L'EPR de Flamanville commence son chargement d'uranium avec 12 ans de retard
Avec 12 ans de retard, le chargement d'uranium a débuté mercredi dans les cuves de l'EPR de Flamanville, nouvelle étape cruciale du démarrage progressif du plus puissant réacteur nucléaire français, qu'EDF entend voir produire de l'électricité à partir de l'été.
A l'heure où le gouvernement veut construire jusqu'à 14 réacteurs en France, ce chargement est une étape majeure pour EDF et toute une filière qui veut tourner la page d'un chantier laborieux de 17 ans, émaillé de multiples problèmes et de surcoûts colossaux.
Après le feu vert mardi de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), "les équipes d'EDF ont débuté le chargement des assemblages du combustible dans la cuve du réacteur le 8 mai 2024 à 14H", a annoncé le groupe mercredi dans un communiqué.
Le chargement des 241 assemblages d'uranium "durera plusieurs jours", a-t-il ajouté.
"EDF poursuivra les opérations de démarrage, contrôle et essais, sur plusieurs mois, en lien étroit avec et sous le contrôle de l'ASN", avec pour objectif d'injecter les premiers électrons dans le réseau au cours de l'été.
Regardant la mer, à côté des deux réacteurs plus anciens de la centrale de Flamanville, sur la pointe du Cotentin, le réacteur de 1.600 MW sera le plus puissant du parc nucléaire français qui en comptera désormais 57.
Le président Emmanuel Macron devrait marquer l'événement avec un déplacement envisagé mi-mai à Flamanville, non confirmé à ce stade, selon une source proche du dossier.
Le raccordement au réseau électrique (le "couplage") n'interviendra que dans plusieurs mois, une fois que le réacteur aura atteint 25% de sa puissance. Ce n'est qu'en "fin d'année" que le réacteur devrait produire 100% de sa puissance, selon EDF.
D'ici là, EDF devra encore solliciter trois avis de l'ASN : "avant de démarrer la réaction nucléaire" (une étape qui peut prendre plusieurs semaines), au palier de puissance de 25%, puis au palier de 80%, a précisé mardi à l'AFP Julien Collet, directeur général adjoint de l'autorité de sûreté.
Si la production électrique a bien lieu cet été, elle interviendra avec 12 ans de retard, pour une facture totale estimée à 13,2 milliards d'euros, selon EDF, quatre fois le devis initial de 3,3 milliards.
Au total, l'ASN aura mené près de 600 inspections sur toute la durée du chantier.
Lancé en 1992 comme le fleuron de la technologie nucléaire, avec une collaboration initiale franco-allemande, le réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçu pour relancer l'atome en Europe, après la catastrophe de Tchernobyl de 1986, en promettant une sûreté et une puissance accrue.
Mais à l'instar du premier chantier d'EPR, lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, celui de Flamanville démarré en 2007 aura connu une succession de déboires : fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l'acier de la cuve, défauts de soudures...
- "Désapprentissage" de la filière -
Les difficultés ont souvent été imputées à "une forme de désapprentissage" de la filière nucléaire après "une longue période d'absence de projets nucléaires" dans les années 1990-2000, souligne le chercheur Michaël Mangeon. A cela s'ajoutent "des études insuffisamment développées (...), des problèmes de gouvernance, de qualité ou encore un contexte réglementaire en évolution continue", énumère-t-il.
Des EPR ont déjà été inaugurés, deux en Chine puis celui d'Olkiluoto, mais les prochains réacteurs qu'EDF compte édifier en France et en Europe seront des EPR2, une version simplifiée, selon l'électricien.
A Flamanville, EDF attendait un feu vert au premier trimestre. Mais l'instruction de l'autorisation s'est prolongée jusque "fin avril", selon l'ASN, en raison d'ultimes vérifications de conformité sur la chaudière, une pièce maîtresse.
Entretemps, la consultation du public par l'ASN a recueilli 996 contributions, le réseau Sortir du Nucléaire assurant qu'"un grand nombre d’entre elles sont défavorables".
"Cette mise en service hâtive peut s'expliquer par la volonté du gouvernement de démontrer que son EPR français peut fonctionner et que EDF est venu à bout de ce chantier catastrophique", selon l'association antinucléaire.
Flamanville 3 n'en a pas encore terminé avec les travaux : le réacteur devra être arrêté dès 2026, à l'occasion d'une visite de maintenance, pour remplacer le couvercle défectueux de la cuve
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