L'industrie agroalimentaire fait grossir ses profits autant que les consommateurs

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 30 mars 2025 - 16:10
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Plusieurs industriels de l'agroalimentaire et des grands groupes de distribution s'engagent à affich
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© JEFF PACHOUD / AFP/Archives
© JEFF PACHOUD / AFP/Archives

L’agroalimentaire, moteur de la malnutrition, est dominé par quelques géants qui façonnent nos choix alimentaires au détriment de notre santé. La précarité alimentaire, les dérives des grandes surfaces et l’impunité des multinationales aggrave cette crise. Alors que faire ?

Entre la flambée des prix des produits de première nécessité et une industrie agroalimentaire de plus en plus concentrée entre les mains de quelques géants, le système actuel nous tue à petit feu : en ne permettant pas l'accès à une alimentation saine et abordable, ces acteurs nuisent à la fois à la santé publique et à l'environnement. Une étude de l'OMS, publiée dans le Lancet, prédit qu’en 2050, 60 % des adultes seront obèses.

Des produits au moindre prix

Karine Jacquemart, directrice de l’ONG Foodwatch, se fait l’avocate d’une révolte nécessaire contre ces inégalités. "Les géants de l’agroalimentaire bénéficient d’une impunité ahurissante", dénonce-t-elle dans un entretien accordé à Usbek & Rica. Selon elle, cette impunité est due au fait qu'une poignée de grandes surfaces, dominantes dans le secteur, décident de la qualité et des prix des produits alimentaires. "Les prix augmentent de façon vertigineuse, mais ce sont les marges de ces grandes entreprises qui explosent", insiste-t-elle, pointant une hausse des marges de 28 % à 48 % entre 2021 et 2023. Une situation qui est "tout simplement historique", et qui laisse présager que les crises alimentaires à venir ne feront qu'aggraver la situation des plus vulnérables.

L’industrie agroalimentaire, sur laquelle les principaux acteurs comme Carrefour, E. Leclerc et Auchan règnent en maîtres, n’a que faire des crises que ses choix engendrent. Si l'on en croit Jacquemart, "tout est organisé pour que les consommateurs choisissent des produits mauvais pour leur santé". Selon une enquête menée par Foodwatch, les produits les moins chers sont systématiquement ceux qui contiennent le plus de sucre, tandis que les fruits et légumes deviennent de plus en plus inaccessibles pour les ménages modestes. Et qui dit sucre, dit addiction. Alors, même si les consommateurs souhaitent bénéficier d'une alimentation saine, il devient particulièrement difficile de résister à des produits sucrés et peu chers. Ce modèle profite directement aux grands groupes, dont les bénéfices sont gonflés par une stratégie de prix au rabais sur des produits de mauvaise qualité, contribuant ainsi à l'explosion des maladies liées à l'obésité.

L'une des conséquences tragiques de cette situation est la précarité alimentaire : des millions de Français n'ont plus accès à des produits frais ou équilibrés. Un rapport de 2017 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) révèle que les ouvriers consomment en moyenne 50 % de fruits et légumes en moins que les cadres. Cette inégalité est amplifiée par les produits transformés, principalement riches en sucres, graisses et sel, et souvent présentés comme des solutions accessibles pour les foyers en difficulté financière. "Les fruits, légumes, fibres et légumineuses disparaissent des paniers des plus pauvres", témoigne Karine Jacquemart. Ces inégalités, pourtant invisibles dans le discours officiel, révèlent l'ampleur du désastre social et sanitaire qui découle de la gestion déséquilibrée du système alimentaire.

Qui finissent par coûter cher

Mais le problème ne réside pas seulement dans l’accessibilité à une alimentation saine. C’est aussi un problème de modèle. En France, le coût annuel du système agroalimentaire se chiffre à 160 milliards de dollars, dont la majeure partie est directement liée à des dépenses de santé publique. L’impunité des géants de l’agroalimentaire est donc d’autant plus choquante, car elle alimente une boucle de profits privés et de dépenses publiques. Face à cette dérive, l’ONG Foodwatch réclame plus de transparence, un rééquilibrage des politiques publiques et la fin de l’opacité des marges des entreprises.

Karine Jacquemart propose des solutions pratiques et accessibles. Il ne s’agit pas de révolutionner la production alimentaire, mais de l’adapter. "L’agroécologie suffit à nourrir tout le monde", assure-t-elle. En s’attaquant aux pratiques agricoles intensives et en soutenant une agriculture respectueuse de l’environnement et de la santé humaine, il serait possible d’aller vers une alimentation plus saine et plus durable. Mais ces solutions nécessitent des politiques publiques fortes, orientées vers la démocratisation de l’accès à des produits locaux, bios et équitables. L'exemple de la caisse alimentaire commune à Montpellier, un système où les membres cotisent pour acheter des produits sains à moindre coût, illustre la possibilité d’un modèle de solidarité alimentaire à plus grande échelle.

Face à ce défi mondial, Karine Jacquemart appelle à une mobilisation citoyenne forte. "Le droit à l’alimentation est indissociable des droits fondamentaux", affirme-t-elle. Il s’agit de rétablir un équilibre où les intérêts privés ne dominent pas la vie des citoyens, et où chacun peut avoir accès à une alimentation saine sans subir l’influence d’un marché débridé. Le combat est collectif et demande une prise de conscience immédiate.

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