Covid-19 : les difficultés à admettre l’existence d’une bouffée délirante collective (2)
TRIBUNE
Covid-19 : les difficultés à admettre l’existence d’une bouffée délirante collective (2)
Dans la tribune précédente amorçant l’étude des résistances au diagnostic de bouffée délirante collective attribué à la succession d’évènements politico-sanitaires dont nous souffrons depuis le début de l’année, j’incriminais la frayeur contemporaine des journalistes d’être accusés de complotisme, d’être le principal moteur de leur tétanie à s’ouvrir à cette hypothèse. Et je soulignais que l’effet de cette terreur intellectuelle exercée depuis maintenant deux décennies par les unanimistes, s’étendait désormais à la quasi-totalité de la population (les unanimistes sont cette catégorie d’humains tentant de résoudre leur anxiété existentielle par un conformisme tyrannique ordonnant l’unanimité d’opinion, et propageant le terme de complotisme dans ce but).
Ce terrorisme intellectuel contemporain, apparu à la suite des attentats du World Trade Center, ne constituant pas le seul motif de résistance au diagnostic, je vous propose dans cette suite au précédent article d’identifier les autres causes.
Chez les personnes happées par le délire, c’est évidemment dans l’emprise du délire collectif elle-même que se situe la source de cette résistance.
Un individu délirant peut-il admettre qu’il délire ? C’est justement dans son impossibilité absolue à le reconnaître que réside la seconde caractéristique du délire, la première étant la pensée délirante elle-même. C’est ce qu’on appelle la conviction délirante.
Une personne souffrant d’une névrose, un anxieux, un dépressif peut reconnaitre sa souffrance et admettre qu’il est l’objet d’une perturbation psychologique ; un délirant non. Dans son cas le constat du trouble émanera de l’entourage, lequel tentera sans succès de l’en alerter. Observant l’échec de sa tentative il devra se résoudre à une hospitalisation contrainte. En présence d’un tiers faisant autorité, en général un médecin, le délirant, intensément angoissé dans la bouffée délirante et très peu dans le délire progressif, bien que pourtant convaincu de la validité de son délire, pourra se soumettre au rapport de force bienveillant. Ou pas, s’il ne l’est pas suffisamment. L’adjonction de nouvelles forces sera alors nécessaire, faisant intervenir les pompiers. Et l’on connaît par les médias les cas extrêmes avec menace grave, prise d’otage ou meurtre, nécessitant la "Force d’Intervention de la Police Nationale".
Mais lorsqu’un délire s’empare d’un groupe, de quelle manière les choses se passent-t-elles, quels sont les moyens à notre disposition pour parer aux conséquences, comment faut-il agir? Nous n’avons pas de scénario ayant fait ses preuves faute d’expérience et de connaissances suffisantes en la matière. Ce que nous savons c’est que les personnes happées par un délire collectif, elles, ne sont ni souffrantes ni malades, et ne présentent aucun trouble psychologique particulier hors des moments où elles abordent la thématique délirante. Elles, ou un ou plusieurs tiers. Dans le cas des bouffées délirantes collectives ce n’est pas l’individu qui délire, mais le groupe.
Si une part minoritaire du groupe délire et que les pouvoirs politique et médiatique ne sont pas majoritairement contaminés, comme dans l’exemple de la rumeur délirante, dite d’Orléans, de mai 1969, le délire collectif restera relativement contenu et circonscrit.
Mais qu’advient-il si la majorité du groupe, y compris les gouvernants et les journalistes, subit l’emprise du délire ? L’Histoire semble avoir fait grâce à l’humanité de ce genre d’évènements, heureusement exceptionnels ; mais rendant la situation actuelle inédite. Quel enseignement peut-on tirer d’évènements présentant une structure potentiellement analogue tels que les génocides, et en particulier la Shoah à condition de valider la thèse de Saül Friedlander, voire bien des massacres, ou encore la terreur imaginaire des sorcières lors de l’Inquisition, si d’aventure il s’avère effectivement possible de qualifier ces évènements de psychoses collectives ? Dans tous les cas de délires collectifs, leur durée, leur destinée dépendent de l’évènement en cause et de sa singularité. Les rumeurs délirantes, les danses maniaques, les épidémies de fou rire, etc… pareillement n’évoluent pas de la même manière.
