Cyberharcèlement dans le couple : il faut informer d'urgence sur les “stalkerwares”, utilisés à l'insu des conjoints
Une des nombreuses conséquences néfastes de la pandémie de coronavirus a été la hausse des violences conjugales. Marlène Schiappa a annoncé le 17 novembre que les appels de victimes de violences conjugales avaient connu une hausse de 15% depuis le reconfinement du 30 octobre.
Pire, en parallèle des violences physiques, les violences psychologiques gagnent du terrain, souvent sous forme de cyberharcèlement. La numérisation croissante de nos interactions fait des smartphones les nouvelles armes des harceleurs et agresseurs. La technologie se met malheureusement à leur service pour surveiller, espionner et traquer leurs cibles sur leurs téléphones, même à distance, ce qui cause chez les victimes des dégâts psychologiques graves.
“Stalkerwares”: comment fonctionnent-ils?
Les outils de cyber harcèlement et d’espionage sont appelés les “stalkerwares”, “spywares” ou même “spousewares”. Ils sont à disposition du grand public, et permettent très facilement d’espionner des proches, des collègues, des membres de sa famille. La plupart du temps, ils sont utilisés pour espionner et surveiller son conjoint.
Ces “stalkerwares” permettent au harceleur de s’introduire dans le téléphone d’une personne, pour être informé des activités de l’appareil. Toutes les données sont accessibles: la position GPS, les conversations téléphoniques, les albums photos, l’historique de navigation web, les discussions sur les réseaux sociaux, les emails et les systèmes de messagerie (SMS, WhatsApp, Messenger, Telegram, Signal, etc). Il est même possible d’activer la webcam, le micro, de voler les mots de passe ou encore d’effectuer des captures d’écran, tout cela à distance et sans que la victime ne se doute de rien.
Empêcher la victime de communiquer a des conséquences très graves
Comme l’explique Steven Meyer, specialiste en cybersécurité, ces logiciels se présentent comme des outils qui permettraient aux parents de garder un oeil sur leurs enfants, et l’utilisation qu’ils font de leurs smartphones. Parfois, ils sont conçus pour les employeurs, afin d’accéder aux données des employés en télétravail. Mais de nombreuses applications affichent clairement la couleur, et se décrivent directement comme des outils pour « savoir si ta femme te trompe » ou « découvrir ce que les filles pensent de toi». Cependant, espionner le smartphone de quelqu’un n’est pas anodin, et sans le consentement de la personne, c’est même très grave: les smartphones permettent à leurs utilisateurs d’être en lien avec leur entourage et même de s’évader d’une réalité parfois difficile. Pour fonctionner, ces aplications doivent être téléchargées par la personne "espion", sur le téléphone de la victime. L'application est ensuite invisible. Les personnes victimes de stalkerwares, sont souvent informées par leur harceleur qu’elles sont surveillées et en conséquence, elles ne sont plus en mesure d’utiliser librement leurs ordinateurs et leurs smartphones. Cela cause souvent un isolement brutal, qui poussent les victimes à se couper de leur entourage par téléphone, messages ou sur les réseaux sociaux, pour éviter de livrer des informations au harceleur.
Comment se protéger contre les stalkerwares ?
Au vu des graves conséquences de l’utilisation de ce type d’outil sur les victimes, il est tout d’abord de la responsabilité morale de chacun de ne pas utiliser ce type d’application, même de manière “ludique”, et si possible d’informer et d’aider de potentielles victimes de surveillance.
Pour se débarrasser d’un logiciel espion sur son smartphone, il est possible de bloquer l'accès aux comptes cloud en désauthentifiant les appareils et navigateurs connectés, de changer les mots de passe et les réponses aux questions secrètes et de s’assurer d’avoir l’authentification forte (2FA) activée. Sur un smartphone, il est possible de faire une restauration d’usine de l’appareil, de désinstaller les applications inconnues ou inutilisées. La parade ultime reste toutefois de se procurer un nouvel appareil avec un nouveau numéro de téléphone et ne pas réutiliser les mêmes comptes en ligne.
Désactiver les logiciels espions est possible, mais selon Steven Meyer, il ne s’agit pas seulement d’un problème technique: ”désactiver un logiciel espion pourrait engendrer une réaction violente de la part du harceleur.” Arnaud Dechoux, responsable des Affaires Publiques la société de cybersécurité Kaspersky ajoute “Il est donc primordial de réaliser ce travail à plusieurs, notamment avec des associations d'aide aux victimes”. Une initiative pour sensibiliser et faire connaître ce phénomène encore peu connu vient de voir le jour: « The Coalition against stalkerware » vise à informer le grand public, et à protéger plus efficacement les potentielles victimes avec des conseils et ressources. Il est nécessaire d’unir les efforts publics et privés pour combattre efficacement le harcèlement conjugal en ligne.
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