Donbass, Ukraine : état sur la situation et opération militaire spéciale russe

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Catherine Roman, pour FranceSoir
Publié le 14 mars 2022 - 10:43
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Le comédien et candidat à la présidentielle ukrainienne Volodymyr Zelensky lors d'un entretien avec l'AFP sur les lieux du tournage d'une série télévisée à Kiev, le 6 mars 2019
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© Sergei SUPINSKY / AFP
Volodymyr Zelensky, alors comédien et candidat à l'élection présidentielle ukrainienne, à Kiev, le 6 mars 2019
© Sergei SUPINSKY / AFP

TRIBUNE — Au regard de la situation actuelle et des différentes informations parfois contradictoires et partisanes sur le conflit Donbass-Ukraine, il est temps pour chacun de se faire sa propre opinion face au déferlement médiatique en se posant des questions qui sont parfois sous-jacentes et historiquement non résolues depuis des décennies.

Conflit du Donbass, une guerre débutée il y a huit ans

1. Historique du conflit et accords de Minsk

Après l’Euro Maïdan, la présence de cinq ministres nazis dans le gouvernement de transition provoqua les référendums d’indépendance des oblasts de Donetsk et Lougansk. Les agissements des divers groupes nazis, notamment les bataillons Azov et Aidar ont été dénoncés dès 2014 à la Communauté Internationale par Reuters, le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Amnesty International... D’après les accords de Minsk signés le 12 février 2015, la France, l’Allemagne et la Russie s’engageaient à servir de médiateurs et Kiev s’engageait à accorder un statut spécial aux régions de Donetsk et de Lougansk. Ces mesures ont été approuvées par la résolution 2202 du Conseil de sécurité de l’ONU. De plus, V. Zelensky s’est fait élire président avec un programme de réconciliation avec la Russie et les russophones. Or, il a fait exactement le contraire de ses promesses électorales avec la persécution de la langue russe, des Russes et la mise en avant de héros nazis. Le ministère russe de la Défense a diffusé, le 9 mars 2022, des documents secrets de la garde nationale ukrainienne indiquant que cette garde nationale ukrainienne planifiait l’attaque des « séparatistes » du Donbass pour le 8 mars 2022. Dès le 24 février 2022, des officiels russes parlaient d’une attaque ukrainienne contre les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk prévue pour le 8 mars. L’imminence de cette attaque aurait conduit la Russie à reconnaitre en urgence l’indépendance de ces deux États.

2. Les nazis, la CIA et Blackwater (Academi) en arrière-plan

Le gouvernement ukrainien actuel inclut des forces célébrant ouvertement le nazisme, ce qui a poussé l’Ukraine (avec les États-Unis et le Canada) à voter aux Nations unies « contre » une résolution condamnant la glorification du nazisme (l’Union européenne s’est abstenue). Notons que durant la Seconde Guerre mondiale, entre 22 et 27 millions de Soviétiques sont morts (soit 13 à 16 % de la population) en combattant le nazisme. Historiquement, l’Ukraine a deux origines, l’une scandinave et l’autre slave. Les groupes qui se définissent comme « nationalistes ukrainiens » ne défendent pas l’Ukraine en tant que nation, mais s’opposent à toute personne d’origine slave. Le 21 juillet 2021, le président Volodymyr Zelensky a signé la loi sur les « peuples autochtones d’Ukraine » qui prévoit que seuls les Ukrainiens d’origine scandinave, ainsi que les Tatars et les Karaïtes ont « le droit de jouir pleinement de tous les Droits de l’homme et de toutes les Libertés fondamentales », privant ainsi les Ukrainiens d’origine slave des mêmes droits. Derrière la politique de Volodymyr Zelensky se trouvent dès le départ Washington, et localement Ihor Kolomoïsky, qui finance les groupes néonazis à partir de ses activités mafieuses tout en étant président de la Communauté juive d’Ukraine (Pandora Papers). Les institutions juives européennes soulignent d’ailleurs qu’elles ont exclu de leurs rangs le milliardaire Ihor Kolomoïsky en raison de ses liens avec la pègre et les néonazis. Il est à rappeler que M. Kolomoïsky était le producteur de l’acteur Volodymyr Zelensky avant que celui-ci ne devienne président.

