Le temps de la science

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Xavier Azalbert, directeur de la publication de FranceSoir
Publié le 12 février 2021 - 15:30
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Et pourtant, elle tourne.
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EDITO

Depuis l’annonce du Pr Raoult en mars 2020 au sujet du traitement précoce contre la Covid-19, la bithérapie, trithérapie ou cocktail de médicaments en phase précoce afin de renforcer les défenses immunitaires et de prévenir l’inflammation sévère (orage de cytokines), l’hydroxychloroquine, l’azithromycine, le zinc, les vitamines D et C, l’ivermectine ont fait couler beaucoup d’encre, alimenté beaucoup de débat sur les plateaux télévision, donné lieu à beaucoup d’études publiées, ainsi qu'à de nombreux communiqués de presse des laboratoires.

L'hydroxychloroquine. Jamais une molécule n’aura déclenché une telle polémique, enflammé les dîners en villes, opposé des camps de médecins et scientifiques en France et dans les pays occidentaux. Chacun y allant qui de sa question, qui de sa croyance, qui de son « je suis sûr ». Mais la science n’est pas faite de cela. Son timing n’est pas le même que celui d’une épidémie ou de la politique politicienne. La science a un calendrier différent qui dépasse tous les clivages traditionnels des frontières, des religions, des croyances, et des liens d’intérêts.

Revenons un instant sur le traitement précoce. Il paraît de bon sens que pour prévenir le pire, on fasse usage d’un traitement précoce. On peut d'ailleurs étendre ce principe à d'autre domaine où l'obscurantisme sévit. Il est inscrit dans nos principes fondamentaux que l’éducation est un traitement précoce contre la pauvreté : le FMI appelait déjà en 2015 à « améliorer l’éducation pour échapper à la pauvreté ». Quand une personne se coupe le doigt, elle fait usage d’un désinfectant anti-microbien pour éviter l’infection avant de mettre un pansement comme protection ou barrière. En cas d’infection, elle peut faire appel à un antibiotique afin d’endiguer la maladie. Jusque-là, rien d’anormal que d’utiliser un traitement précoce afin de prévenir, car mieux vaut prévenir que guérir. Ainsi, tout le monde entendra qu’il vaut mieux apprendre à lire et à compter en vue de ne pas sombrer dans la pauvreté... Dans le cadre de la Covid, malgré les efforts dans les études en phase précoce, une constante apparaît, les plus grands experts en infectiologies le disent, les pays comme l’Inde utilisent des traitements précoces avec succès. Les épidémiologistes l’écrivent et le publient dans des revues à comité de lecture. Le traitement précoce au travers d’un cocktail de médicaments fonctionne.

Cependant, soi-disant aucune étude clinique « gold standard » (randomisée en double aveugle contrôlée avec un groupe placebo) ne le démontre. Le ministre de la Santé et le premier ministre l’ont confirmé à plusieurs reprises «il n’y a pas de traitement précoce qui fonctionne ». Le jour de l’audience au Conseil d’Etat dans la requête de Me Teissedre sur l’ivermectine, M. Alban Dhanani directeur par intérim de la direction des vaccins, des médicaments anti-infectieux de l’ANSM l’a même déclaré au juge « il n’y a pas de traitement précoce ». Tour à tour, les agences nationales de santé et du médicament, le HCSP (Haut Conseil à la santé publique) le HAS (Haute autorité de santé), le CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins), la société savante d’infectiologie (SPILF) l’ont déclaré : « il n’y a pas de traitement précoce contre la Covid ». Le Dr Peiffer Smadja, un jeune infectiologue, le crie haut et fort, de façon plus que diffamatoire, sur les réseaux sociaux « le protocole de traitement précoce est dangereux, les médecins qui l’utilisent sont criminels ». Le Dr Karine Lacombe l’a répété à maintes reprises sur les plateaux télévisés, sans argumentation contradictoire, cautionnés par les directeurs de la publication des divers médias « mainstream », que ce soit BFMTV, Libération, Le Monde, l’AFP. Bref, pour le monde entier il n’y a pas de traitement précoce qui fonctionne. « Traitement précoce end of story ».

