Sarkozy - Macron : vérités et sévérité ...

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Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 14 juin 2024 - 14:17
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TRIBUNE - Le jeudi 30 mai dernier, paraissait dans Le Figaro - et sur une page entière - une interview de Nicolas Sarkozy, annoncée en "une" du journal sous le titre : "Russie, Israël, européennes, immigration : les vérités de Nicolas Sarkozy". 

Interrogé sur son appel à un "accord" de la droite avec Emmanuel Macron "depuis la présidentielle de 2022", l'ancien chef de l'Etat (que l'on soit d'accord ou pas avec lui, c'était un chef, et il y avait encore un Etat) confie aux journalistes : "J'ai des rapports cordiaux avec Emmanuel Macron. J'aime échanger avec lui. Est-ce à dire que je suis d'accord avec tout ce qu'il a fait ? Non".

Pour le Président en exercice, le Club des ex n'est pas si important que cela, surtout si l'on considère que François Hollande ne doit sûrement pas rechercher le bavardage avec un homme dont il n'aura pas réussi à empêcher la candidature à un second mandat en 2017. Alors, issu de la gauche, Emmanuel Macron échange avec l'autre membre du Club, issu de la droite. Et on aimerait bien être petite souris quand les deux hommes échangent. Car, si Le Figaro parle des vérités de Nicolas Sarkozy, il est bien clair que celles-ci ne sont pas émises sans une sévérité certaine. 

Que l'on en juge plutôt ! 

Alors que l'ancien Président affirme que "la violence (...) est désormais insupportable" et que l'on assiste à une "explosion" de "la colère d'un peuple français qui n'en peut plus de ce qu'il considère être un déni de réalité", et qu'il pose la question : "En a-t-on pris conscience au plus haut niveau de l'Etat ? Je n'en suis pas certain", on imagine le dialogue de sourds entre les deux hommes sur ce sujet particulièrement sensible... 

Nicolas Sarkozy dénonce le démantèlement de "l'arsenal sécuritaire" qu'il avait mis en place, avec les peines planchers et la rétention de sureté, par "François Hollande et la gauche", démantèlement qu'il qualifie durement d'"authentique scandale d'Etat justifié par l'idéologie de la démission et de l'excuse". Mais où était alors Emmanuel Macron, sinon dans les allées du pouvoir élyséen avant de prendre les commandes de Bercy ?  

Poursuivons notre chemin, et nous voilà en Ukraine !  

Le Président de 2007 à 2012 est non moins catégorique : "L'entrée de l'Ukraine dans l'UE ou dans l'OTAN ne résoudrait en rien les problèmes actuels de ce pays avec la Russie". Il en est pourtant question, et pas seulement à la faveur d'un élargissement de l'Europe qui n'en finit pas. 

Observant que "l'Ukraine est un pont entre le monde slave et l'Europe", que "les pays ne changent pas d'adresse" et que "l'Histoire n'est pas une page blanche : Kiev a été la première capitale de la Russie", Nicolas Sarkozy déclare catégoriquement que "cela ne donne aucun droit à Vladimir Poutine et ne justifie en rien cette agression", et rappelant son rôle lorsque Poutine a voulu envahir la Géorgie, il y voit "la preuve qu'on peut et que l'on doit discuter avec le président russe". Avant d'asséner : "Quant à l'envoi de troupes au sol, permettez-moi d'émettre de sérieux doutes (...). A -t-on seulement réfléchi aux conséquences ?". A qui peut bien s'appliquer ce "on" impersonnel, sinon à Emmanuel Macron qui paraît avoir une terrible envie de revêtir l'uniforme de général en chef. 

Pour être assuré d'être bien compris, Nicolas Sarkozy poursuit : "Le monde danse au bord d'un volcan. Une maladresse, un énervement, une ambiguïté peuvent créer les conditions d'un déchaînement catastrophique". Aussi "il est plus que temps de commencer à discuter sérieusement (...). Être fort avec Poutine, c'est prendre le risque de négocier directement, et fermement, avec lui, pas d'engager un engrenage guerrier aux conséquences incalculables".

Sur une tonalité peu différente, l'ancien chef de l'Etat parle également de la Nouvelle-Calédonie, où "le rôle du président de la République n'est pas d'être à équidistance des loyalistes et des indépendantistes, mais d'affirmer très clairement qu'il est aux côtés de ceux qui veulent rester français", de la guerre qui est "toujours cruelle", d'Israël, de la Palestine... 

Enfin, comme on lui fait observer qu'Emmanuel Macron a critiqué la limitation à deux mandats présidentiels successifs issue de sa révision constitutionnelle de 2008, Nicolas Sarkozy réplique que "dix ans, c'est déjà très long" et que "même s'il avait eu la possibilité de se représenter en 2027, je ne suis pas certain que je lui aurais conseillé de le faire". 

Quand on connaît le poids des mots à cet échelon supérieur du pouvoir, qu'il s'agisse du Président en exercice ou d'anciens Présidents, on mesure mieux la sévérité des propos de Nicolas Sarkozy à l'endroit d'un Emmanuel Macron qui a dû tordre le nez à la lecture du Figaro, et qui serait bien inspiré de se poser une vraie question, une grande question : pourquoi Nicolas Sarkozy est-il sorti de son silence ?  

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