La loi Travail en Conseil des ministres, manifestations partout en France
Le projet de loi modifiant le droit du travail a été présenté ce jeudi 24 mars en Conseil des ministres, importante étape d'un parcours chahuté marquée par une nouvelle mobilisation de jeunes et de salariés contre un détricotage des droits des travailleurs. "C'est un nouvel élan pour la démocratie sociale", a déclaré la ministre du Travail, Myriam El Khomri à l'issue du Conseil des ministres. Elle a défendu un texte "équilibré, qui apporte à la fois de nouvelles souplesses aux entreprises et de nouvelles protections pour les salariés". Le Premier ministre Manuel Valls vante une réforme "intelligente, audacieuse et nécessaire", qui doit répondre au chômage de masse (3,5 millions de personnes sans emploi) "auquel notre pays s'est habitué depuis trop longtemps".
Mais l'opposition contre ce texte reste vive: sept syndicats et organisations de jeunes (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) manifestent à nouveau ce jeudi pour en réclamer son retrait, avant une grande mobilisation le 31 mars. Ils réclament l'abandon pur et simple d'un texte qui "continue à diminuer les droits des salarié-e-s et à accroître la précarité, notamment des jeunes". Une manifestation est partie à 12h30 de Montparnasse jusqu'aux Invalides à Paris contre "la casse du code du travail". D'autres manifestations étaient organisées en province (Besançon, Marseille...). Un appel similaire avait rassemblé entre 200.000 et 450.000 personnes dans l'Hexagone le 9 mars.
A Nantes, des incidents ont opposé les forces de l'ordre à des manifestants cagoulés en fin de matinée lors d'un défilé rassemblant plusieurs milliers de personnes. Neuf personnes ont été interpellées. Dans la capitale, le principal bâtiment de Sciences Po était bloqué, comme plusieurs lycées, selon l'organisation lycéenne UNL. Des militants de la CGT se sont rendus dans les mairies du 18e arrondissement et du 13e, où sont élus respectivement Mme El Khomri et le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen. Ils ont demandé à être reçus, sans succès.
Le projet El Khomri de 52 articles "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs" comprend de nouveaux droits, dont le compte personnel d'activité (CPA), des moyens syndicaux accrus ou l'extension de la garantie jeunes. Il met également en place le référendum en entreprise, fait évoluer les règles de la représentativité patronale, du licenciement économique ou de la médecine du travail. Il réécrit intégralement la partie du code du travail relative au temps de travail, donnant plus de place à l'accord d'entreprise. Cette réforme, vraisemblablement la dernière du quinquennat, a été partiellement réécrite après la bronca politique, syndicale et de jeunes, qui y ont vu un texte trop libéral et peu sécurisant pour le salarié : grèves, manifestations, pétition record (un million de signatures en deux semaines), tribune incendiaire de Martine Aubry, réunions PS électriques ont jalonné son parcours.
Désormais, il n'est plus question de plafonner les indemnités prud'homales pour les licenciements abusifs, au grand dam du patronat, ni d'autoriser des décisions unilatérales de l'employeur sans accord dans les entreprises de moins de 50 salariés pour le forfait-jour ou les astreintes. Ces modifications ont permis à l'exécutif d'obtenir les soutiens précieux des syndicats dits "réformistes" (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa), ainsi que de la majorité. Mais les "réformistes" comptent sur son amélioration, notamment sur l'article portant sur les licenciements économiques, réécrit à la marge.
Et les frondeurs, qui promettent "une bataille parlementaire extrêmement ferme", viennent de présenter une "contre-réforme". Et pour compliquer la tâche de l'exécutif, si le patronat semblait acquis à la version initiale, il critique vertement la nouvelle : sept organisations, dont le Medef, la CGPME et la FNSEA, ont lancé mardi un "appel solennel" au Premier ministre afin que le texte "retrouve son objectif d'origine: créer de l'emploi". "Revenir à la version 1 du texte, comme le réclame le patronat, c'est juste impossible", a rétorqué ce jeudi le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, ajoutant que "si c'était le cas, la CFDT se mobiliserait". Le texte sera examiné en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir du 5 avril, puis dans l'hémicycle fin avril-début mai.
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