Covid 19 - Comment expliquer l'évolution temporelle de la pandémie ?
INTERVIEW : l’évolution de la pandémie est un sujet qui passionne les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, divisant les groupes allant de personnes réagissant à des croyances fondées sur des bases qui peuvent être considérées « sans rationnel » jusqu’aux chercheurs ancrés dans leurs recherches qui oublient de prendre le macroscope de De Rosnay pour essayer de comprendre au-delà.
La chercheuse indépendante Helene Banoun, que nous avons interviewée, est allée plus loin et propose une interprétation de cette évolution qu’elle nous présente ci-après. Hélène est pharmacienne biologiste et ancien chercheur Inserm.
FS : Hélène, sur quels sujets avez-vous travaillé dans le passé?
HB : J'ai été quelques années chargée de recherches Inserm (sur poste d'accueil pour Interne en Pharmacie) à l'Institut Gustave Roussy et j'y ai travaillé sur la pharmacologie anti-cancéreuse. Je suis aussi pharmacien biologiste et j'ai donc une formation de base, entre autres en virologie et immunologie. Je suis passionnée de biologie et plus particulièrement j'explore la théorie de l'évolution depuis une quinzaine d'années.
FS : Qu’est-ce qui vous a amené à faire votre analyse?
HB : J'ai analysé de nombreux articles scientifiques parus depuis le début de la pandémie Covid-19, toujours en gardant à l'esprit la théorie de l'évolution qui peut nous aider à comprendre ce qui se passe en biologie et donc en immunologie et virologie. C'est particulièrement important pour la Covid-19 qui est due à un virus émergent et nous permet d'observer en direct et en un temps assez court un phénomène représentatif de l'évolution biologique. Dans ce domaine, outre la lecture de Charles Darwin, les textes (et les conférences) de Guillaume Lecointre, Chomin Cunchillos, Jean-Jacques Kupiec et Pierre Sonigo m'ont beaucoup appris ainsi que des discussions avec Pierre Pontarotti. J'ai aussi la chance de connaître Bruno Canard avec qui j'ai pu brièvement discuter de virologie.
FS : Avec qui avez-vous revu, évoqué cette analyse?
HB : sans vouloir aucunement faire cautionner mon hypothèse par les personnes avec lesquelles je l'ai évoquée plus ou moins brièvement, elle a été lue, entre autres, par Guillaume Lecointre (professeur au Muséum d'Histoire Naturelle) et Patrick Tort (Directeur de l'Institut Darwin) qui n'ont pas pris position sur le fond bien que l'ayant trouvée intéressante : en effet comme j'ai une approche transversale du problème, il est difficile de se prononcer pour un non-spécialiste des trois domaines (évolution, immunologie et virologie), que je ne suis pas moi-même officiellement ! J'en ai discuté avec Pierre Pontarotti (évolutionniste de l'immunologie) , Patrick Tort, Anne-Marie Moulin (historienne de l'immunologie), Pierre Sonigo (virologiste).
Plus récemment le Pr Giuseppe Remuzzi (néphrologue italien qui a soigné des malades de la Covid) y a trouvé de l'intérêt et pense qu'il faut la faire circuler. Je suis en discussion avec des ingénieurs, mathématiciens et épidémiologistes qui tentent d'évaluer les modélisations de l'épidémie qui ont été menées et peut-être d'y intégrer le facteur de l'évolution du virus. Des immunologistes « mainstream » l'ont lue mais pas commentée.
FS : Pouvez vous nous décrire les conclusions de votre analyse?
HB : une analyse des courbes de l'épidémie au stade tardif montre dans le monde entier l'évolution vers la bénignité du virus. On observe une augmentation prolongée des nouveaux cas avec une baisse régulière des cas graves et des décès.
Il a été suggéré une immunité croisée avec les coronavirus de rhumes banals. Celle-ci mettrait en jeu des séquences virales codant pour la spike protéine mais aussi et de façon importante pour des protéines non structurales qui pourraient interagir avec la réponse immunitaire cellulaire (CD4+ et CD8+).
Les mutations de la séquence de l'ARN viral observées au cours de la Covid-19 concernent également des régions impliquées dans l'interaction du virus avec les cellules du système immunitaire de son hôte. Il semblerait que le virus émergent s'est adapté au système immunitaire de son hôte en modifiant sa transmissibilité et/ou sa virulence. Le virus s'adapte par sélection naturelle au système immunitaire de son hôte (la population humaine) ; c'est l'ensemble de ces adaptations individuelles qui produit l'évolution globale du virus au cours de l'épidémie. Cette hypothèse est cohérente avec la Théorie de l'Évolution qui permet souvent de résoudre des énigmes en biologie.
FS : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la théorie de l’évolution?
HB : la théorie de l'évolution cherche à expliquer l'évolution des formes vivantes depuis l'origine de la vie sur Terre (3,5 milliards d'années aux dernières découvertes). Elle a été élaborée par Charles Darwin en 1859 dans « L'Origine des espèces » et depuis elle est sans cesse confrontée aux observations scientifiques, elle a subi des modifications mineures mais la voie tracée par Darwin est toujours opérante.
Il s'agit du couple variation-sélection. Guillaume Lecointre, professeur au Museum d'Histoire Naturelle, écrit à ce sujet : « si l'on s'autorise une métaphore, le hasard des mutations ou de toute autre source de variation est le carburant de l'évolution. La sélection, sorte de tamis très étroit, est le moteur de l'évolution. », « Le hasard assure le foisonnement du vivant produisant une infinité de variations différentes, puis l’environnement fait le tri : c’est la sélection naturelle. Ces deux mouvements expliquent la diversité du vivant, la capacité des populations à s'adapter au changement, mais aussi la stabilité que l'on constate au sein d'une population adaptée à son milieu. »
Je fais référence à l'évolution biologique car, comme disait Theodosius Dobzansky :
« Rien n'a de sens en biologie si ce n'est à la lumière de l'évolution. »
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