Un troisième motif également très influent réside dans la peur archaïque et grégaire de la folie
Dans la résistance à l’idée de bouffée délirante collective, outre donc l’épouvante d’être accusé de complotisme, stigmatisation débordant largement la seule paranoïa voyant des complots partout et en tous lieux, pour atteindre la saine et légitime suspicion de manipulations politiques, et s’étendre désormais à toute expression de l’esprit critique, voire même créatif, s’ajoute le fait qu’un tel diagnostic est jugé à priori insensé, absurde et finalement inconcevable pour bien des observateurs. Non seulement pour la raison jugée suffisante que le concept de bouffée délirante collective est quasi inconnu, faisant naitre une méfiance immédiate, mais également parce qu’il génère une inquiétude majeure : celle de la confrontation à la folie.
Ainsi pour beaucoup, plutôt que d’y voir un délire collectif, il est bien plus rassurant d’admettre tout au plus une erreur de jugement et une panique persistante. Ce n’est pourtant pas du tout la même chose.
Comme toujours, ou du moins depuis fort longtemps, tout discours, tout énoncé émanant de la discipline dédiée au soin de la folie, ne peut être pris en compte au moment même où il est formulé. Il doit subir un délai. Un délai de perplexité, de suspicion et de défiance, parfois long, et forcément préjudiciable, pour être validé par le socius. Y compris, ce qui est bien curieux - mais qui s’explique historiquement - par le monde médical. Le psychiatre, que voulez vous, est aussi fou que ses patients, et sa parole doit donc subir une quarantaine dans l’aire cérébrale auditive du récepteur avant d’être admise dans son lobe frontal. Surtout s’il est celui d’un médecin. Si la volonté de Philippe Pinel d’ouvrir les asiles a bénéficié de la dynamique révolutionnaire de 1789 pour pouvoir être entendue et traduite sur le champ, la pensée révolutionnaire de Freud a en revanche mis un temps fou en France pour être admise dans la sphère médicale.
Selon Jean-Dominique Michel, anthropologue franco-suisse de la santé, deux locutions aujourd’hui ne peuvent encore être prononcées sans provoquer une réaction de fuite : la corruption systémique, du monde de la santé occidentale par l’industrie pharmaceutique, et le délire collectif. Avec lui on entre dans le monde de la folie ; or tout ce qui relève de la vraie folie soulève une angoisse majeure.
Tétanisé par la peur du virus et tout autant par celle de la folie, l’éclosion chez lui d’un sentiment régressif invite alors précipitamment l’individu grégaire à s’en remettre entièrement à la volonté du chef. Lequel en l’occurrence, manière de jeter de l’huile sur le feu, ne cesse de favoriser son infantilisation. Ce chef, par ses décisions, ayant lui-même déclenché le chaos, on mesure à quel point le choix du groupe est pour le moins inapproprié, et dangereux.
Quatrième motif : L’ignorance du concept de bouffée délirante collective et la difficulté à comprendre ce qu’est un délire.
Même si la féminisation de la profession médicale a un peu arrangé les choses - les femmes étant en général plus ouvertes à la psychologie que les hommes - l’inertie à l’égard de cette dimension de l’humain en médecine reste néanmoins troublante. Le primat du corps et du biologique conforté par un transhumanisme dominant continue à marquer profondément de son sceau l’esprit médical contemporain. Il en découle une réticence non seulement à l’égard de cette psychologie pourtant maintenant amplement explorée, et dont l’essentiel de la presse féminine et le New Age boosté par les écologistes se nourrissent, mais forcément encore plus à l’égard de ce qui est ignoré. Et tel est le statut du délire collectif.
Ignorance partagée par les psychosociologues et les sociologues cliniciens, l’expérience intime et difficile de la confrontation au délire et aux délirants n’étant l’apanage que des soignants en psychiatrie. Je m’étonne néanmoins du silence de ceux-ci face à des manifestations délirantes certes collectives mais néanmoins très évocatrices, par analogie, des symptômes individuels. Le formatage a la vie dure : La notion de "délire collectif" étonne le monde psychiatrique - Belgique.
