Un nouveau confinement serait dramatique
Dans cette tribune, plusieurs scientifiques et professionnels de la médecine alertent sur les dangers d’un nouveau confinement
Le premier confinement fut accepté parce que la vague était intense, que nous ne savions pas ce qu’il en résulterait, avec l’espérance que ce ne serait que transitoire et que la vie reprendrait. La plupart ont joué sur la résilience. Un grand nombre de Français n’ont pas été impactés car protégés dans leurs revenus. Une certaine désinvolture a placé les Français et ses intellectuels dans la posture de la nouveauté, de l’expérience, du genre ; « ouais, mon gars, tu vois, c’est une expérience géniale, tu kiffes, tu planes, tu te remets en question, tu fais le point sur ta vie, t’es un type génial, tu réinventes tout, avec ton travail, tes gosses, ton conjoint, t’applaudis les infirmières au balcon et puis, c’est Pâques au balcon ». Pendant le confinement d’avril, la végétation poussait, la nature verdissait, les jours rallongeaient et la perspective des vacances laissait une tonalité d’espoir. Ce qui n’a pas empêché les psychologues de constater les dégâts psychiques sur une partie des Français, et les sociologues de souligner l’aggravation des inégalités sociales et la très grande différence de vécu entre les Français disposant d’une maison, de liens sociaux appuyés, de patrimoine culturel, et ceux appartenant aux classes populaires confinés dans un logement HLM.
En novembre 2020, le nouveau confinement ne sera pas de la même teneur. Les feuilles tombent, les températures s’effondrent et les jours raccourcissent. En avril, le jour persiste jusqu’à 22 heures, en novembre, le soleil se couche avant 18 heures. Ce n’est plus la même dynamique saisonnière et c’est la déprime. Lors du premier confinement, nous venions d’une vie normale, mais plus maintenant. N’oublions pas que la baisse de luminosité aggrave les déprimes et les dépressions pendant la période hivernale. Le Dr Norman E. Rosenthal a été le premier à démontrer en 1984 le lien entre la lumière et les différents troubles survenant en période hivernale. Selon ses recherches, la dépression saisonnière est la conséquence de modifications hormonales induites par la baisse de luminosité. Un confinement diurne total ou alors le week-end priverait les Français de la possibilité de s’aérer, de prendre l’air, de faire une activité sportive, d’être irradié par ces rayons lumineux indispensables à notre humeur, sans oublier la vie sociale sans laquelle nous ne sommes rien sauf des corps animaux. Peut-on accepter d’abimer la santé de millions de Français pour une épidémie dont l’intensité attendue n’est pas encore celle de mars, pour autant qu’elle l’atteigne ?
Ce second confinement arrive après deux mois de nouvelles anxiogènes, de privations, de masques à suffoquer la journée, de bars et resto fermés et pour 45 millions de Français, le couvre-feu, de quoi déprimer. D’autant plus que les raisons d’espérer ont été balayées par des annonces sans fondement sur une situation devant perdurer jusqu’à l’été prochain. Confiner dans cette ambiance anxiogène est une mesure barbare, une sorte de punition collective pour une faute que nous n’avons pas commise. L’économie risque de s’effondrer, les bars de fermer, les artistes vont crever, les jeunes vont déprimer, la culture va s’éteindre. La situation dans les hôpitaux est difficile. En Italie, 6000 médecins et le double d’infirmières ont été recrutés, chez nous, des lits ont été fermés. Des milliards ont été budgétisés pour payer les gens à ne pas travailler, les bars et les restos à fermer, les salles de spectacle à se vider, la vie à se mortifier. Pourquoi ces milliards n’ont-ils pas été dépensés pour recruter du personnel en le payant correctement ?
Nous ne pouvons pas accepter d’être reconfinés, ni même les couvre-feux. Si nous plions, nous serons abimés voire sévèrement atteints, avec des conséquences visibles à moyens terme. L’épidémie n’est pas hors de contrôle. Nous savons que les autorités n’ont pas pris la mesure de la situation, confondant les cas et les malades et n’anticipant pas l’évolution des réanimations faute de modèles épidémiologiques fiables. Il ne faut pas regarder le virus mais ce qui se passe dans les hôpitaux. La situation est difficile mais elle ne justifie pas que notre pays soit abimé de la sorte. Il est déjà arrivé que les urgences soient localement saturées par une épidémie de grippe. Les Français sont invités à sortir de l’état de soumission et à reprendre le contrôle de leur destin moral et physique. Une dernière remarque entre parenthèses (En cas de nouvelles mesures, le déclin probable de l’épidémie pourrait être considéré comme une réussite par le gouvernement alors qu’il n’est pas impossible que l’épidémie se résorbe spontanément d’ici un à deux mois).
Premiers signataires
Bernard Dugué, ingénieur des Mines, docteur en pharmacologie, docteur en philosophie
Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherche au CNRS
Hélène Banoun, pharmacien biologiste, docteur es-sciences pharmaceutiques.
Louis Fouché, médecin anesthésiste-réanimateur, Marseille
Jean-Louis Lascoux, Président de l'école professionnelle de la médiation et de la négociation, EPMN, Bordeaux
Manon Van Steirteghem, psychologue clinicienne.
Sophie Colas, coordinatrice CRMR, Timone Marseille
Catherine Gire, chef de service de réanimation, CHU Marseille
Nicole Roattino, pharmacien, praticien hospitalier
Dr Alain Le Hyaric, médecin de santé publique, médecin DIM
Françoise Giorgetti-D’Esclercs, docteur, CHU Timone, Marseille
Romain Torrents, médecin Hospitalier, Centre Antipoison et de toxicovigilance de Marseille
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