L’accident de trottinette de France Info et des médias
POINT DE VUE : Devant la situation sanitaire plus que préoccupante, il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que les médias du service public et les chercheurs financés par des fonds publics fassent preuve d’un peu plus de neutralité et de respect vis-à-vis de la communauté scientifique ou des citoyens dont certains ont perdu la vie.
Un canular tel que celui qui fait l’objet de cet article ne peut que poser question sur le bon usage des deniers publics en termes d’information et de recherche.
Alors que notre pays connaît des restrictions de liberté annoncées du fait de la gestion de la crise sanitaire causée par la Covid-19, que des compagnies de CRS sont envoyées à Marseille pour renforcer les contrôles des citoyens pour s’assurer qu’ils portent bien le masque en extérieur, il semblerait que le service public de l’information France Info ait d’autres priorités dans sa ligne éditoriale.
Pendant plusieurs heures, le 17 août 2020, le site web de France Info a mis à la “une” et en avant à travers ses alertes infos un article relayant un canular opéré par des médecins français auprès d’une revue “scientifique”, certes peu fiable visiblement, c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’elle a validé une étude assez hilarante ayant pour objectif de répondre à la question “L'hydroxychloroquine (HCQ) peut-elle prévenir les accidents de trottinettes ?”.
Ceci n’était qu’un clin d’œil appuyé au Pr. Raoult qui avait annoncé le 17 février 2020 qu’il était probable que la Covid-19 tue autant que les accidents de trottinette (NDLR : la mortalité 2020 à Marseille sur le premier semestre est à peu près équivalente à celle de 2018 et de 2019, source l’INSEE).
Les auteurs du canular, quatre médecins, s’en donnent d’ailleurs à cœur joie en citant, par exemple, Jean-Claude Dusse, un personnage populaire du film “les bronzés font du ski”, incarné par Michel Blanc.
Tout cela prêterait à sourire et pourrait faire l’objet d’un entrefilet, au bémol du drame sanitaire que nous vivons, ce qui n’est pas un détail. Il semble que l’”affaire” soit d’une toute autre importance pour les journalistes de France Info puisqu’ils en ont fait la une et une alerte info, le service public de l’information avait même traité le sujet spécifique de cette revue scientifique quelques jours auparavant.
Les auteurs du canular, mais aussi des personnes interviewées dans l’article de France Info, évoquent les “revues scientifiques prédatrices qui offrent peu ou pas de contrôle sur la qualité des articles”. Ce débat avait été relancé, selon le journaliste de France Info, par la publication d’une étude dans cette revue par le collectif “Laissons-les médecins prescrire” dont la Dr. Violaine Guérin et la députée Dr. Martine Wonner font partie. L’article dénonce aussi des pratiques connues comme manipulatrices à l’instar de l’approche au cas par cas, le “cherry-picking”, qui consiste à ne retenir que les éléments favorables aux conclusions que les chercheurs souhaitent défendre.
Même si la forme du procédé utilisé interroge, FranceSoir ne peut que se satisfaire que des journalistes et des citoyens éclairés vérifient le sérieux des études scientifiques et des revues scientifiques dans un contexte aussi critique. Les enquêtes conduites par notre média auprès des études “Surgisphère” et “Recovery” qui ont conduit au #LancetGate et au #RecoveryGate en témoignent. La revue piégée par le canular n’est pas inscrite au registre des revues prédatrices et cela satisfera les auteurs de l’étude du collectif “Laissons-les prescrire”, mais les détracteurs opposeront que le propriétaire de la revue ScienceDomain International est lui inscrit comme prédateur. Un point partout.
Cependant, la démarche des co-auteurs du canular semble vouloir répondre à des objectifs qui dépassent le simple débat sur la qualité des revues. L’un des auteurs l’exprime explicitement dans l’article :
Les objectifs visés sont donc les suivants :
1. Tester le sérieux de la revue “Asian Journal of Medicine and Health”,
2. “Tacler” (sic) l’étude parue mi-juillet sur l’hydroxychloroquine,
3. “Se marrer en même temps.
On comprend à la lecture de cette déclaration que le sujet n’est rien d’autre qu’un épisode de plus dans l’hystérie des pro et ou anti Raoult, des pour ou contre l’hydroxychloroquine.
