"Jungle" de Calais : les traducteurs, perles rares, essentiels dans l'accompagnement des migrants

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 27 septembre 2016 - 14:31
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La "Jungle de Calais", un bidonville.
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©Pascal Rossignol/Reuters
Tigrigna, amharique, dari, farsi, pachto, kurde, pendjabi, arabe, anglais...: pas moins d'une dizaine de langues cohabitent dans la "Jungle" de Calais.
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Ex-migrant de Calais, Kaïs Rezaï est revenu voici neuf mois dans la "Jungle" comme interprète en dari, sa langue maternelle. Il est l'un des rares traducteurs officiels dans le bidonville, des acteurs pourtant essentiels dans l'accompagnement des migrants.

Tigrigna, amharique, dari, farsi, pachto, kurde, pendjabi, arabe, anglais...: pas moins d'une dizaine de langues y cohabitent. Ce qui fait dire à Franck Esnée, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) à Calais: "Nous n'étions pas préparés à affronter cette situation, c'est le seul terrain au monde où nous sommes sollicités dans autant de langues." Originaire d'Afghanistan, Kaïs Rezaï fait partie de l'équipe de six traducteurs que compte MSF, l'une des rares associations à pouvoir se permettre de salarier des traducteurs, tous anciens migrants.

"Nous sommes le pont entre les deux langues, les deux cultures. Même si certaines choses peuvent être dites avec les signes ou un peu d'anglais, on ne peut pas tout expliquer comme ça", explique M. Rezaï, qui travaille auprès des mineurs isolés. "Plus que traduire, nous interprétons, nous devons instaurer une relation de confiance avec les migrants, les convaincre que nous ne communiquerons pas leurs informations à l'État ou à la police", poursuit ce jeune homme de 26 ans, qui dit "renvoyer la balle" après "être passé par là".

Pour Franck Esnée, à quelques semaines du démantèlement de la "Jungle" annoncé par le gouvernement, les traducteurs deviennent une "priorité". "Si nous voulons que les gens aient confiance dans les dispositifs proposés par l'État, alors on doit s'assurer qu'ils aient une très bonne compréhension des propositions qui leur sont faites", observe ainsi le chef de mission MSF.

Car même si de nombreux migrants manient les bases de l'anglais, "pour le vocabulaire technique, l'orientation juridique ou l'accompagnement psychologique, c'est indispensable de parler leur langue pour s'assurer une relation et une compréhension optimum", déclare-t-il.

"Pour la débrouille du quotidien, dans la +Jungle+ l'anglais suffit", confirme Maya Konforti de l'Auberge des Migrants, mais la tâche se complique sérieusement sur le terrain juridique: "Quand les migrants se rendent à la PADA à Calais (le centre chargé du pré-accueil des candidats à l'asile, ndlr), ils doivent raconter leur parcours migratoire, mais il n'y a pas de traducteur dans leur langue!".

Face à cette pénurie de traducteurs, des bénévoles de la "Jungle" s'improvisent interprètes. A l'image d'Elias, qui, lors du démantèlement de la partie sud du camp, avait servi d'intermédiaire entre les migrants iraniens qui s'étaient cousus la bouche pour protester contre la destruction de leurs cabanes et les services de l'État.

"Ça s'est fait de manière informelle, j’accompagnais ce groupe de migrants pour m'assurer qu'ils se portent bien, et, un jour, des agents de l'État sont venus pour tenter de leur faire cesser leur mouvement, alors on a commencé à mener les discussions et j'ai dû gérer la médiation", explique cet étudiant français.

Côté commissariat, même constat: "nous sommes obligés de travailler avec des traducteurs. Nous avons connu des défauts de procédures pour carence de traducteur!", regrette une source policière. Et d'assurer: "Les migrants sont conscients de ce problème et ils en jouent, ils nous affirment qu'ils parlent un dialecte rare dont on sait qu'on aura du mal à trouver le traducteur adéquat."

Mais c'est surtout dans l'accompagnement médical que s'exprime le manque crucial d'interprète, explique M. Esnée. Par exemple, "les femmes qui parlent tigrigna ou amharique ne vont pas à l'hôpital parce que personne ne parle leur langue", assure-t-il.

Alors, parfois, même à l'hôpital, la débrouille s'impose. Une bénévole du Secours Catholique, Mariam Guerey, se souvient: "Dernièrement, l'hôpital m'a appelé pour que j'assiste une migrante soudanaise. Elle vivait un accouchement difficile, alors ils ont mis le téléphone sur haut-parleur et je traduisais les ordres de la sage-femme: +Pousse !+, +Reprends ton souffle !+, jusqu'à entendre les cris du bébé...".

 

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