Le 2 novembre 2021, le président ukrainien V. Zelensky a nommé le nazi Dmitro Yarosh, fondateur de l’Armée des volontaires ukrainiens, conseiller du commandant en chef des armées ukrainiennes, le général Valerii Zaluzhnyi. D. Yarosh est membre depuis longtemps des réseaux « stay-behind » de l’Alliance atlantique. Il était déjà chargé par la CIA de coordonner les groupuscules nazis et islamistes contre la Russie en 2007 durant la seconde guerre de Tchétchénie. Il joua un rôle central dans les événements de l’euro Maïdan, en 2014, à la tête du « Secteur Droit » et a dirigé le Bataillon Azov (milice néonazie). Depuis 2015, la CIA forme secrètement des groupes anti-russes en Ukraine selon un article récent de Yahoo News. Les républiques de Donetsk et Lougansk ont mentionné que l’armée ukrainienne avait déployé devant eux le bataillon Azov, brandissant des symboles nazis et commandé par l’autoproclamé « Führer blanc », le colonel Andrey Biletsky. Ces gens, encadrés par les mercenaires d’Erik Prince, fondateur de Blackwater, repabptisée Academi (entrepreneur privé agissant sur instructions de la CIA), menacent d’anéantir les russophones. Ce lien entre la CIA et nazisme n’est par récent, déjà durant la guerre froide, la CIA utilisait les nazis.

3. La population du Donbass à bout de patience en appel à la Russie

Au bout de sept ans, les accords de Minsk ne sont toujours pas appliqués. Face aux bombardements incessants de toute la ligne de front dans le Donbass comme l’ont constaté les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des quartiers résidentiels, du déploiement d’environ 150 000 soldats de l’armée et de la garde nationale ukrainiennes aux abords du Donbass (OSCE), la Russie a décidé d’agir afin de rendre l’armée ukrainienne inoffensive. Si la France, l’Allemagne, l’ONU avaient fait pression sur le gouvernement de Kiev pour appliquer les accords de Minsk, la situation n’aurait pas empiré au niveau actuel.

Les demandes répétées de la Russie restées « lettres mortes » à ce jour

1. Protéger les populations du Donbass et respecter les accords de Minsk

La Russie ne pouvait pas rester indifférente suite au génocide perpétué par le régime de Kiev. (documents sur les charniers de civils dans le Donbass remis à Washington). Cette population du Donbass a été à partir de 2014, la cible d’attaques militaires visant à l’éliminer complètement. Des accords d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle ont été signés à ce titre entre la Russie et des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk en même temps que la reconnaissance de l’indépendance de ces deux républiques. L’opération militaire russe a également permis de mettre hors service 11 bio-laboratoires US basés en Ukraine qui étaient financés par le Pentagone (programme DTRA). Les États-Unis développent des armes biologiques dans des laboratoires à travers le monde comme l’a montré l’enquête de la journaliste bulgare Dilyana Gaitandzhieva. Ces installations de « recherche biologique » ont été confirmées par Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État américaine pour les Affaires politiques, le 8 mars 2022.

Voir aussi : Les États-Unis confirment l’existence de laboratoires biologiques en Ukraine, la Russie exige des réponses

2. Dénazification et démilitarisation de l’Ukraine / régime de neutralité

La Russie n’a pas l’intention d’occuper l’Ukraine à long terme, mais cherche sa démilitarisation. L’armée russe a aujourd’hui un armement supérieur, aussi bien au plan conventionnel qu’au plan nucléaire, à celui des États-Unis (missiles Zircon, Avangard, etc.)

