L'avis Tranchant d'Alain : Le successeur du Charles de Gaulle ne doit pas être construit sur un chantier ...chinois
Tribune : En Basse-Loire, la parole de l'Etat est discréditée depuis que M. Macron, au mépris des résultats d'un référendum local comme de ses engagements de candidat à l'élection présidentielle, a capitulé en rase campagne en renonçant à la construction de l'aéroport international de Notre Dame des Landes, au nord de Nantes. C'est une décision qu'il a prise dès son arrivée au pouvoir. Du point de vue de l'autorité de l'Etat, sans nul doute la plus malheureuse. Un signal, et un signal fort, était envoyé aux adversaires des grands travaux d'infrastructures ou d'aménagement du territoire.
Aujourd'hui, c'est sur un projet d'une tout autre nature que la décision du chef de l'Etat est attendue. Les élus locaux et les partenaires sociaux se retrouvent en effet pour dénoncer d'une même voix la cession des Chantiers de l'Atlantique, l'un des fleurons de l'industrie locale avec Airbus, au groupe italien Fincantieri.
Ainsi, dans un "cri d'alarme" paru dans "Les Echos" du 28 décembre, et clairement intitulé "Abandonnons la vente des Chantiers de l'Atlantique à Fincantieri", le maire PS de Saint-Nazaire, la présidente LR de la région des Pays de la Loire, le président PS du département de la Loire-Atlantique expriment leur inquiétude pour "une entreprise (qui) se retrouve prise au piège d'un agenda des pouvoirs publics qui n'avance pas" et qui est "surtout, sous la menace d'une emprise chinoise qui pourrait hypothéquer son avenir". Ils en appellent "au président de la République pour ne plus différer les décisions. Nous demandons à l'Etat, écrivent-ils, d'abandonner la vente des Chantiers de l'Atlantique à Fincantieri".
Engagé depuis plus de trois ans, ce projet de cession à Fincantieri de 50 % du capital des Chantiers de l'Atlantique, + 1 % supplémentaire prêté par l'Etat (avec cependant une possibilité de reprise, en cas de manquement du groupe italien à ses engagements contractuels), suscite désormais une opposition d'autant plus résolue que le groupe italien a décidé de s'allier avec le chantier naval chinois CSSC, et cela au moment même où le chantier chinois se lance dans la conquête du marché des grands paquebots. Il vient ainsi de prendre une commande auprès d'un armateur américain, "grâce à l'aide de Fincantieri et à un gravissime transfert de technologie", soulignent les élus de la région.
Or, depuis des décennies, c'est ce choix stratégique décisif des navires de croisière qui a été effectué, et couronné de succès, par le chantier nazairien. De l'immense cale de Saint-Nazaire, sont ainsi sortis : le Normandie, le France, le Sovereign of the Seas, le Paul Gauguin, le Queen Mary 2, le Celebrity Apex, pour n'en citer que quelques-uns, le dernier nommé ayant été livré le 27 mars 2020.
Si la vente des Chantiers de l'Atlantique au constructeur italien Fincantieri venait à se concrétiser, il est bien clair que les transferts de savoir-faire et de technologie envers la Chine feraient peser -tôt ou tard- une grave menace sur la pérennité du chantier nazairien, de ses emplois directs, mais aussi de tous les emplois indirects qu'il génère dans l'industrie régionale et les entreprises du Bâtiment qui interviennent à bord des navires. Au total, 8 000 emplois. Et, surtout, alors que les pouvoirs publics viennent d'annoncer la mise à l'eau, en 2038, du porte-avions appelé à succéder au Charles de Gaulle, comment imaginer que la construction de ce navire emblématique de l'indépendance de la France puisse intervenir, dans le meilleur des cas sur un site italo-chinois, dans le pire sur un site uniquement chinois, tant l'Empire du milieu tisse méthodiquement sa toile jusqu'en Italie et dans la vieille Europe ?
Parce qu'"il faut que la défense de la France soit française", suivant l'injonction du général de Gaulle, il faut par conséquent que la France dispose, par elle-même et pour elle-même, d'un chantier naval qui lui permette de construire, en toute indépendance, l'outil nécessaire à sa défense et à son rang dans le monde. Alors que le Charles de Gaulle avait été construit à Brest, le gouvernement a annoncé il y a quelques semaines que son successeur serait édifié à Saint Nazaire, seul chantier français susceptible d'accueillir la construction du nouveau porte-avions de 305 mètres de longueur.
Après le cri d'alarme des élus locaux, le ministère des Finances a fait savoir qu'"il a été décidé de prolonger le contrat d'achat et de vente d'un mois afin de permettre à la Commission (européenne) de finaliser son instruction et à Fincantieri de répondre aux dernières questions posées par la Commission". En l'occurrence, la cinquième prorogation ...
En Basse-Loire, l'opinion est unanime : les tergiversations ont assez duré, le temps de la décision est venu. Elle appartient au Président Macron, et à lui seul. S'il entend éviter la construction du fleuron de la Marine nationale sur un site industriel devenu propriété de l'étranger, s'il veut que la France garde son titre de leader mondial dans la construction navale, si -comme il s'y est engagé- il a véritablement pour ambition de faire retrouver à notre pays une souveraineté économique qu'il a progressivement perdue, alors la décision s'impose comme une évidence : les Chantiers de l'Atlantique doivent demeurer français, et continuer à être ce qu'ils sont depuis des décennies, la vitrine de notre capacité industrielle et de notre savoir-faire dans l'équipement et la décoration intérieure des navires de croisière.
Sur un plan plus général, le président de la République ne saurait méconnaître, une seconde fois en quatre ans, les intérêts vitaux d'un bassin d'activité et d'emploi majeur sur la façade atlantique.
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