Ainsi on vient à penser que l’idée est de démontrer par transitivité que, de par la décrédibilisation de l’Asian Journal of Medicine and Health (AJMH), les auteurs de l’étude du collectif “Laissons les médecins prescrire” le seraient tout autant, ainsi que le Professeur Raoult et l’hydroxychloroquine avec. C’est ici même que la science s’arrête.
Les co-auteurs ont produit, dans le cadre d’un canular, une étude volontairement bidonnée que n’importe quelle personne aurait pu et dû détecter. Elle a été validée avec peu de réserves sur la forme par un comité éditorial d’une revue peu crédible alors qu’elle aurait dû être rejetée. Ceci est un fait.
Doit-on en conclure que l’étude du collectif n’est pas sérieuse ? Non.
Que cela appelle à notre vigilance et qu’il faille creuser, c’est l’évidence et c’est le travail des journalistes, mais il n’est pas possible de conclure de la sorte.
Les arroseurs arrosés
Pour comprendre la démarche de France Info, nous avons essayé de joindre le journaliste que nous n’avons pas pu contacter. En effet, plusieurs éléments nous ont interpellés :
1. Les co-auteurs visent non seulement à enquêter sur la revue, ce qui en soi n’est pas critiquable et même salutaire, mais ils souhaitent démontrer par là même l’absence de crédibilité de leurs collègues du collectif “Laissons les médecins prescrire”.
L’étude du collectif avait avant tout pour objectif de partager l’expérience et la réalité des médecins de terrain qui ont à prendre en charge les patients à un niveau précoce.
Elle a été réalisée de manière indépendante avec les “moyens du bord” à un instant t (difficulté d’accéder aux tests pour la médecine libérale, limitation de prescrire) et a cherché à explorer divers traitements. Cette étude n’a pas eu vocation à influencer notoirement les politiques publiques, ni faire référence à l’instar d’institutions comme l’IHU ou l’Institut Pasteur.
Si l’objectif principal était de démontrer l’incompétence du collectif, n’est-il pas suffisant d’utiliser les procédés usuels de critiques par les pairs, quitte à être intraitables ? Pourquoi utiliser l’ironie en public comme l’allusion dans l’étude à un collectif fictif “Laissons les vendeurs de trottinettes prescrire” plutôt que le sérieux revendiqué ?
2. L’introduction de nombreux éléments relatifs au Professeur Raoult et à l’hydroxychloroquine interroge profondément. Il n’est en rien concerné a priori par cette revue ni même par l’étude du collectif. Pourquoi les auteurs ont-ils choisi ce thème et ce en pleine crise sanitaire ? Ne pouvaient-ils pas choisir un quelconque autre sujet farfelu pour démontrer que la revue pourrait manquer de sérieux ?
3. Qu’en est-il de l’intention de “se marrer” ? Si l’on peut comprendre, sans forcément y souscrire, que des médecins puissent prendre du plaisir à piéger une revue, voire des confrères par extension, en rendant publics ces éléments par le canular, est-ce que cela répond aux besoins des citoyens inquiets dans cette crise sanitaire ? Gérer une crise sanitaire ne se résume pas à l’analyse d’études et aux traitements. Cela appelle à bien d’autres paramètres à commencer par l’apaisement, le calme pour gérer la population inquiète. Rajouter une querelle à l’intérieur de la querelle est-il utile ? Rien dans l’article n’indique comment France Info a questionné cela. Que pensent-ils de l’intérêt de leur démarche dans le débat scientifique actuel sur les traitements pour que les patients puissent bénéficier le plus rapidement d’une solution dans l’intérêt de leur santé ?
4. Les sous-entendus du canular visent directement le Professeur Raoult : trottinette, monsieur le Melon, Grand scientifique. Au-delà de moquer en public un confrère éminent (que France Info ne questionne pas), les auteurs font-ils un lien direct et scientifique entre le manque de sérieux de l’AJMH et la probité et le sérieux de l’IHU ? Les auteurs peuvent-ils sortir un papier critique sur l’étude de 3737 patients en cours de publication, ce qui pourrait dans ce cas être plus intelligible et moins douloureux pour tout le monde ?
5. Si l’objectif sous-jacent était de démontrer que le Professeur Raoult publie beaucoup, comme cela lui est souvent reproché, pourquoi ne pas avoir piégé les revues scientifiques réputées dans lesquelles il a publié des articles majeurs ? Pourquoi ne pas sortir des papiers critiques sur les publications majeures du Professeur Raoult et de l’IHU ?