Pourtant certains autres sont prompts à faire valoir que l’absence officielle de traitement précoce arrange les laboratoires afin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché pour un vaccin. L’ANSM le dit sur son site, la FDA (Federal Drug Administration) aux Etats Unis le dit aussi, « il ne faut pas qu’un traitement existe ». Spéculation ou complotisme, diront les détracteurs pro-vaccination.

La science n’appartient à personne. Nous ne sommes plus au Moyen-Âge où croyance et science étaient gouvernées de concert. Nous sommes à l’heure ou la science doit éclairer et amener réponse à certains débats. Parfois sous des calendriers différents.

La « fervente opposition » de certains aux traitements précoces n’aura pas échappée au grand public abassourdi devant la multiplicité d’arguments d’autorité professés par des médecins comme Karine Lacombe et consorts de façon pontifiante : « le débat sur l’hydroxychloroquine est tranché, on passe à autre chose ». Voilà ce que l’on devrait croire, à entendre beaucoup de journalistes ou de très nombreux médias. De même, les investigateurs en chef de l'étude britannique Recovery ont mis fin aux espoirs de l’hydroxychloroquine le 5 juin 2020, après la rétractation de l’étude frauduleuse du Lancet du Dr Mehra, de la Harvard Medical School. A l’époque, le Collectif citoyen de France Soir se doutait que l’étude du Lancet était l’arbre qui cachait la forêt. Il fallait regarder ailleurs et chercher la « vraie étude ».

En France, l’IHU du professeur Raoult pouvait paraître isolé, cependant la science n’a pas de frontière et c’est bien à l’étranger en Inde, en Argentine, au Brésil, en Afrique, en Asie que les médecins échangent leur expérience et utilisent des traitements précoces qui donnent des résultats. Le Collectif Santé Libre, formé de 30 000 médecins généralistes a présenté un protocole pour divers types de patients. Il se sont fait rabrouer, insulter et criminaliser sur Twitter par le Dr Peiffer-Smadja. Triste cirque médiatique et des réseaux sociaux qui n'amplifie que la haine et le pire. La science ne se fait pas sur les plateaux de télévision, mais dans le calme et la sérénité des laboratoires, ou des hôpitaux avec des patients que l’on doit soigner. Croyez-vous que les médecins qui traitent leurs patients en préventif le font à mauvais dessein ?

Revenons à l'étude Recovery conduite sur des patients hospitalisés en phase avancée. Le principe d’un traitement précoce est d’éviter l’aggravation d’une maladie, de prévenir afin d’éviter l’hospitalisation. On peut encore considérer avec raison que désinfecter une plaie pour prévenir un début d'infection diminuera le risque d’infection généralisée en permettant au système immunitaire de faire mieux son travail.

Recovery a administré de l’hydroxychloroquine à des patients à un stade assez avancé de la maladie à des doses toxiques (2400 mg les premières 24h). Cela avait provoqué la réaction de l’Indian Council of Medicine qui avait envoyé un courrier à l’Organisation Mondiale de la Santé en avril 2020. Courrier ignoré. Du racisme scientifique, comme nous dit le Dr Andrew Hill à propos des pays à faible revenu qui n’ont pas les moyens de faire des études Gold Standard ; de l’aveuglement ? Idem pour l’IHU-Méditerranée qui s’était élevé contre ce surdosage ou le professeur Perronne qui nous disait le 6 juin que l’investigateur en chef Martin Landray avait probablement confondu deux maladies. « Cet homme, qui se dit médecin, est incompétent et dangereux. Il faut dénoncer ce scandale.». Le Vidal, la bible médicale française le dit aussi, le surdosage commence au-dessus de 25 mg/kg chez l'adulte. et en cas d'intoxication grave il faut une prise en charge pré-hospitalière rapide (urgence) avec un lavage d’estomac et soutien cardiaque par adrénaline et ventilation assistée. 

