Colonisation : d'Emmanuel Macron à Charles de Gaulle et Christian Fouchet

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Alain Tranchant, pour FranceSoir
Publié le 20 octobre 2021 - 17:01
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L'Avis Tranchant d'Alain
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M. Macron sur le chemin de la repentance et de l'excuse
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CHRONIQUE - Sur le chemin de la repentance et de l'excuse, M. Macron me donne le sentiment de chercher à grandir son personnage en rabaissant la France.

En février 2017, déjà - et il n'y a ni prescription, ni amnistie ! - M. Macron affirmait résolument que "la colonisation est un crime contre l'humanité", "une vraie barbarie", et appelait à présenter "nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes".

Ces jours derniers, il a reconnu "les crimes inexcusables" commis par la République contre des manifestants algériens le 17 octobre 1961 à Paris, sans oser toutefois prononcer le nom du général de Gaulle. Et, dans son entourage, si l'on en croit certains échos de presse, on annonce la poursuite en 2022 de ce "chantier mémoriel" pour le 60ᵉ anniversaire du 19 mars 1962, qui marque la fin de la guerre d'Algérie, commencée à la Toussaint 1954.

M. Macron feint d'ignorer, d'abord que la colonisation a correspondu à un moment de l'Histoire du monde, ensuite que la France était en guerre en 1961. Par définition, une guerre n'est jamais belle, et il est facile de jouer les redresseurs de torts 60 ans après. Le chef de l'État oublie-t-il que les gouvernements de la IVᵉ République n'avaient su ni faire la guerre, ni faire la paix, et que la France s'est trouvée, alors, au bord de la guerre civile ? Du reste, sans cette "affaire" algérienne, comme on disait à l'époque, jamais le général de Gaulle ne serait revenu au pouvoir.

Pour répondre à M. Macron, je fais appel à un grand témoin, à l'homme que le général de Gaulle a nommé Haut-Commissaire en Algérie au lendemain des accords d'Évian du 19 mars 1962, et pour 105 jours à haut risque.

J'ai donc relu les 60 pages que Christian Fouchet consacre à la "fin des Empires" et à "Algérie 1962" dans le premier tome de ses "Mémoires d'hier et de demain" : "Au service du général de Gaulle". Et, j’en retiens ses adieux à l'Algérie, enregistrés pour la télévision le 30 juin 1962.

À l'évidence, les propos de Christian Fouchet se situent à un niveau plus élevé que les jugements péremptoires et définitifs de M. Macron. En voici l'essentiel, qui donne une autre idée de la colonisation :

« Ce n'est pas sans émotion, déclarait Christian Fouchet, que je m'adresse à vous, sans doute pour la dernière fois, et le dernier de ceux que la France, depuis 132 ans, sous l'ancienne monarchie, la monarchie de Juillet, le Second Empire et la République, a lourdement chargés de la responsabilité de cette terre d'Afrique. [...]

Car, demain, le peuple algérien va décider de son destin et personne ne doute de la réponse : l'indépendance et la coopération avec la France. [...]

Au travers du tumulte des foules, des douleurs des hommes, de l'épreuve de deux peuples, la guerre d'Algérie, ce drame navrant, sanglant et passionné, touche à son terme. [...]

Et, avec elle, parce qu'elle n'avait plus sa place dans le monde moderne, prend fin, parfois meurtrière, mais plus souvent riche et féconde, une des plus grandes entreprises de colonisation de l'Histoire humaine. [...]

Parfois meurtrière, ai-je dit et ma pensée ira d'abord aujourd'hui aux morts ; les crimes, il faudra bien les oublier un jour. Mais les morts ! Aucun d'entre eux, et quels qu'ils furent : ceux du siège de Constantinople il y a 125 ans, soldats de Bugeaud, guerriers d'Abd-el-Kader ; turcos, tirailleurs et spahis en 1870, 1914-1918, 1939-1945, morts pour la France, et puis tous ceux du drame qui s'achève. Unissons-les dans les mêmes prières ; parfois dans les mêmes cimetières et sous les mêmes mausolées ; tous, ceux qui sont morts pour la France et ceux qui ont combattu les uns contre les autres sur cette même terre, parce qu'ils aimaient également cette même terre. [...]

Mais, détournons cependant nos yeux des œuvres des morts et tournons-les vers les œuvres de vie. Ne pensons plus aux combats entre les hommes, mais au combat des hommes contre les choses ; pensons aux grands moments, aux grandes périodes de la fraternité franco-musulmane. [...]

L'Algérie en 1830, autant qu'on puisse juger, comptait 3 millions d'habitants ; elle en compte aujourd'hui 10 millions. [...]

Ces chiffres ont un sens. Comme a un sens la grande œuvre d'assainissement et de mise en valeur de tant de terre, d'assèchement de tant de marais, de modernisation économique et industrielle de tout un peuple. Pour cela aussi, des hommes sont morts, venus de Paris, de Marseille ou d'Alsace-Lorraine. Mais, ils sont morts côte à côte avec les Musulmans et pour que tous, aidés par la France, vivent mieux. [...]

Qui dira qu'ils n'ont pas réussi ? L'Algérie n'a jamais été aussi vaste qu'aujourd'hui, prolongée par les immensités sahariennes fécondées par la France. Elle n'a jamais joui de pareilles richesses, richesses immenses qui vont profiter d'abord à elle-même. Malgré les épreuves récentes, le nouvel État qui va naître, doté d'écoles, d'aérodromes, de dispensaires et de laboratoires, c'est vers la coopération franco-algérienne qu'il faut le tourner ; c'est pour son intérêt et son harmonie. »

Christian Fouchet concluait : "Oui, ce n'est pas sans émotion que je viens de vous parler. Mais, en jetant un regard en arrière, sur cette longue période, en voyant toute l'œuvre accomplie hier et aujourd'hui, ce n'est pas non plus sans fierté".

Sans aucun doute, je préfère l'émotion et la fierté de Christian Fouchet à la repentance et aux excuses de M. Macron. "C'est bien, Christian Fouchet, lui avait dit le général de Gaulle, au moment de l'envoyer à Alger pour une mission des plus difficiles et périlleuses. Vous êtes un homme public qui servez l'État".

Me tournant vers M. Macron, j'ai envie de lui demander si la meilleure façon de servir la France, ce n'est pas de parler au peuple français de son avenir, plutôt que d'un passé qui, de toute manière, est ce qu'il est et nul n'y changera rien.

Enfin, si l'œuvre du général de Gaulle ne lui convient pas, alors il lui faut faire preuve de cohérence et enlever la croix de Lorraine de l'emblème de sa présidence.

 

Alain Tranchant est ancien délégué départemental du Mouvement pour l'Avenir du Peuple français (présidé par Christian Fouchet)

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