Les auteurs du canular disposeraient en pareille hypothèse ainsi d’une preuve irréfutable d’un charlatanisme dont ils laissent planer le doute en comparant le Professeur Raoult à un personnage mythomane d’un film populaire, Jean-Claude Dusse.
6. Concernant l’indépendance de France Info quant à ce sujet brûlant, il est très appréciable que ce service public de l’information, dont la neutralité supposée est essentielle à nos concitoyens dans une telle crise, se soit engagé enfin dans la vérité des études scientifiques, de la probité et de la compétence des chercheurs et des revues médicales.
Il était en effet surprenant, il y a encore quelques semaines, de voir France Info publier le 23 mai 2020, le lendemain de la publication par The lancet de l’étude de la société Surgisphere un article titré “Chloroquine : l'étude du Lancet est très bonne”, mais “ne permet pas de clore complètement le débat", selon le centre de pharmacovigilance de Nice” sans avoir croisé les sources, ni avoir appelé les auteurs de l’étude, ni pris le temps de se faire une opinion plus rigoureuse sur un sujet aussi brûlant et technique. Il est heureux de constater que France Info s’intéresse fortement au sujet désormais.
Il est en revanche dommage d’avoir passé autant de temps sur une étude observationnelle de moins de 100 patients qui n’aurait jamais influencé la moindre politique publique. L’étude de The Lancet avait, elle, fait prendre au ministre de la Santé Olivier Véran et à l’OMS (entre autres sur la planète), des décisions majeures dans la précipitation pour ensuite devoir constater la rétractation de l’étude aux éléments frauduleux.
7. Toujours concernant France Info et son devoir de neutralité, quelle couverture médiatique et quels efforts d’analyse technique ont été produits par ce service public de l’information sur les études Recovery et Boulware qui ont pourtant joué un rôle majeur dans l’influence des politiques de santé et sur l’usage de l’hydroxychloroquine face au Covid-19 ?
Il semble que France Info ait peu investi le sujet alors que pourtant FranceSoir en a fait plusieurs analyses détaillées.
Recovery est pourtant une étude britannique majeure, dont les protocoles sont mutualisés avec l’OMS, et qui fait l’objet d’une controverse (#RecoveryGate) du fait qu’elle a prescrit quatre fois la dose d’hydroxychloroquine recommandée par l’IHU et que ses auteurs ont dissimulé des informations montrant que les alertes sur les risques cardiaques émises par des hôpitaux inclus dans l’étude et d’autres pays comme l’Inde ont été sciemment minimisées. Plusieurs morts ont peut-être été causées dans le cadre de cette étude où les dosages dépassaient les plafonds d’alerte de prescription.
On peut ainsi légitimement considérer que l’attention à porter à l’étude Recovery avait sans doute intérêt à être au moins égale à celle accordée à ce canular.
Quant à l’étude Boulware, celle-ci répond à tous les standards scientifiques modernes en étant randomisée en double aveugle. Le seul hic est que l’analyse statistique qui en a été faite par les auteurs était fallacieuse, ce qui a conduit à inverser ses conclusions de positives à négatives. L’analyse de FranceSoir a permis d’établir que l’hydroxychloroquine a une efficacité selon les données publiées dans cette étude et d’ainsi rétablir la véritable conclusion de l’étude Boulware à partir de résultats statistiquement significatifs.
Nous serions satisfaits que le service public de l’information, avec son indépendance et la qualité reconnue de ses analyses, puisse porter un regard attentif à ces sujets, quitte à contredire nos conclusions. En effet, nous n’imaginons pas que France Info se laisse aller à tomber dans le cas par cas ou “cherry picking” dénoncé à juste titre dans l’article réservé au canular.
8. France Info a dépensé beaucoup d’énergie sur cette revue scientifique et sur l’analyse critique de l’étude observationnelle du collectif “Laissons les médecins prescrire”.
Déjà le 4 aout 2020 puis dans une mise à jour le 12 aout 2020, France Info s’intéressait à AJMH, une revue scientifique mineure en lien avec une étude mineure. Elle était déjà qualifiée comme “prédatrice” par une personne interviewée, avant même que le canular n’ait pu prendre forme, piéger la revue et donc permettre de l’affirmer.
