SNCF : les raisons de la grève
La grève ce mercredi 9 à la SNCF, pour des embauches, hausses de salaires et défense de conditions de travail de "haut niveau", s'inscrit dans le contexte de négociations délicates sur de futures règles de travail communes au secteur ferroviaire, qui suscitent en interne beaucoup d'inquiétudes. Point sur les enjeux des discussions qui doivent aboutir d'ici le 1er juillet.
>HARMONISER LES RÉGIMES DE TRAVAIL
Les salariés du fret privé et ceux de la SNCF ne sont pas soumis aux mêmes règles d'organisation (amplitudes maximales des journées, repos...). Dans le groupe public, le temps de travail est annualisé pour permettre une gestion plus souple, avec des journées plus longues mais davantage de jours de repos (22 pour les roulants). Ces règles ont des conséquences directes sur la productivité des entreprises et la vie des cheminots.
La réforme ferroviaire de 2014 impose une harmonisation d'ici mi-2016 pour tout le secteur (fret et voyageurs, public et privé). Soit 153.000 à 170.000 salariés, dont 149.000 à la SNCF. Objectif: assurer que l'ouverture à la concurrence, qui doit être achevée par étapes d'ici à 2026, se passe dans des conditions garantes de la sécurité et économiquement "équitables", permettant d'éviter tout "dumping social".
La SNCF chiffre jusqu'à 30% son retard de productivité avec le fret privé. Mais cet écart est également dû au surcoût du régime de retraite spécifique de ses agents. Le "statut" des cheminots du groupe public (emploi garanti, protection sociale spécifique...) n'est, lui, pas concerné.
>UN CADRE SOCIAL A TROIS ÉTAGES
-Un décret-socle posant des bases communes: le projet dévoilé mi-février ne satisfait aucun syndicat. Le secrétariat d'Etat aux Transports, qui a reçu tous les acteurs concernés, a promis d'"améliorer" son texte d'ici mi-mars.
-Une convention collective de branche comportant des dispositions plus favorables aux salariés (par exemple sur le nombre de congés payés): lancées fin 2013, les discussions entre les syndicats et l'Union des transports publics et ferroviaires (SNCF et entreprises privées) ne sont pas vraiment entrées dans le vif du temps de travail, faute d'unité patronale.
-D'éventuels accords d'entreprise: à la SNCF, les négociations pour remplacer l'actuelle réglementation et l'accord 35 heures pourraient démarrer dans la deuxième quinzaine de mars.
>DES SYNDICATS SUR LE QUI-VIVE
Ils veulent un décret-socle de "haut niveau social", calqué sur les règles de la SNCF. Or c'est loin d'être le cas: l'actuel projet ne garantit par exemple pas deux jours de repos consécutifs et assouplit le "taquet" cher aux cheminots dit du "19-6", qui impose de ne pas travailler après 19h la veille d'un repos hebdomadaire et de ne pas redémarrer la semaine avant 6h.
Les repos sont des protections "établies à l'origine avec des médecins et inspecteurs du travail" pour garantir la santé de salariés soumis à des contraintes fortes pour assurer un service 7 jours sur 7 (travail le dimanche, de nuit...), explique Gilbert Garrel (CGT-Cheminots).
Tous les syndicats s'élèvent contre une réduction du nombre de RTT. Ils estiment possible de gagner en productivité simplement en améliorant "l'organisation de la production". La grève de mercredi est un "avertissement", préviennent-ils en menaçant d'autres journées de grève.
>LA SNCF CHERCHE UNE VOIE MEDIANE
En face, les opérateurs privés agitent le chiffon rouge d'une augmentation des coûts, en affirmant que le transport ferroviaire de marchandises, déjà fragilisé par la concurrence des camions, n'y survivrait pas. Et certains s'appliquent à torpiller la négociation de branche.
Entre les deux, la SNCF, qui veut revoir "la façon de faire les 35 heures" pour améliorer sa compétitivité, joue une partition complexe. Elle veut rallier ses concurrents à une convention collective économiquement acceptable qui lui permettrait de réduire son retard. Mais si elle descend trop bas les curseurs, elle risque de mettre le feu à la maison.
"Il faut se mettre d'accord sur des conditions raisonnables" qui "ne soient ni le dumping social, ni la détérioration de la compétitivité du rail", "l'enjeu est de savoir si l'on veut ou non développer le rail dans ce pays", affirmait mardi aux Echos son président Guillaume Pepy.
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