Dites-nous, monsieur le Président ! Questions au Président Macron

Auteur(s)
Alain Tranchant pour FranceSoir
Publié le 23 novembre 2020 - 09:38
Mis à jour le 24 novembre 2020 - 18:31
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Emmanuel Macron à l'Elysee le 17 novembre 2020
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© Ludovic MARIN / POOL/AFP/Archives
Emmanuel Macron
© Ludovic MARIN / POOL/AFP/Archives

Tribune : Mardi soir, vous allez intervenir à la télévision à propos de la pandémie de la Covid-19.

 

Comme toutes les Françaises et tous les Français, j'espère ardemment que vous allez nous rendre les libertés que vous nous avez confisquées, en particulier la liberté du commerce et la liberté d'aller et venir, de circuler.

 

Comme beaucoup de Françaises et de Français, je souhaiterais aussi vous entendre sur différents sujets liés à cette pandémie.

 

En premier lieu, sur la mortalité de la maladie.

Le 9 juillet dernier, votre Ministre de la santé n'hésitait pas à déclarer : "Ce que nous montrons depuis douze semaines, c'est que la France est prête à empêcher une seconde vague".

Vous-même indiquiez le 14 juillet : "Face à la crise, nous avons tenu bon", et trois mois plus tard vous insistiez : "En termes de mortalité, la France a tenu le choc".

Pensez-vous vraiment que les faits vous aient donné raison ?

 

Alors que seul le Rhin nous sépare de l'Allemagne, croyez-vous que la France puisse soutenir la comparaison avec son voisin ?

 

A la date du 20 novembre, 13 918 décès outre Rhin pour 83 millions d'habitants. 48 265 décès en France -soit 34 347 de plus, tout de même ! - pour une population de seulement 67 millions d'habitants. En d'autres termes, 167 décès par million d'habitants en Allemagne ; 720 en France, soit 4,3 fois plus.

 

Comment expliquez-vous cette différence, qui ne peut pas seulement tenir au tempérament des "Gaulois réfractaires" ?

Ne pensez-vous pas y avoir quelque responsabilité en niant l'arrivée du tsunami en janvier-février, en ne mobilisant pas le pays pour y faire face ?

Et estimez-vous toujours - sauf à nous comparer aux plus mauvais élèves de la classe, dont nous ne sommes guère éloignés - que "nous avons tenu bon" ?

 

Deuxième sujet : le traitement de la maladie.

Votre gouvernement est peu bavard sur cette question, quand ce n'est condescendant.

Puisque l'on est toujours rattrapé par les paroles prononcées, et c'est bien naturel, surtout quand l'on se trouve au sommet de l'Etat, le 14 juillet vous avez dit à propos de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine : "Peut-être que, dans deux mois, on verra si c'est le bon traitement".

Votre Premier Ministre a été interrogé sur ce point lors d'une Commission spéciale de l'Assemblée Nationale le 17 novembre. De manière plus que laconique, il a eu ces paroles stupéfiantes : "Vous avez parlé d'un traitement précoce, je ne sais pas de quoi vous parlez, en tout cas je n'en connais pas".

Ce n'était pas tout à fait au niveau du "Sortez d'ici !" lancé par votre Ministre de la santé à un Député dans l'hémicycle du Palais Bourbon, mais c'était de la même veine.

Quoi qu'il en soit, puisque vous avez rendu visite au Professeur Raoult en avril et que, de ce fait, vous savez que ce traitement existe, quelle est aujourd'hui votre opinion ? 

 

Troisième sujet, et qui découle du précédent : le conflit qui oppose votre Ministre de la santé à l'IHU Méditerranée Infection.

La réponse réservée à un journaliste par M. Véran, lors d'une récente conférence de presse, ne laisse guère de place au doute : une intervention ministérielle auprès du laboratoire Sanofi et de l'Agence de sécurité du médicament a entraîné l'arrêt des livraisons de Plaquenil à cet Institut.

Au demeurant, le Plaquenil est l'un des deux médicaments les plus utilisés dans l'histoire de la médecine, vieux de 70 ans, en vente libre dans nos pharmacies jusqu'en janvier 2020 ( 1,2 millions de boites vendues, soit 36 millions de comprimés, pour la seule année 2019 ! ). Et, d'un seul coup d'un seul, le Plaquenil serait devenu un poison !

Donner crédit à une telle affabulation reviendrait à dire que, pour avoir laissé ce médicament en vente libre, sans ordonnance, tous les Ministres de la santé qui se sont succédé depuis des décennies étaient de dangereux irresponsables, pour lesquels il ne saurait y avoir ni prescription, ni amnistie.

 

Alors que vous êtes amené à prendre tant de décisions et à exercer un pouvoir de plus en plus personnel, ne pourriez-vous pas intervenir auprès de votre Ministre de la santé pour mettre un terme à cette situation d'autant plus inacceptable que, tous les jours, la liste de nos morts s'allonge ? Comment refuser de voir que des vies auraient pu être sauvées, ailleurs qu'à Marseille, si le protocole de l'IHU avait été appliqué à des patients au début de la maladie ? Pour reprendre les mots du Professeur Parola : "Aurait-on eu la même catastrophe sanitaire si les médecins de famille avaient pu soigner" ?  

 

Dernier sujet, le plus grave, du moins au plan de l'éthique, comme de l'impartialité et de l'indépendance de l'Etat : la révélation intervenue ces derniers jours concernant votre Conseil scientifique.

Déjà, l'on savait que certains membres de ce Conseil avaient des liens d'intérêts avec des laboratoires. La presse en a parlé à de nombreuses reprises, des scientifiques aussi. Et cela sans que jamais le moindre démenti ne leur soit opposé.

On vient d'apprendre par l'homme le plus vilipendé du "médicalement et politiquement correct", celui qui n'a eu qu'un tort : dépister, soigner et guérir, se battre contre la maladie et gagner des batailles (mortalité divisée par deux en EHPAD), on vient donc d'apprendre qu'en votre présence, au Palais de l'Elysée, le Directeur d'un laboratoire et un membre de votre Conseil scientifique n'avaient "qu'une seule chose à la bouche : il faut essayer de tester le Remdesivir" dans le traitement de la Covid-19.

 

Ce Remdesivir dont l'Organisation Mondiale de la Santé vient, vendredi 20 novembre, de recommander qu'il ne soit pas utilisé dans le traitement des malades atteints de la Covid-19, son effet sur la maladie n'étant pas démontré et "d'importants effets secondaires "pouvant apparaître.

 

Le Professeur Raoult, puisque c'est de lui qu'émane l'information, précisait sur une chaîne de télévision que la boîte de Plaquenil est vendue 8 euros, tandis que le traitement au Remdesivir coûtait 3 500 dollars ...

 

Dans ces conditions, est-ce que vous pourriez, Monsieur le Président de la République, reprendre à votre compte cette belle formule, et nous dire que vous êtes à la tête d'"un Etat dans lequel ceux qui ont l'honneur et la charge d'agir au nom de la France le font sans subir d'influences autres que celles de leur devoir" ?

 

Oui, pouvez-vous nous affirmer que, dans le rejet par votre gouvernement du protocole hydroxychloroquine - azithromycine, aucune "influence" n'est intervenue ?

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