On retrouve parmi les interviewés le chef de Service de l'hôpital Saint-Antoine, Francis Barenbaum, connu pour être en conflit ouvert avec l’IHU.
Dans cet article, France Info a pu interroger la revue, qui affirmait tarder à pouvoir répondre aux sollicitations, étant submergée par la crise sanitaire et être en ce moment fermée pour raisons de congés.
Le canular s’en est suivi quelques jours après, dans ce contexte précis et le papier a été rétracté car signalé. Pour FranceSoir, cette revue pourrait répondre aux critères énoncés de revue dite "prédatrice”. Cependant, concernant le terme de prédateur, il est aussi applicable aux autres revues prestigieuses qui permettent d’exercer une pression forte par les biais d’autorité puissants, comme les conséquences du #LancetGate l’ont démontré. Ces revues "prestigieuses” peuvent par ailleurs filtrer des publications et faire un “cherry picking” subtil en excluant des études pourtant intéressantes.
Mais surtout, ces grandes revues font l’objet de spéculations et de concentration dans des groupes aux moyens financiers considérables qui pratiquent dans le secteur des revues scientifiques des croissances externes limitant la diversité des revues indépendantes. La structure même de l’actionnariat de ces grandes revues devra faire l’objet d’une vérification des liens et conflits d’intérêts éventuels.
Pour AJMH, le terme de "revue opportuniste" de deuxième catégorie nous semble plus approprié. Aujourd’hui, les médias s’emballent sur cette revue mineure. Pourquoi pas, après tout le canular prête aux commentaires, et l’enjeu tout autant.
Pour autant, il nous paraît étonnant que cette affaire soulève des considérations éthiques d’objectivité élevées sans que cela ne corresponde aux pratiques usuelles du journalisme dans cette crise dans laquelle le “cherry picking” a été permanent.
Pratiquement tout ce qui a pu démontrer que l’hydroxychloroquine ne fonctionnait pas a été largement relayé, comme le #LancetGate ou le #RecoveryGate l’ont montré.
Tout ce qui a pu démontrer des problèmes analogues ou bien plus graves que l’affaire AJMH et qui biaisait les résultats en défaveur de l’hydroxychloroquine a été passé sous silence ou minimisé.
Où en est donc l’affaire du #LancetGate qui a conduit à des décisions sanitaires majeures au plan mondial ? Y aura-t-il des enquêtes, des poursuites judiciaires ? Pourquoi cette étude a-t-elle été commandée ? Qu’en est-il des biais statistiques de Boulware ? Qu’en est-il du surdosage ayant potentiellement conduit à des dizaines et des dizaines de décès dans l’étude Recovery ? Qu’en est-il des dissimulations des auteurs de l’étude Recovery sur les alertes d’arrêts cardiaques suite aux fortes doses administrées d’hydroxychloroquine ? Le cherry picking semble être aussi contagieux que la Covid-19.
C’est cet esprit d’amalgame, de guerre des clans, au lieu d’une guerre contre le virus qui laisse un goût amer. L’étude du collectif “Laissons les médecins prescrire”, celles du Professeur Raoult, aussi imparfaites qu’elles soient, permettent-elles de les traiter plus durement que les fraudeurs de Surgisphere ? Ont-ils mis en danger la vie des patients ? Ont-ils influencé les décisions au point de créer des pertes de chance de survie, ont-ils des résultats de mortalité inquiétants ? Où sont les effets secondaires ? Ont-ils masqué des données ou refuser d’en communiquer ? Le Pr Raoult a-t-il mérité d’être jeté en place publique, ramené à un personnage national de fiction que tout le monde moque et reconnait comme mythomane ? Fallait-il que le Pr. Raoult soit menacé physiquement et juridiquement ?
Un des auteurs français de ce canular est un médecin du Nord de la France. Il s’agit du Dr. Rochoy. Il a mené un formidable combat pour démocratiser les visières protectrices quand il y avait une pénurie de masques. Il a créé notamment un site web qui a eu des centaines de milliers de connexions, il a plaidé pour étendre les visières de protection et, comme le Professeur Raoult, il n’a pas eu gain de cause sur toute la ligne. A la mi-mai 2020, le Haut Conseil de la Santé Publique a tranché et a considéré que les visières ne sont pas assez fiables pour être considérées comme des masques protecteurs. Cet auteur a pourtant produit des études, fait un travail que des milliers de Français peuvent reconnaître comme essentiel.
