prononcé contre cette mesure en 2017. Afin de "trouver un compromis", la Première ministre Borne a reçu cette semaine les partenaires sociaux ; le gouvernement dévoilera mardi son projet de loi explosif, qui s'annonce en phase avec les recommandations de l'Union européenne (UE).
Repoussée à plusieurs reprises, la présentation de la réforme du système des retraites aura lieu le 10 janvier 2023. Les grandes lignes du projet n'ont pas varié. Depuis sa réélection, le chef de l'État est déterminé à augmenter l'âge légal de départ de 62 à 64, voire 65 ans. Objectif ? "Assurer l'équilibre (du) système pour les années et les décennies à venir" et "consolider" le régime par répartition, selon Emmanuel Macron.
2023 : l'année d'une réforme phare pour l’exécutif
Reçue sur le plateau de France Info mardi 3 janvier, Elisabeth Borne a détaillé quelques propositions, dont l'instauration d'un montant minimum de pension à 1 200 euros. Seuls les nouveaux retraités seraient concernés : "Ma priorité est que les actifs, qui vont devoir travailler un peu plus longtemps, bénéficient de cette revalorisation".
Le gouvernement veut aussi en finir avec les régimes spéciaux et prendre en compte les carrières les plus longues dans le calcul des pensions ainsi que la pénibilité de certains métiers, comme la Première ministre l’explique dans un tweet publié sur son compte.
Clarification du projet de réforme des retraites :
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) January 3, 2023
▪️L’âge d’annulation de la décote restera à 67 ans
▪️Pour une retraite à taux plein la durée de cotisation n’ira pas au-delà de 43 ans
▪️La pension minimum pour une carrière complète revalorisée à 85% du SMIC, soit près de 1200€ pic.twitter.com/XG66UAjxOs
Le report de l’âge légal de départ à la retraite : le point clivant
Par ailleurs, l’idée de repousser de 62 à 65 ans l’âge légal d’ouverture des droits à une pension ne constitue “pas un totem”, tente de rassurer Borne. Mais cette mesure centrale figure bel et bien dans le programme d’Emmanuel Macron, qui l'a rappelé dans son allocution du 31 décembre dernier : “Il nous faut travailler davantage. C'est le sens de cette réforme pour laquelle le gouvernement, les partenaires sociaux et le Parlement, vont travailler dans les mois qui viennent. (...) De nouvelles règles (...) s'appliqueront dès la fin de l'été 2023”.
L'idée de travailler plus longtemps afin de “consolider (le) régime de retraites par répartition" ne semble pas convaincre les représentants syndicaux. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a d’ores et déjà assuré que son syndicat se mobiliserait contre un report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans.
Les différentes positions tenues par le président de la République ces dernières années ne facilitent pas les négociations autour de son projet...
Candidat Macron 2017 contre président Macron 2023
Le 6 juillet 2021, L’Obs rappelait dans une vidéo YouTube les promesses de campagne du candidat Macron en 2017. Il exprimait alors son souhait de ne pas reporter l’âge légal de départ à la retraite, fixé à 62 ans. Un souhait qu’il a réitéré à l’issue du Grand Débat national en 2019.
Ce dernier ne voulait pas alors d'un tel recul, parce qu’il s’y était engagé (“C'est mieux de faire ce qu’on a dit...”) mais aussi parce qu'il préférait mettre en place un système universel par points, abandonné depuis.
Macron insistait par ailleurs sur l’existence d’un chômage structurel en France, il qualifiait donc le fait de décaler l’âge légal d ‘”assez hypocrite” et soulignait également les difficultés professionnelles rencontrées par les séniors : “Après 55 ans, on ne veut plus d’(eux)”.
Régime des retraites : un budget déficitaire ou excédentaire ?
Concrètement, le projet de réforme consoliderait-il le régime des retraites, actuellement financé à crédit ? Le 15 décembre 2022, le Conseil d'orientation des retraites (COR) présentait la neuvième édition du rapport annuel sur les évolutions et les perspectives des retraites en France. Ce compte rendu dresse le constat que le système de retraite enregistre un excédent de 900 millions d'euros en 2021. En 2022, l'excédent devrait s'élever à 3,2 milliards d'euros.
Pourtant, de 2022 à 2032, toujours selon les projections du COR, la situation financière du système de retraite se dégraderait : “De 2022 à 2032, la situation du système des retraites se détériorerait avec un déficit allant de -0,5 point de PIB à -0,8 point de PIB en fonction de la convention et du scénario retenu". Plus précisément, le déficit s'établirait entre 7,5 et 10 milliards d'euros en 2027 (0,3 à 0,4 point de PIB) pour grimper entre 12,5 milliards et 20 milliards à l'horizon 2032 (0,5 à 0,8 point de PIB).
Ces chiffres peuvent paraître alarmants, mais à titre de comparaison, le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes publié en février 2022 indiquait une hausse de 560 milliards d’euros de la dette publique entre la fin 2019 et la fin 2022 - pesant ainsi environ 113 % du PIB. Le 16 février 2022, le ministère des Finances estimait le montant de la facture de la Covid-19 à 140 milliards d’euros.
S’agissant des estimations au-delà de 2032, le COR prévoit un déficit quel que soit le scénario économique retenu, mais souligne cependant les fortes incertitudes qui entourent ses travaux de projection en raison du contexte international. Le Conseil ne porte pas non plus d’appréciation sur la nécessité d’une éventuelle réforme. Cette appréciation est-elle plutôt laissée à des instances situées en dehors du territoire français ?
Une réforme imposée par Bruxelles ?
La Commission européenne se défend formellement d’imposer à la France toute réforme “contrainte” comme de vouloir repousser l’âge de départ à la retraite : “L’Union européenne encourage bien la France à réformer son système de retraites, pour le rendre plus équitable et assurer sa viabilité, mais elle ne l’impose pas ". Elle assure aussi que “les versements des fonds du plan de relance à la France ne sont pas conditionnés à une réforme du système des retraites” (communication extraite d’un article publié sur son site web officiel le 17 octobre 2022).
Toutefois, dans un article publié le 27 avril 2021, Public Sénat revient sur un échange entre l’actuel ministre de travail - et ancien ministre des Comptes publics - et le Sénat. Un document de 700 pages est évoqué devant le Parlement, avant d’être envoyé par Olivier Dussopt à la Commission européenne afin de définir le Plan national de relance et de résilience. Il est question de l’utilisation des 40 milliards versés progressivement par l’UE pour la relance économique.
Si aucun projet de réforme n’apparaît “de manière datée, ni de manière précise dans son périmètre et dans sa nature”, insiste le ministre Dussopt, la “volonté” du gouvernement en matière de réforme des retraites est rappelée.
Avec en filigrane, comme le décrit Public Sénat, la nécessité que l’UE puisse donner son accord et vérifier que le projet coïncide bien avec la stratégie européenne et ses attentes en matière de réformes structurelles. Bien plus qu’un “encouragement”.
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