Darmanin et Retailleau contre le narcotrafic

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 22 janvier 2025 - 17:50
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POOL/AFP/Archives - Anne-Christine POUJOULAT
L'ex-ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin (actuel garde des Sceaux) arrive à l'Hôtel de Matignon, le 21 mars 2023, à Paris.
POOL/AFP/Archives - Anne-Christine POUJOULAT

Malgré des saisies records et des lois répressives, le narcotrafic prospère en France. Le Sénat a rendu son rapport sur le sujet, et il va donner lieu à une proposition de loi ce mercredi 22 janvier. Mais entre rivalités politiques et innovations criminelles, la lutte contre ce fléau révèle surtout que le gouvernement fait semblant de savoir.

Aujourd'hui, la drogue circule aussi rapidement que les "mesures choc" de nos ministres. Et, si l'on peut dire, les deux font des dégâts... Entre l’ubérisation du marché et la porosité des ports européens, le narcotrafic s’adapte, prospère, et met à nu les carences d’un système qui se dit pourtant armé jusqu’aux dents. 

En France, c'est port(e) ouvert(e) !

La France dispose de l’un des dispositifs juridiques les plus stricts d’Europe pour combattre la drogue. Pourtant, comme le rappelle Clotilde Champeyrache dans The Conversation, 900 000 Français consomment quotidiennement du cannabis, et 600 000 touchent à la cocaïne. Et si les forces de l’ordre saisissent des tonnes de stupéfiants chaque année (47 l'année dernière), cela ne représente qu’une goutte d’eau face à l’offre dont le marché se fait fort. Stéphanie Cherbonnier, ex-directrice de l’Ofast, explique quela cocaïne est désormais bon marché, accessible à tous et livrée à domicile. Et cette ubiquité s’appuie sur des méthodes marketing dignes des plus grandes entreprises : SMS promotionnels, programmes de fidélité et échantillons gratuits. Yves Rocher fait pareil pour ses produits de beauté.

D'une part, il y a donc la circulation de la drogue dans le pays qui fait défaut, puisque le passage par les réseaux sociaux efface presque toutes les barrières. Mais cette drogue, elle est d'abord cultivée à l'étranger ; ainsi, comme le rapporte Le Monde, le port du Havre est aussi la porte d’entrée de près de 80 % de la cocaïne en circulation en France. Ne suffirait-il pas de contrôler toutes les cargaisons ? Cela aiderait pour lutter contre le narcotrafic, mais cela déplairait à l'industrie, au commerce. Résultat : dans les ports européens, seulement 2 % des marchandises font l’objet d’un contrôle. Entrer, c'est facile. Circuler, c'est facile. Mais que fait la police ?

Enfumés de tous les côtés

Pendant que Gérald Darmanin, ancien ministre de l'Intérieur maintenant à la Justice, annonce une même prise pour les 100 plus gros narcotraficants de France et la fin d'un régime d'exception diplomatique pour la nomenklatura algérienne, Bruno Retailleau, qui a pris la place du premier à Bauveau, dévoile la création d’un état-major « crimorg » pour améliorer les services de renseignement. Et, parallèlement à ce combat de coqs essentiellement médiatique, le Sénat s'appuie sur son rapport de 2024 pour lancer une proposition de loi "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", qui sera mise à l'étude à partir du 28 janvier. Malgré tout ça, on ne s'en sort pas.

Et pour cause ! Particulièrement complexe - et inquiétant-, le sujet du narcotrafic sert surtout de fer de lance électoral pour les deux hommes politiques, qui cherchent à savoir qui a la meilleure droite. Ils jouent des mécaniques devant les caméras et annoncent tout un tas de "mesures choc", mais ils montrent surtout qu'ils ne savent pas quoi faire et qu'il va falloir se serrer les coudes pour mener cette bataille. Et ce faisant, ils créent des dissensions institutionnelles profondes : les syndicats de police sont bien contents de voir que Darmanin est toujours prêt à filer un coup de main, même depuis Vendôme ; les syndicats de magistrats, quant à eux, craignent plutôt un recul de l'indépendance de la justice. 

Plus généralement, selon Clotilde Champeyrache, l’erreur fondamentale réside dans la méconnaissance du phénomène en tant que tel. En parlant à tort et à travers, nos ministres montrent surtout que la France n'est plus à jour sur les questions de criminalité. Comme pour la traite d’êtres humains, la contrefaçon ou le trafic d’armes, le narcotrafic organisé s’adapte à chaque opportunité, exploitant nos failles légales, économiques et sociales. Aussi faudrait-il, si l'on veut réellement lutter, arrêter de jouer aux durs et investir sérieusement en criminologie.

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