Or il se trouve que le site web est toujours en ligne et on peut y trouver par exemple à ce jour ceci :
Toutefois, à la mi-mai le HSCP a publié ceci :
“Le HCSP recommande de ne pas utiliser les visières en remplacement du port d’un masque, quel que soit le public concerné.”
Si on peut comprendre que le site ait joué une fonction salvatrice pendant la pénurie, le fait qu’il continue de préconiser les visières en affirmant qu’elles protègent les autres et soi-même entre en contradiction avec les décisions des autorités de santé.
Faut-il en conclure que ce site et les auteurs sont dangereux ? Faut-il considérer qu’ils sont des charlatans ? Est-il possible de reconnaître que cela a été très utile et que si faute il y a, elle est minime, elle ne discrédite pas ces docteurs qui se sont battus, se battent encore contre la maladie ? Peut-on reconnaître que nous ne sommes pas dans des cas graves comme le #LancetGate ou le #RecoveryGate ? Peut-on reconnaitre que le débat scientifique sur ce sujet n’est pas clos et que la démarche du Dr Rochoy est acceptable ? Nous aimerions le croire.
Et que dire alors de l’IHU qui a pratiqué des tests massifs et qui a des taux de mortalité très faibles (0,4% en ambulatoire et 3% toutes prises en charges prises en comptes, y compris les réanimations de l’APHM) et d’absence d’effets secondaires qui forcent le respect, sans pour autant valider complètement son traitement ? Que dire du caractère pionnier sur l’approche protéger, tester, diagnostiquer, isoler, traiter qui désormais s’applique sur tout le territoire national ?
Quid des praticiens de “Laissons les médecins prescrire” qui, dès que le décret d’interdiction a été appliqué, se sont arrêtés de prescrire ? Sont-ils des inconscients alors qu’ils ont respecté, eux, les décisions de santé publique qu’ils n’approuvaient pas ? Sont-ils des charlatans pour avoir publié dans une revue qui a accepté leur article alors qu’ils l’ont envoyé en vain à plusieurs revues ? Que dire des pays majeurs (Russie, Inde, Chine, Brésil, Pays du Maghreb, Afrique francophone, Italie, Portugal, Grèce, notamment) qui ont utilisé et utilisent encore massivement la bithérapie ou l'hydroxychloroquine ? Les autorités de santé de ces pays doivent-elles être ramenées à la qualité de cette revue ? Sont-elles dirigées par des charlatans ?
Aujourd’hui, plus que d’un vaccin, plus qu’un Ségur 2 de la santé, il semblerait que les Français aient besoin que le corps médical cesse de s’entredéchirer, de s’humilier, de se “tacler” en pleine conscience et en public, de se menacer afin de ne pas rajouter du malheur au malheur, du désespoir au malheur.
Construire…
Chez FranceSoir, nous affirmons que nous avons besoin d’un service public de l’information ayant une capacité à rester le plus neutre possible. Il doit être un exemple.
La preuve, c’est que l’enquête de France Info sur ce canular a été massivement reprise par les autres médias. Canular ou pas, nous nous interrogeons sur la capacité de chacun à prendre encore plus de recul dans ces moments si particuliers.
Comment se fait-il qu’il y ait un tel traitement de l’information si fourni sur des sujets allant à l’encontre de l’IHU et si maigre sur des études comme, par exemple, celles dernièrement parues à l’université de Yale ?
Pourquoi une telle asymétrie de l’information ? Ce “pourquoi” que nous formulons n’a aucune arrière-pensée complotiste. Il est sincère, il est aussi sincèrement ressenti par beaucoup de Français, sans doute minoritaires, mais nombreuses et nombreux. Peut-on leur apporter des réponses sans invectives, sans censure automatique sur les réseaux sociaux qui eux-mêmes s’appuient sur nos grands organes de presse, pour l’opérer ? Est-il possible que les philosophes n’explosent pas de colère sur les plateaux télé en insultant l’IHU et par là même des Français qui, s’ils n’ont pas de réponses, s’ils n’ont pas leur degré de connaissance, ont des questions auxquelles aucune réponse n’a été apportée ? Pourquoi la mortalité à Marseille est notoirement inférieure à la mortalité des Bouches-du-Rhône hors Marseille ? Est-il possible de connaître la mortalité de l'hôpital de Garches qui a appliqué le protocole que celui de l’IHU et de la comparer à celle des Hauts-de-Seine et de l’Île-de-France ? Peut-on comparer la mortalité du Grand Est à l’Ouest de l’Allemagne ? Ces questions ont notamment été posées par la “Revue Politique et Parlementaire“ que l’on ne peut pas soupçonner de complotisme.
