Roumanie : en pleine crise politique, une loterie pour inciter à la vaccination

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FranceSoir
Publié le 27 octobre 2021 - 17:07
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Le château de Dracula en Roumanie permet de se faire vacciner
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DANIEL MIHAILESCU / AFP
Au château de Bran, que la légende attribue à Vlad Tepes, inspirateur du personnage de... Dracula, on... vaccinait en mai dernier.
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Depuis quelques semaines, la Roumanie est plongée dans une crise autant sanitaire que politique.

Une vaccination qui peine à se faire accepter

Cela ressemble à une histoire d’Aldous Huxley : c’est pourtant la réalité. Dans un des pays les plus pauvres de l’Union européenne, où le nombre de vaccinés contre le covid-19 est très bas comparé aux autres pays européens (29,7 % de double vaccinés), une loterie est organisée pour inciter à la vaccination. Le jeu est simple : les participants se font piquer, puis ils sont inscrits sur la liste et peuvent ainsi gagner des prix allant jusqu’à 200 000 euros. Puis, avec leur accord, les gagnants peuvent voir leur nom affiché en public. L'objectif est clair : le gouvernement vise une population vaccinée à 70 % avant de lever les restrictions sanitaires.

Dans ce pays de 19 millions d’habitants, les hôpitaux sont saturés et l'on observe une quatrième vague violente de covid-19, avec un pic de décès de 368 morts enregistrés le 20 octobre, très supérieur aux précédents épisodes épidémiques, et concernant en grande majorité des personnes non-vaccinées.

Pour autant, juste après celle de la Bulgarie, la population roumaine est la plus sceptique d'Europe vis-à-vis des vaccins. Raison pour laquelle le ministère de la Santé a décidé d'organiser cette fameuse loterie, et ce tous les dimanches depuis le début du mois d'octobre, jusqu’au 31 décembre prochain. C'est un peu le calendrier de l'Avent ; une fois par semaine, les nouveaux vaccinés peuvent se partager 80 lots de 2 000 euros (plus de quatre fois le salaire minimum brut du pays), et un grand gagnant vacciné reçoit le prix de 20 000 euros. Petite précision : lors de la dernière loterie en décembre, cette somme sera dix fois plus élevée.

Comme le relate "le Télégramme", le docteur Gindrovel Dumitra déplore ce choix : « C’est une erreur, il faudrait que ces fonds du ministère de la Santé soient dépensés pour une équipe de communication et une vraie campagne de prévention. La population doit comprendre les avantages individuels et collectifs du vaccin pour la santé, et non pas que cet avantage soit financier. »

D'origine roumaine, une internaute relativise sur Twitter : "C’est un non-évènement pour ceux qui connaissent le pays. En effet, le système de loterie existe pour d’autres choses comme la loterie au bon fiscal pour empêcher le travail au noir. Les Roumains se sont rués sur Janssen, disponible pour tous les âges, car il s'agissait d'une dose unique, et il y a fort à parier que la moitié des doses a fini dans le chiotte entre deux verres de palinka."

À l'origine de cette politique sanitaire, un gouvernement brinquebalant et autoritaire

L'exécutif qui avait engagé trois millions d’euros pour ce projet annoncé début septembre, était mené par Florin Citu. Mais, le gouvernement libéral n’est plus en place que par intérim depuis le début du mois, car l’opposition l'a renversé par une motion de censure : une crise politique s'ajoute à la crise sanitaire. L'ancien banquier de 49 ans n'aura su tenir sa position que pendant neuf mois, avant d'exaspérer non seulement l’opposition sociale-démocrate, mais également ses alliés de l'USR+. Aussi, depuis le 5 octobre, Florin Citu et son gouvernement assurent un intérim, pendant qu'un nouveau gouvernement essaie laborieusement de voir le jour.

À la tête de l'USR+, Dacian Ciolos, libéral convaincu, président du groupe "Renew Europe" au Parlement européen et député européen, a tenté sa chance, mais n'a pas obtenu le vote de confiance.

De son côté, le parti nationaliste AUR (Alliance pour l’unité des Roumains) monte en puissance : anti-restrictions, il est aussi anti-vaccination, tout comme le PSD (parti social-démocrate, conservateur) avec qui une entente politique semble possible. L'Église orthodoxe a aussi tenu une ligne sceptique vis-à-vis de la vaccination. Le 3 octobre, une manifestation de 15 000 opposants à la vaccination se tenait devant le siège du gouvernement, rapporte "le Monde". Cela étant, ces partis d'opposition ne risquent pour l'instant pas de prendre le pouvoir.

C'est au tour du général Nicolae Ciucă, ex-ministre de la Défense sous Florin Citu, de tenter sa chance. Le président Klaus Iohannis a proposé qu'il devienne Premier ministre. Désormais, une fois de plus, c'est au peuple de voter.

Malgré la voix des partis d'opposition, de nouvelles mesures de restriction sont entrées en vigueur ce lundi : passe sanitaire, couvre-feu à 22 heures, fermeture avancée d'une heure pour les magasins et restaurants, vacances de deux semaines pour les écoliers, port du masque obligatoire dans les lieux publics, mariages et autres événements privés interdits...

Comme ailleurs, politique et santé publique sont étroitement imbriquées et instrumentalisées l'une par l'autre, et la pression vaccinale bat son plein : 86 000 personnes ont reçu une première dose de vaccin vendredi dernier, un record. Environ la moitié avec Janssen, mono-dose et ouvert à tous.

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