Enfin le cinquième motif de réticence, elle aussi radicale, au diagnostic de délire collectif est sa concurrence supposée au diagnostic politique des résistants au délire. Lequel discerne un plan politique unique préétabli expliquant l’instauration de ce climat dictatorial, oppressant et pervers : la PLANdémie. Un plan dont la conviction de l’existence s’est alimentée de diverses sources : l’affirmation d‘un "nouvel ordre mondial" inéluctable par Nicolas Sarkozy, d’un "grand reset" par Christine Lagarde, d’un rapport de 2010 de la fondation Rockfeller exhumé par Harry Vox, journaliste d’investigation (Une "pandémie" planifiée par Rockefeller ?) , d’une tribune de Jacques Attali publiée en mai 2009 dans l’Express (Avancer par peur), des manipulations répétées issues de l’industrie pharmaceutique à chaque épidémie saisonnière un peu particulière, des rencontres confidentielles du groupe Bilderberg, etc… Autant d’éléments qui viennent confirmer que les élites plus ou moins unies, autrefois nationales, désormais mondiales, ont toujours élaboré des plans sur la comète, incluant ou non un part plus ou moins importante de démocratie, et cela avec plus ou moins de succès.
A lui donner trop d’importance, l’affirmation d’une bouffée délirante collective donne aux « plandémistes » le sentiment d’une concurrence qui, d’une part, rendrait plus difficile l’extériorisation d’une haine vis-à-vis de l’idéologie néo-libérale et libertarienne responsable, depuis l’accident de Tchernobyl et l’effondrement consécutif de l’URSS, de la destruction des acquis et des liens sociaux ; d’autre part, par analogie avec un individu qui se retrouve disculpé de toute responsabilité s’il est démontré qu’il a agit sous l’emprise de la folie, ils s’imaginent que les promoteurs de l’ultra-libéralisme se retrouveraient tout autant disculpés. Quand c’est en réalité exactement l’inverse. Le choix d’une instrumentalisation d’une peur archaïque épidémique pour un bénéfice exclusivement vénal ignorant les conséquences économiques, sociales et sanitaires, grandement aggravées par le délire, s’attirerait au contraire les foudres d’une exigence de justice où la responsabilité pénale des comploteurs ou manipulateurs se trouverait décuplée. D’après la confidence d’Emmanuel Macron à Philippe de Villiers, Edouard Philippe l’avait très bien compris.
Conclusion :
Aujourd’hui nous avons à faire à une bouffée délirante collective manifeste. Mais à l’heure actuelle elle ne se limite plus à une thématique unique forgée par l’erreur de jugement originelle : celle de l’extrême dangerosité d’un virus trafiqué (laquelle déclencha aussitôt la panique, puis pratiquement dans le même temps le délire, sous l’influence d’une mémoire collective traumatisée par la terreur des hécatombes épidémiques anciennes). Désormais ce délire collectif est devenu polymorphe. Il se compose :
- d’hallucination : même des épidémiologistes les plus chevronnés parviennent à voir une seconde vague sur une courbe épidémique plate.
- de fluctuation incessante : qui peut exposer avec certitude la symptomatologie de la covid-19 ? Qui peut dire que la prochaine mesure ne viendra pas contredire la précédente?
- de manipulations supposées, au moins en partie délirantes : telles celles de transformer des tests positifs en malades et de le répéter inlassablement ; d’inciter, inconsciemment ou pas, par des primes aux médecins (et non aux hôpitaux, O. Véran l’ayant démenti) à des déclarations erronées de covid.
- de sadisations continues : interdire à l’IHU de Marseille de prescrire son protocole ; imposer un masque inutile et toxique à des gens en pleine santé, y compris désormais aux enfants dès 6 ans ne risquant pourtant rien comme l’ensemble de la population jeune ; vouer tant de professionnels à la faillite et de gens au chômage .
- d’absurdités, d’aberrations, d’incohérences : porter le masque quand on est seul et en pleine campagne ou dans sa voiture ; instaurer un couvre-feu de 21h à 6h comme si le virus était plus contagieux la nuit et en plein air, et dans les bars plus que dans les transports en commun dans la journée, qui plus est en l'absence d’épidémie grave ; et passer au confinement généralisé avant même d’avoir fait un bilan du couvre-feu.
- d’imagination délirante : n’y-a-t-il pas certitude d’un risque de 400 000 morts ?
Et toutes ces mesures aberrantes sont instituées dans certains pays dont le nôtre, quand plusieurs autres dans les mêmes conditions épidémiologiques continuent à vivre tout à fait normalement !