Et pourtant aucun des médecins des plateaux de télévision, aucun journaliste scientifique n’en a parlé. Cette information capitale est passée à la trappe. A France Soir, nous avons continué à investiguer tour à tour regardant le protocole d’administration de l’HCQ, la justification approximative du dosage de l’HCQ dans cette étude (dont seule une étude celle de Borba au Brésil, avait un dosage supérieur et a entrainé que les chercheurs et médecins soient aujourd’hui sur le banc de accusés). Nous avons aussi obtenu les documents de régulation administrative (caviardés) sur Revovery au travers du Freedom of Information Act qui au Royaume-Uni est l'équivalent de notre système de CADA :commission d’accès aux documents administratifs. Le temps de la science n’est pas celui des médias et nous écrivions que les investigateurs principaux de l'essai devraient un jour répondre de leurs actes devant la justice avec a minima une commission d’enquête indépendante. Nous n’avons eu de cesse de dénoncer ce scandale. Nous avons analysé dans le moindre détail le sudoku scientifique que Recovery représentait en utilisant des techniques mathématiques avancées pour démontrer les problèmes et la fausseté de cette étude. Les investigateurs de Recovery n’auront eu de cesse de masquer leurs erreurs en présentant des informations parcellaires et incomplètes. Ce n’était pas de la science. Cette mise en question nous a valu un "fact-checking" erroné de Libération qui s’essaya à justifier les dires de Martin Landray sur le dosage en faisant parler son investigateur principal adjoint, Peter Horby, à sa place.

L’aveuglement collectif vers une solution vaccinale incertaine et non prouvée n’aura échappé à personne. La vaccination est un des traitements à prendre en considération dans la gestion d’une épidémie virale. Cependant, cela est incertain comme par exemple pour le vaccin contre la grippe au taux d’efficacité variable, et surtout vu le temps de développement long pour tester l’innocuité d'un vaccin. Cependant la terre tourne bien autour du soleil, elle est bien de forme ronde, certaines croyances ont pris du temps à faire leur chemin pour être remplacées par des faits. Et pourtant des vies ont été sacrifiés sur l’autel des croyances.

Mais revenons à l'étude multi-bras Recovery avec ses 12 000 patients enrôlés pour évaluer sept traitements, un nombre important qui devait permettre d’avoir la puissance statistique requise. Puissance statistique n’entraîne pas absence d’erreur. Le rapport scientifique présenté au Conseil d’Etat italien sépare les études en deux groupes : celles pour les patients en phase précoce et celles pour les patients à l’hôpital. Il conclut que les signaux d’efficacité sont présents. Et même s’ils étaient contestés ou contestables par manque de puissance statistique, le rôle du régulateur n’est pas d’empêcher un traitement sur la base d’une généralisation, mais l’Etat a bien conféré une ordonnance au médecin. Le choix repose donc sur le médecin qui est compétent dans ce cadre-là. Première victoire donc pour le traitement précoce devant un tribunal. Bien des pays qui n’ont pas de structures administratives complexes de régulation, nous envient notre infrastructure hospitalière car la leur est spartiate. Cependant, les médecins de ces pays agissent avec leur bagage scientifique en respectant le serment d’Hippocrate.

La science est faite de rebondissements et, ce jour, nous apprenons que le Docteur Lacout, le Dr Lounnas et le Professeur Perronne ont publié une « letter of concern » (lettre de signalement d'un problème) dans un des plus prestigieux journaux, le New England Journal of Medicine (NEJM), indiquant que l’étude Recovery a fait usage de dose toxique d’hydroxychloroquine pouvant avoir entraîné l’aggravation de la maladie ». Un travail de longue haleine puisque entre le moment ou le Professeur Perronne déclarait dans nos colonnes ce problème et sa publication il s’est écoulé huit mois et demi. Cette lettre a été revue par des pairs, un comité de lecture formé de médecins et scientifiques internationaux ; ce débat a dépassé le cadre de la France. La science a parlé.

 

Ce que dit cette lettre Le « SURDOSAGE DANS L’ETUDE RECOVERY A PU CAUSER DES DECES TOXIQUES » disent les auteurs.

