Meurtre de la petite Rose. “Il y a quelque chose qui a déconné” dans le suivi socio-judiciaire de l’accusé, estime une policière

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Laurence Beneux, France-Soir
Publié le 29 avril 2023 - 19:00
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Justice
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Photo de Tingey Injury Law Firm sur unsplash.com
Pour la policière, que le meurtrier présumé de Rose ait été mis en examen pour agressions sexuelles et viols à l’âge de 14 ans soulève des questions.
Photo de Tingey Injury Law Firm sur unsplash.com

JUSTICE - Le meurtre de Rose, cette fillette de 5 ans retrouvée morte dans un sac poubelle à Rambervilliers, laisse la France sous le choc. Au-delà de cette tragédie, le jeune âge et le parcours du meurtrier présumé sont au cœur de toutes les interrogations. « Comment cela a-t-il été possible ? », « Pourquoi cet adolescent, mis en examen l’année dernière pour séquestration, agressions sexuelles et viol sur deux jeunes garçons de 10 et 11 ans était-il libre ? », « Comment les médecins avaient-ils pu conclure à l’absence de troubles mentaux chez ce mineur, atteint d’une légère déficience mentale et au comportement étrange, violeur présumé, pour finalement considérer que son discernement était altéré et qu’il constituait un danger pour autrui ? ». Ces questions sont sur toutes les lèvres. 

Les enfants ne naissent pas criminels

Valérie, une policière travaillant depuis de nombreuses années dans des services de protection des mineurs, se les pose aussi, mais elle propose quelques éléments de réponse. Elle ne travaille pas sur ce dossier, mais une longue expérience de terrain lui permet de tirer certaines conclusions qu’elle a bien voulu partager avec nous. 

Le procureur d’Épinal, Frédérique Nahon et la secrétaire d’État à l’enfance, Charlotte Caubel, affirment que le suivi socio-judiciaire du suspect correspondait à la loi. 

Pour la policière, l’explication est un peu courte.   

« Il y a quelque chose qui a déconné », affirme-t-elle sans ambages. D’ailleurs, d’après elle, il y a beaucoup de choses qui « déconnent » dans la prise en charge des enfants en difficulté ou potentiellement dangereux. Mais « c’est comme pour les accidents de la route. On attend qu’il y ait plusieurs morts avant de se décider enfin à modifier un croisement accidentogène », accuse-t-elle. 

Valérie a une conviction : les enfants ne naissent pas criminels. Alors pour elle, que le meurtrier présumé de Rose ait été mis en examen pour agressions sexuelles et viols à l’âge de 14 ans soulève des questions.  

« S’il a vraiment violé deux gosses, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Il a des pulsions à son âge qu’il ne devrait pas avoir », affirme la policière. 

« Qu’il n’ait pas de problèmes psychiatriques, ce n’est pas possible », ajoute-t-elle encore. Et d’exprimer son indignation que ces problèmes n’aient pas été mieux identifiés avant. Pourtant, ça ne la surprend pas plus que ça : « Tout ce que cherchent en général les psychiatres dans ce genre d’affaires, c’est de déterminer si le prévenu peut être considéré pénalement responsable, si son discernement était aboli, ou pas, au moment des faits ».  

Pour autant, la policière explique aussi qu’une pathologie psychiatrique n’exclut pas le discernement, de même qu’une déficience mentale n’exclut pas une forme d’intelligence. D’après elle, le mutisme du meurtrier présumé de Rose peut relever d’une stratégie consciente : « Il a peut-être développé une forme d’intelligence perverse et il sent qu’il perdrait le contrôle de la situation s’il parlait. Il a été capable de chercher à attirer des enfants en leur parlant de petits chats. Il est capable de comportements stratégiques », estime-t-elle. 

Les institutions ne se montrent pas à la hauteur 

Quoi qu’il en soit, discernement aboli ou pas, la fonctionnaire estime que le jeune accusé n’en est pas arrivé là par hasard. 

« Il ne s’est pas écoulé deux mois après sa sortie du centre judiciaire fermé avant que ce gamin se retrouve mis en examen pour meurtre ! Alors qu’il paraît qu’il progressait quand il était enfermé ! Il y a quand même quelque chose qui ne va pas ! Un truc qu’on n’a pas vu ! », s’indigne-t-elle. 

De son expérience, « la plupart du temps, il se passe quelque chose dans les familles » et les institutions n’ont pas forcément les réactions appropriées. « Quand un enfant a un comportement étrange ou violent, il faut chercher à comprendre », plaide-t-elle. Or, d’après elle, on se pose rarement les bonnes questions. 

« Par exemple, le premier réflexe de l’école est souvent de prévenir les parents en cas de comportement anormal d’un enfant. Alors qu’on ne vit pas dans le monde des Bisounours ! Il n’y a pas que de bons parents ! », explique la policière. « Quand un enfant devient agressif ou violent, c’est qu’il y a un passif. Ça peut être un signe de maltraitance familiale, de délaissement, de négligence. Et on prévient les parents sans chercher à savoir, alors que le gosse va peut-être se faire défoncer, une fois rentré chez lui, à cause ça ! Ou alors, quand l’école a exprimé une inquiétude aux services sociaux, les mesures prises se résument souvent à la visite d’un travailleur social une fois par mois ! ». 

Valérie reconnaît que les problèmes peuvent aussi avoir une origine extra-familiale et ne pas être visibles à la maison. Ou que les parents savent que quelque chose ne va pas, mais qu’ils sont démunis. Certains demandent de l’aide, mais ils ne vont que rarement la recevoir. Dans tous les cas, les institutions ne se montrent pas à la hauteur. 

« Pas mal de jeunes sont mal pris en charge », dénonce aussi Valérie. « Dans les foyers, on mélange les enfants maltraités et les délinquants. Et quand on y envoie les premiers, ils vont se faire prendre en main par les deuxièmes. Et nous, très souvent, on voit passer des jeunes que l’on sait dangereux, mais on ne nous laisse pas d’autre choix que de les relâcher. »  

Pourtant des solutions peuvent être tentées. Pour les enfants devant être placés, la policière explique qu’il existe des appartements aménagés où ils vivent en petit nombre avec un éducateur. C’est plus compliqué à mettre en place, ça coûte plus cher, mais ça offre un encadrement de meilleure qualité. 

Concernant les jeunes délinquants sexuels, on cherche des hommes célibataires acceptant de devenir familles d’accueils. 

« Ce n’est pas facile à trouver », reconnaît Valérie. Mais enfin, concernant le meurtrier présumé de Rose, « il y avait des choses à tenter avec cet adolescent, plutôt que de le renvoyer chez sa mère où il vivait quand il a été accusé d’avoir violé les gosses ! », conclut-elle. 

D’autant qu’à son retour au foyer maternel, il n’y avait même plus de place pour lui à l’Institut médical éducatif où il était suivi avant son année en Centre éducatif fermé. 

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