Et tout ça sans provoquer de perplexité chez les commentateurs ou les journalistes, même ceux les moins soupçonnables de collusion avec les tenants de l’ultralibéralisme (Edwy Plenel observe rien de moins qu’une hécatombe, Denis Robert une épidémie bien plus grave qu’une grosse grippe tout en ayant admis qu’il s’agissait d’un rhume), ni provoquer un gigantesque éclat de rire chez les incrédules de la première heure, ou une émeute chez les professionnels exposés à la faillite en raison des contraintes folles imposées. Forcément cela démontre, s'il en était besoin, la dimension parfaitement délirante de la situation. Un délire en général ne fait ni rire, ni ne provoque la révolte, du moins dans un premier temps. Juste une profonde circonspection et une immense inquiétude.
Non seulement il y a bien eu bouffée délirante collective, mais désormais elle est entrée dans une phase de chronicité dont il y a tout lieu de craindre l’extension et les expressions. Déjà il nous en est donné de nouveaux exemples inquiétants avec l’extension du masque aux enfants dès 6 ans, le couvre-feu transformé brutalement en nouveau confinement généralisé sans bilan préalable, pour une durée indéterminée et probablement jusqu’à l’été prochain si l’on se fie à la prescience présidentielle, et sur la seule conviction qu’il pourrait y avoir 400 000 morts ! Demain, quel autre fantasme tout aussi imaginaire ? L’apparition de morts chez les adolescents ? D’une mutation avec symptômes effrayants ? Les médecins « corrompus » par un prix de la consultation doublé pour les malades déclarés covid (mais pas les hôpitaux, la prime de 5000€ ayant été démenti par O. Véran) sont objectivement incités, même inconsciemment, à la manipulation statistique.
Comment les choses vont-elles évoluer ? Il est impossible de le savoir. De plus nous n’avons guère d’expérience de ce genre d’évènements historiques, lesquels sont effectivement rares et leur dimension psychosocio-pathologique non établie au moment de leur déroulement. L’antisémitisme nazi, psychose collective, dura plusieurs années. La chasse aux sorcières de l’Inquisition appréhendable comme une psychose collective, dura plusieurs siècles. La rumeur délirante, dite d’Orléans, mais en réalité nationale, et l’épidémie d’Escherichia Coli Entéro-Hémorragique de juin 2011 n’ont duré qu’un mois, l’une s’est arrêtée spontanément, l’autre quand un rapport avec la catastrophe de Fukushima fut suspectée ; les danses maniaques de plusieurs jours, également. L’hilarité irrépressible du Tanganyika plusieurs mois. Mais il fallut conduire un prêtre au bucher pour faire cesser le délire des possédées de Loudun.
Souhaitons-nous vivre un épisode pathologique du même ordre, et sur une durée équivalente, que celui de la chasse aux sorcières ? A l’évidence non. Quels sont les moyens à notre disposition pour en sortir dans les plus brefs délais ? Nous l’ignorons. Abattre la violence nazie nécessita des moyens guerriers considérables. L’Inquisition cessa quand l’influence des Lumières acquit une puissance suffisante. La prise de conscience de l’ampleur de ces évènements (qu’on ne dénommait pas délire à l’époque) releva d’un mouvement d’esprit incontournable dans ces deux cas historiques majeurs, avant de pouvoir agir pour endiguer, briser leur processus. Aujourd’hui cette prise de conscience de la dangerosité du délire est encore évidemment un préalable.
Mais cette exigence introduit un paradoxe apparemment insurmontable : les journalistes dont l’intervention est indispensable pour le satisfaire sont tout autant happés par le délire que le sont la quasi-totalité des dirigeants et l’ensemble de la population. Il ne faut donc compter que sur internet et les réseaux sociaux, et sur l’application de la seule solution à priori efficiente. Comme souvent une problématique se résout là où elle a débuté, et puisqu’Emmanuel Macron porte la responsabilité de la décision folle d’un confinement général catastrophique ayant contaminé bien des pays, il se devrait d’en tirer les conclusions, et, comme le lui a suggéré Jean-Dominique Michel, de démissionner.
Charles de Gaulle, lui le grand Charles, dont il célèbre le cinquantenaire de la mort ce 9 novembre, a eu l’honnêteté, la majesté et la dignité au lendemain du désaveu de son peuple, de lui remettre son mandat.
Dr Thierry Gourvénec
Pédopsychiatre
Informations complémentaires:
- Le virus de la peur ; ou comment le monde entier est devenu fou - Olivier Chailley
- Quand la psychose fait dérailler le monde - Tracts - GALLIMARD
- Ce virus qui rend fou, de Bernard-Henri Lévy | Éditions Grasset
- Le délire collectif de la covid-19
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