Les principaux pays de l’OTAN, afin de se rapprocher des frontières russes, n’hésitent pas à soutenir les néonazis. L’argument de la Russie face à cette volonté de l'OTAN est le même que John F. Kennedy avança lors de la crise des armes nucléaires à Cuba dans les années 60, mettant en péril la sécurité du peuple étasunien. Vladimir Poutine réclame ces mêmes droits pour le peuple russe.

3. Souhait d’un accord sur les principes de sécurité en Europe et non élargissement de l’OTAN

Les Russes, pendant des années, ont essayé de négocier un traité sur la sécurité en Europe. Cette question est essentielle pour la Russie qui fait face à une politique d’endiguement. La Russie reproche à l’Occident le manquement à sa promesse de ne pas étendre aux pays de l’Est l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Cette promesse a été publiée par le Spiegel, d’où il ressort clairement du document écrit que les Britanniques, les États-Unis, les Allemands et les Français ont convenu que l’adhésion à l’OTAN des candidats d’Europe de l’Est était inacceptable (document daté de 1991). Le secrétaire général de l’OTAN s’est donc trompé (ou a menti) sur le fait que l’Alliance « n’a jamais promis de ne pas s’étendre (à l’Est) ». Le 15 décembre 2021, la Russie a remis aux États-Unis un projet d’un Traité et d’un Accord pour désamorcer la tension croissante entre les deux parties, mais les réponses des États-Unis aux questions de fond mentionnées ont été superficielles.

Éléments du droit international et Charte de l’ONU

Le précédent du Kosovo et « autodéterminations sympathiques » pour les Occidentaux. Les « autodéterminations sympathiques » pour les Occidentaux sont celles qui vont dans leur sens, et qui sont encouragées. C’est le cas du Kosovo, pour lequel de nombreux pays ont reconnu son indépendance alors qu’il n’y a eu aucun référendum justifiant son indépendance vis-à-vis de la Serbie. Il est à noter qu’en 2015, la Russie a dissuadé Donetsk et Lougansk de demander leur indépendance, indépendance souhaitée suite au coup d’État en Ukraine de 2014. C’est, entre autres, la non-application par Kiev des accords de Minsk depuis sept ans, accords signés par Kiev et validés par Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 2202) qui a conduit la Russie à reconnaître les Républiques de Donetsk et Lougansk le 21 février 2022.

Le droit international a également été mis à mal avec des recours illégitimes à la force militaire en Irak, Libye et Syrie sans parler des sanctions illégales appliquées à différents pays. Ces différentes actions principalement liées aux États-Unis ont favorisé le développement du terrorisme au niveau international. 

L’OTAN contraire à la Charte de l’ONU ? L’OTAN semble violer les principes de souveraineté et d’égalité des États inscrits dans la Charte des Nations Unies. Ce n’est pas une confédération comme aujourd’hui l’Organisation du Traité de Sécurité Collective. C’est une organisation dans laquelle les États-Unis dirigent ce qui s’oppose à la Charte des Nations Unies qui prévoit que tous les États sont indépendants et égaux entre eux.

Impacts potentiels de la crise

1. Sur la Russie

Depuis la proclamation de l’indépendance des Républiques populaires du Donbass et le rattachement de la Crimée à la Russie en 2014 suite au coup d’État à Kiev, les sanctions illégales (non validées par le Conseil de sécurité de l’ONU) se multiplient.

En réponse à l’élargissement de l’OTAN près de ses frontières, il ne serait pas étonnant que la Russie souhaite développer ses bases militaires à l’étranger, et notamment près des côtes étasuniennes. La réponse américaine au déploiement potentiel de troupes russes à Cuba et autres pays d’Amérique Latine est assez paradoxale. Les États-Unis n’ont pas hésité à qualifier de réponse « décisive » à attendre de leur part à cet éventuel déploiement. À ce titre, il y aurait donc deux poids, deux mesures, les États-Unis envoyant de plus en plus de troupes sur le continent européen près des frontières russes.

La Russie a réduit ces dernières années ses réserves en dollars et de façon drastique ses avoirs en Bons du Trésor américains en faveur, entre autres, de l’or et du yuan.