Les conséquences de cette lettre

Cela veut dire que l'essai Recovery conduite sur des patients hospitalisés a fait un usage excessif d’HCQ entraînant un surdosage qui à des niveaux peut être considéré comme extrêmement toxique (voire mortel sur des sujets âgés ou affaiblis) par le Vidal. Nos autorités ayant pris la décision de bannir l'HCQ  sur la base de cette étude doivent donc revoir leurs jugement. Rappelons que cette lettre a été revue par des pairs et qu’il ne s’agit plus ici d'en débattre et il a fallu quatre mois pour que le temps de la science passe et que cette lettre soit publiée. Le NEJM est un des journaux les plus prestigieux.

Comment avez-vous fait?

« Seul le journal FranceSoir qui a interviewé un des investigateurs Martin Landray a soulevé le surdosage et la mort potentielle par surdosage. J’avais d’ailleurs apporté un commentaire dans un article de juin ou j’expliquais que le Dr Landray avait sûrement confondu les dosages pour diverses maladies. 2400 mg les premières 24h, c’est criminel. ».

« Par la suite, les experts de FranceSoir avaient fait un travail d'investigation scientifique pour établir les  documents démontrant une grave erreur au niveau dosage ainsi que des incohérences mathématiques dans l’analyse des données de survie de l'essai Recovery » « Tout cela pour dire que leur travail a été déterminant dans l’analyse du sur dosage. Sans oublier le ministère de la Santé indien qui avait envoyé une lettre à l’OMS sur ce surdosage sans qu’elle ne soit suivi d’effet » rajoutent les auteurs.

Quelles sont les conséquences pour la science médicale?

La science médicale a ici pris le temps nécessaire pour affirmer une vérité, les auteurs déplorent le fait que les scientifiques et médecins ne se soient pas saisis de ce problème comme ils l’ont fait pour l’étude du Lancet »

Quelles conséquences pour les agences gouvernementales ?

Elles sont très importantes, car l’étude Recovery est utilisée partout pour expliquer qu'un essai randomisé à grande échelle, conduit exclusivement sur des patients hospitalisés, est supposé avoir démontré l’inefficacité de l’HCQ. Les agences qui sont habituellement si promptes à regarder les problèmes de pharmacovigilance ou les effets secondaires devront prendre cela en considération.

Si elles persistent sans modifier leurs conclusions, cela voudra dire qu'elle commettent une faute grave en persistant dans l'erreur .

Les autres conséquences porteront sur les méta analyses qui ont inclus cette étude. Elles devraient en principe être revues, amendées ou retirées. Ce point est d'autant plus crucial que Recovery est la seule étude randomisée conduite exclusivement sur patients hospitalisés. Par exemple, dans l’étude de Fiolet et al., montée en épingle par la presse, le surdosage n’a pas été considéré comme un problème.

En conclusion, l’ANSM devrait revoir sans tarder sa position sur le règlement temporaire d’utilisation demandé par une multitude de praticiens y compris à l’IHU du Pr Raoult. Contactée ce jour pour évoquer ce sujet, l’ANSM n’était pas disponible pour répondre. L’Inserm qui par l’intermédiaire de Dominique Costagliola, Directrice de Recherche, a adoubé l’étude Fiolet devrait aussi revoir sa position sur la fiabilité de cette étude qui a été contestée depuis le début.

Le temps d’en tirer les conséquences commence. Tout d’abord pour les médecins et les patients, puis pour les agences administratives (ANSM, HCSP, HAS, Conseil Scientifique), puis pour les directeurs de publication des médias qui devront sans nul doute revoir leur position afin de s’assurer que le message communiqué au grand public soit correct.

La France historiquement reconnue comme le pays de la liberté d’expression, vient d’être récemment déclassé au rang de démocratie défaillante par The Economist. Avec cette lettre parue dans une prestigieuse revue internationale, la science et médecine française démontrent que sur le plan international, le débat n’est plus oblitéré.

La science est un sport de combat, titre le professeur Raoult.

Chez FranceSoir nous demandons à voir comment les médecins, chroniqueurs journalistes, administrateurs vont commenter ce round.

Erreur ou Faute ?

« La faute due à une erreur répétée est difficilement pardonnable ».

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