La fuite ou le désert : la grande dépression du système de santé français

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Par Gabriel BOUROVITCH - Paris (AFP)
Publié le 24 janvier 2022 - 19:09
Mis à jour le 25 janvier 2022 - 12:38
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Aux urgences de l'hopital de Draguignan, en France, le 11 janvier 2022
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© Nicolas TUCAT / AFP
Aux urgences de l'hopital de Draguignan, en France, le 11 janvier 2022
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Désert médical, crise de l'hôpital, soignants au plus mal: percuté par le Covid après des décennies de restrictions, le système de santé français traverse une grande dépression à l'approche de la présidentielle que le quinquennat Macron n'a pas su prévenir.

"Quoi qu'on mette en place, tout se délite, il n'y a rien qui les retient": dans un service de réanimation parisien, une cadre de santé expérimentée peine à combler les nombreux postes vacants dans son équipe d'infirmières.

Les jeunes "ne veulent plus de ce boulot" et "ne sont pas prêts à faire tous les sacrifices" consentis par leurs aînés. "Et ils ont sûrement raison", ajoute-t-elle.

Dans chaque hôpital, les mêmes "vagues" de départs ont suivi les marées de l'épidémie.

La crise sanitaire continue de laminer un secteur pressé par dix années d'étau budgétaire, aux conséquences délétères: endettement, sous-investissement, salaires en berne. Les milliards du "Ségur de la santé", déversés entre deux confinements, ont à peine desserré l'étreinte.

Partout reviennent les mêmes témoignages de lits fermés faute de soignants pour les "armer", de plannings bouclés au prix d'heures supplémentaires et de congés abandonnés.

Mais vu du ministère, "il n'y a pas de saturation générale". Au contraire, "il y a encore de la place" dans la plupart des services, malgré la réduction continue des "capacités": 20% en vingt ans, soit 100.000 lits de moins.

Pendant ce temps, la fréquentation des urgences a doublé. Avec 22 millions de passages par an, l'engorgement est manifeste, la tension palpable. La longue grève de 2019 n'avait pas surgi de nulle part. Là aussi les bras manquent, au point que certains services ne tournent qu'avec des intérimaires recrutés à prix d'or.

D'autres affichent porte close la nuit, laissant dans le dénuement ceux pour qui l'hôpital est devenu le premier recours.

- Gérer la pénurie -

Leur nombre s'accroît à mesure qu'avancent les "déserts médicaux". Selon les définitions, entre 3,7 et 7,4 millions de personnes habitent une "zone sous-dense", où l'accès aux généralistes est limité à deux ou trois consultations par an.

Chez les spécialistes, les délais de rendez-vous se comptent parfois en mois. La faute au choix malthusien du "numerus clausus", supprimé l'an dernier après avoir asséché le vivier pendant un demi-siècle.

Désormais la démographie médicale recule, quand la population française augmente et vieillit. Un "creux" est attendu dans les prochaines années, qui serait comblé "à l'horizon 2030" grâce au relèvement des quotas d'étudiants admis par les universités.

En attendant il faudra gérer la pénurie. Les tentatives répétées pour encadrer la liberté d'installation des praticiens échouent immanquablement: trop conflictuel, pour un résultat incertain, la contrainte risquant d'agir comme un repoussoir.

Même rejet systématique pour l'obligation d'exercer quelques années dans un "désert" après dix ans d'études. Une proposition vécue comme une provocation par des internes déjà pressurés bien au-delà du maximum légal de 48 heures hebdomadaires et sans qui l'hôpital s'écroulerait.

Avec la campagne présidentielle ressurgit aussi l'idée de "débureaucratiser" les établissements publics, reprise en choeur par trois des favoris de droite et d'extrême droite - Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour - à grand renfort de chiffres erronés: loin des 30% à 35% avancés à la volée, les postes administratifs ne représentent que 10% du million de salariés du secteur, contre 13% dans le privé.

A gauche, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, promettent 100.000 soignants supplémentaires et de nouvelles hausses de salaires, mais la facture du "Ségur", financée à crédit, ne laisse pas de marge de manoeuvre budgétaire, sauf à plomber un peu plus le déficit de la Sécu.

Reste la piste du partage de tâches, qui consiste à élargir les compétences des infirmiers, kinés et autres paramédicaux pour alléger le fardeau des médecins. Mais ces derniers freinent toute évolution, rechignant à échanger leur pouvoir - et l'argent qui va avec - contre ce temps qui leur manque si cruellement.

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