Depuis les sanctions de 2014, Vladimir Poutine a désendetté la Russie et accumulé les réserves de change, ce qui permettrait à la Russie de vivre de façon autonome de longs mois en dépendant de moins en moins de l’Occident. Le pays a mis en place une politique de substitution aux importations étrangères.

Sanction du Nord Stream 2 : l’avenir du gaz russe semble de plus en plus orienté vers l’Asie avec Force Sibérie 2 dont la construction devrait débuter en 2024. À noter : le gaz destiné à Force Sibérie 2 proviendra des mêmes champs qui approvisionnent actuellement le marché de l’Union européenne. La Russie a plusieurs fois noté que le projet de gazoduc Nord Stream 2 est purement commercial et profite à toutes les parties prenantes.

La Russie sait depuis sept ans que les gouvernements occidentaux menacent de déconnecter les banques russes du réseau SWIFT (qui est une société de droit belge et qui se présente comme neutre et fiable entre autres). Entre-temps, les Russes ont développé leur propre réseau, le SPFS, qui pourrait fusionner avec le réseau chinois CIPS.

2. Sur l’Union européenne

L’Union européenne semble avoir suivi les États-Unis sans se soucier de ses propres intérêts et de celui du peuple européen

Le gaz : il assure au total 22 % des besoins énergétiques du Vieux Continent, tous types de consommation confondus. La vigoureuse reprise économique de sortie de crise sanitaire a stimulé la consommation de gaz pour les industriels et producteurs d’électricité. Le problème est que l’Union européenne importe de plus en plus son gaz sur fond de diminution de sa propre production (40 % du gaz européen provient de Russie). Selon Mike Fulwood, chercheur à l’Oxford Institute for Energy Studies, il n’y aurait pas assez de capacité de production dans le monde. Les cycles d’investissement sont longs (il faut trois à quatre ans au minimum pour construire une unité de GNL). Entre-temps, les besoins augmentent notamment en Asie et en Europe suite à la fermeture de centrales à charbon. Au niveau écologique, il est également à noter que l’extraction d’énergies de schiste se révèle être extrêmement polluante en particulier pour les nappes phréatiques.

En période de fortes dépenses médicales et sociales adoptées par les gouvernements de l’Union européenne, la population sur décision de l’OTAN se verra également infliger une forte augmentation de ses dépenses militaires au détriment du secteur productif et social.

Autres sanctions possibles ciblées. Par exemple, en réponse aux sanctions occidentales, la Russie a décrété en 2014 un embargo sur les importations agricoles et alimentaires venues de l’Union européenne, des États-Unis...

3. Sur l’Ukraine

Trente ans après son indépendance, l’Ukraine n’a toujours pas retrouvé la richesse qu’elle avait avant l’effondrement de l’Union soviétique, et ce, malgré l’aide internationale à travers un programme du FMI notamment qui a été octroyé. L’Ukraine fait face à un niveau élevé de corruption, à des problèmes de gouvernance et de respect du droit (« L’amélioration de la gouvernance et de l’État de droit est une priorité essentielle » selon les déclarations en novembre dernier d’Antoinette Sayeh, l’une des directrices adjointes du FMI). En 2019, son PIB par habitant restait inférieur de 20 % par rapport à son niveau de 1990. L’impact économique et social de la dépense militaire actuel est préjudiciable à la population ukrainienne. L’Ukraine sera-t-elle victime de la doctrine Rumsfeld / Cebrowski ?

En conclusion, compte tenu de la situation, il apparaît qu’une solution diplomatique équilibrée reflétant les intérêts et préoccupations de chacune des parties est souhaitable. Il est toutefois à noter que cette solution devrait être appliquée à court terme et de façon pérenne par tous en tenant compte de l’historique du conflit.


Catherine Roman est française et a vécu quelques années en Russie (Moscou et Saint Pétersbourg). Elle travaille dans le secteur des chiffres et se passionne pour la géopolitique et l'intelligence économique

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