Pénurie de carburant, grèves et blocages font planer une menace sur l'embellie économique
"Si nous ne roulons pas... la France s'arrêtera": le durcissement du mouvement contre la loi Travail, avec le blocage de dépôts de carburants, fait craindre un ralentissement de l'activité, au moment où le pays entrevoit une embellie sur le front économique.
Avec un mouvement prenant de l'ampleur, des journées de grève qui se succèdent, six raffineries sur huit au total au ralenti ou à l'arrêt, des pénuries d'essence aux stations-services, et de violents heurts au cours des manifestations, l'activité de certains secteurs commence à accuser le coup.
En première ligne: les entreprises du transport routier, confrontées à des difficultés d'approvisionnement en carburant.
"Ca commence à être critique. Nous avons fait le plein en fin de semaine dernière et au début de la semaine, mais les conducteurs commencent à vouloir se réapprovisionner et ce n'est pas possible", témoigne Pascal Barré, patron de Transports Barré à Poincy, en Seine-et-Marne.
"Le carburant est un élément indispensable de notre métier. Si on ne peut plus livrer les magasins, les grandes surfaces, on va mettre la France à genoux", met en garde cet entrepreneur, par ailleurs président de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) Ile-de-France.
Bâtiment, chimie... Plusieurs fédérations professionnelles ont tiré la sonnette d'alarme, appelant le gouvernement à des mesures d'urgence pour éviter la paralysie du pays. "Si nous ne roulons pas... la France s'arrêtera", a ainsi prévenu la FNTR.
Sur le terrain, certains disent déjà ressentir l'effet de la grève. "Ca devient dur de circuler, de trouver du carburant", raconte à l'AFP François Gelin, patron de la société Aufort, une petite entreprise de chauffage et plomberie basée à Ivry-sur-Seine, près de Paris.
"On est inquiets. Depuis un ou deux jours, ça prend une heure ou deux pour pouvoir faire un plein", s'agace le chef d'entreprise, dont les employés font de nombreux déplacements quotidiens, et qui craint de ne plus pouvoir assurer ses prestations.
Quel serait l'effet d'un durcissement du conflit sur l'économie française? Les blocages et manifestation finiront-ils par grever la croissance, qui commence à reprendre des couleurs, avec 0,5% de hausse enregistré au premier trimestre?
"Pour l'instant, on n'est pas dans un contexte de grève générale. Les gens continuent d'aller travailler", rappelle Mathieu Plane, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui juge peu probable un effet de la grève à ce stade sur le produit intérieur brut (PIB).
Mais "si ça continue, il y aura des conséquences", avertit Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis. "L'activité au quotidien peut être rapidement perturbée. A partir du moment où les transports sont bloqués, il y a un certain nombre d'activités qui ne peuvent pas fonctionner", dit-il.
Un avis partagé par Alexandre Mirlicourtois, du cabinet Xerfi. "Si réellement le climat se durcit et si le conflit s'installe dans la durée, ça peut amener les ménages à se constituer une espèce d'épargne de précaution en attendant de voir comment cela se dénoue", suppose-t-il.
"Ca ne veut pas dire que c'est de la croissance perdue, mais ca peut quand même plomber le moral", notamment des chefs d'entreprise, qui pourraient être "plus circonspects sur l'évolution de l'activité", explique l'économiste.
Pour Mathieu Plane, rares sont toutefois les mouvements sociaux qui ont un fort impact économique. "Dans ce type de situation, il y a beaucoup de report de consommation. Donc ce qui est perdu à un moment donné est en partie rattrapé", abonde le chercheur, qui rappelle le précédent de mai 68.
A l'époque, le PIB avait chuté de 5% en l'espace d'un trimestre et les investissements avaient reculé de 20%. Mais les pertes avaient été effacées dès le trimestre suivant, avec une croissance de 7,7% et un bond de 32% de l'investissement.
"C'était une situation extrême", comme l'ont été les grèves contre le plan Juppé en 1995, souligne Philippe Waechter, pour qui la situation n'est "pas comparable" aujourd'hui. "Toute la question est de savoir comment le conflit va évoluer", prévient-il toutefois.
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