Pourquoi les études Discovery, l’étude de Montpellier sur le protocole IHU complet n’ont-elles pas été reprises quand les nouveaux cas positifs ont commencé à augmenter ? Pourquoi ne pas profiter d’une meilleure connaissance de la maladie pour faire une étude randomisée en double aveugle sur les publics jeunes, en ce moment où à l’hiver, non pas pour tester la baisse de la mortalité, mais celle de la charge virale ? Il n’y aurait que peu d’inconvénients éthiques, compte tenu de ce que nous savons sur la mortalité par classes d’âge, et cela permettrait au moins de valider la question de la baisse de la charge virale et de pouvoir la comparer avec les classes d’âges plus âgées sans les mettre en risque.
Tout cela non pas pour pointer les erreurs, non pas pour les procédures judiciaires, mais pour les vies ! Pour la vie sociale, pour nos anciens, pour notre jeunesse, pour que notre économie ne s'effondre pas.
Est-il possible de créer un moment de recul et un processus d’intelligence collective inter-organes de presse au service de l’information des citoyens, de l’apaisement qui permette de sortir des invectives et de trouver l’équilibre, les nuances ? Est-ce que l’IHU a sa part de responsabilité dans ce climat ? C’est incontestable.
Mais, est-il possible, souhaitable et moral d’écarter l’IHU et son traitement dans la gestion de cette crise ? Certainement pas. Alors comment supporter ce qui est proféré à son encontre ? Que se passe-t-il dans le psychisme des Français et des Françaises qui se sont impliqués d’un côté ou de l’autre des pro ou anti Raoult ? Que se passe-t-il pour les autres français qui regardent cela de plus loin ? À condition que l’on puisse appeler cela une victoire, que se passerait-il socialement si un camp “gagnait” ? En quoi la France, en quoi les Françaises et les Français en sortiraient grandis, plus robustes, plus sereins ?
Cet article ne vise pas à minimiser l’affaire du canular et ses conséquences, il vise à ouvrir un espace pour un retour à une concorde là où tout le monde s’attend à une rentrée peut-être encore plus dure que les derniers mois. C’est à cela qu’aujourd’hui a appelé le président Macron devant des élus et des anciens combattants en considérant que nous vivons un moment tragique, comme nous en avons tant vécus dans notre histoire. Si les Français ont fait ces efforts pendant le confinement, ont continué d’en faire depuis le 11 mai 2020, comment décemment leur demander de les poursuivre sans répondre à leurs questions ? Peut-on au plan médiatique, des sachants du milieu médical et scientifique ou politique, les classer entre les bons et les charlatans, dans un camp ou dans un autre et les conduire à s’affronter ? L’unité, les médias peuvent y contribuer sans affadir le débat, il est même fort probable que le débat apaisé et respectueux conduise à plus d’unité, à moins de malentendus et à des désaccords supportables le cas échéant.
Pour conclure, FranceSoir a pris le temps de contacter les auteurs du canular par l’intermédiaire de M. Florian Cova, qui se dit “Professeur Assistant au Département de Philosophie de l'Université de Genève, grâce au soutien d'une bourse Eccellenza du Fonds National Suisse (FNS)”. Sa réponse fut elle-même un canular, en donnant comme lien à son prétendu calendrier en ligne un lien vers une chanson.
Cela ne peut que poser question sur les considérations du membre de cette équipe, financée en partie par des bourses d’états, qui a visiblement oublié que la philosophie est un débat, et que le canular “L'hydroxychloroquine (HCQ) peut-elle prévenir les accidents de trottinettes ?” n’est vraiment pas à la hauteur de l’enjeu de la recherche médicale et de la santé des citoyens pendant cette pandémie.
https://stop-postillons.fr/#a-quoi-ca-sert
https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=822
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