En Indonésie, les musulmans transgenres face à la montée de l'islam radical

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 11 octobre 2016 - 12:42
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Des transgenres en Indonésie.
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Les transgenres étaient jusque-là relativement acceptés.
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Des personnes transgenres sont de plus en plus victimes d'actes malveillants et de brimades de la part de groupes islamistes radicaux en Indonésie. Le pays était pourtant jusque-là relativement tolérant rejetant le rigorisme religieux.

Des musulmanes transgenres se lavent le visage, enfilent des robes blanches et prient. Cette scène un temps ordinaire dans une école unique en Indonésie n'est plus qu'un acte de résistance depuis la fermeture récente de cet établissement, victime de la montée des discriminations contre les transgenres.

L'école Al Fatah, qui se présentait comme la seule institution islamique au monde pour transgenres, a longtemps été considérée comme un symbole de l'islam tolérant pratiqué dans le pays musulman le plus peuplé au monde.

Elle accueillait des jeunes femmes transgenres pour leur offrir une éducation musulmane.

Mais la situation a changé depuis la recrudescence ces derniers mois des attaques contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres (LGBT), et notamment les menaces du Front du jihad islamique, une milice qui veut soigner les "maux de la société".

Bravant l'interdit, et malgré les risques de représailles, un petit groupe d'une dizaine d'ex-étudiantes continue de fréquenter les lieux chaque semaine à Yogyakarta, ville sur l'île de Java, pour prier et étudier l'islam.

"Nous voulons prouver que l'islam accepte les transgenres, que l'islam est une bénédiction pour tous les genres humains", explique à l'AFP la cheffe du groupe, Shinta Ratri.

La fermeture de cette école fondée en 2008 est l'un des signes les plus visibles de l'inquiétante vague d'intolérance qui sévit dans la région de Yogyakarta, centre culturel de Java longtemps cité en exemple pour sa tolérance, où la communauté transgenre pouvait encore, il y a peu, exercer en grande partie ses activités sans être inquiétée.

Mais les discriminations se multiplient ces derniers temps.

En avril, des partisans d'une ligne dure de l'islam et des policiers ont interrompu dans la région de Yogyakarta un festival d'arts à l'initative des femmes. Des organisatrices se sont plaintes d'avoir été harcelées verbalement et des participantes ont été brièvement interpellées.

Les adeptes du sectarisme s'en prennent également à la minorité chrétienne, victime d'actes violents répétés depuis 2011, et s'activent pour faire fermer des églises.

La police locale est parfois accusée de rester en retrait ou d'être complice. Le laxisme des autorités a en tout cas contribué à la montée de l'intolérance, estiment les critiques. Ahmad Suaedy, chercheur sur l'islam et ombudsman pour les problèmes culturels et religieux engagé par le gouvernement, évoque l'échec des autorités à empêcher les actes d'intolérance "au détriment des minorités".

De fait, "malheureusement, au cours des dernières années, des groupes intolérants ont imposé leurs croyances rigides à la population", déplore Agnes Dwi Rusjiyati, coordinatrice locale de l'Alliance nationale Bhinneka Tunggal Ika.

Bhinneka Tunggal Ika, devise signifiant "Unité dans la diversité", est censée mettre en exergue l'incroyable mixité de l'archipel de 17.000 îles et îlots où se côtoient une myriade d'ethnies, de cultures et groupes religieux.

A Yogyakarta, l'unité a été mise à mal: le conservatisme rampant s'en prend désormais à des cibles de toutes natures, comme la communauté gay, la consommation d'alcool, la pornographie...

Pour autant, personne n'imagine que l'Indonésie, pays dont la Constitution reconnaît six religions officielles -islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme, confucianisme- , puisse devenir un Etat appliquant la charia. La plupart des 255 millions d'habitants d'Indonésie pratiquent d'ailleurs une forme modérée de l'islam, avec des particularités d'ethnies locales.

L'école Al-Fatah, qui a dû fermer en février, est située dans un labyrinthe de ruelles du district historique Kotagede. C'est une ancienne maison dotée d'une pièce principale, où l'on priait et récitait des versets du Coran.

Trois prédicateurs continuent toutefois d'y enseigner à une dizaine des 42 anciennes étudiantes, qui se rendent sur place chaque semaine.

"C'est si difficile pour ces transgenres de prier à la mosquée en raison de la stigmatisation", raconte à l'AFP Arif Nuh Safri, un prédicateur de 32 ans.

"Quand je suis arrivé dans cette école, la première chose que je leur ai dite est qu'elles avaient le droit de prier car elles font partie de la création de Dieu", se souvient-il.

"Elles veulent apprendre à réciter le Coran, elles veulent faire du bien, et ça, c'est mieux que de boire", renchérit un voisin, Aris Sutanto.

Mais Abdurahman, un dirigeant du Front du jihad islamique, l'entend autrement: "Nous ne pouvons pas être tolérants à l'égard de quelque chose qui est mal", dit-il.

Cet islamiste souligne que ses partisans se mettent toujours d'accord avec la police... avant d'entreprendre des actions contre ce qu'il juge immoral.

 

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