Twitter Files, partie 2 : la journaliste Bari Weiss dévoile “des listes noires” qui limitaient les audiences des utilisateurs
La deuxième partie des Twitter Files a été publiée. La journaliste Bari Weiss, l’autre collaboratrice d'Elon Musk, prend le relais, comme annoncé par le journaliste Matt Taibbi. La suite de l’affaire de l'ordinateur portable de Hunter Biden et de l'ingérence de Twitter dans les élections présidentielles de 2020 s’intitule cette fois-ci “Les listes noires secrètes de Twitter”. Bari Weiss n’évoque pas directement le scandale, mais démontre, dans un nouveau thread, comment la plateforme limitait la portée des tweets de plusieurs personnalités à l'aide de “puissants outils”.
Dans son thread, Bari Weiss explique que les précédents employés et responsables de Twitter ont créé des listes noires pour empêcher certains tweets de devenir une tendance. Il s’agissait de limiter, grâce à des outils, la visibilité de comptes ou même de certaines trends (tendance Twitter), et ce sans informer les utilisateurs.
La journaliste a cité, une capture d’écran à l’appui, le cas du Dr Jay Bhattacharya de l’Université de Stanford, qui avait exprimé son opposition au confinement durant l'épidémie de coronavirus en 2020. “Twitter l'a secrètement placé sur une “liste noire des tendances”, ce qui a empêché ses tweets d'avoir un reach important”, écrit-elle.
3. Take, for example, Stanford’s Dr. Jay Bhattacharya (@DrJBhattacharya) who argued that Covid lockdowns would harm children. Twitter secretly placed him on a “Trends Blacklist,” which prevented his tweets from trending. pic.twitter.com/qTW22Zh691
— Bari Weiss (@bariweiss) December 9, 2022
Elle cite également les cas du célèbre animateur Dan Bongino, classé à droite, qui a été placé sur la “liste noire de recherche” tandis que l’activiste conservateur Charlie Kirk a été placé dans la liste “Ne pas amplifier”.
Du shadow ban pour limiter les recherches ou le reach
Bari Weiss rappelle que Twitter a nié de tels procédés de “shadow banning” en 2018, lorsque la responsable de la politique juridique, Vijaya Gadde a déclaré, avec Kayvon Beykpour, chef de produit chez Twitter, que “nous n’appliquons certainement pas le shadow ban sur la base des points de vue politiques ou idéologiques". De leur point de vue, il s’agit d’un "filtrage de la visibilité, un outil très puissant”, dont l'utilisation a été confirmé par plusieurs employés de la plateforme à la journaliste. “Considérez le filtrage de la visibilité comme un moyen pour nous de supprimer ce que les gens voient à différents niveaux”, lui explique-t-on. “Nous contrôlons assez la visibilité. Et nous contrôlons un peu l'amplification du contenu. Et les utilisateurs ne savent pas ce que nous faisons”, a également expliqué un ingénieur de Twitter.
Le réseau social a ainsi utilisé cet outil pour bloquer les recherches d’utilisateurs, pour limiter le reach (portée) d’un tweet ou pour empêcher des publications de devenir une tendance. Les décisions n’étaient pas du ressort de n’importe quel employé de l’équipe de modération, mais du “Groupe de réponse stratégique et de l’escalade globale” (SRT-GET), qui traitait jusqu’à “200 cas” par jour, explique encore Weiss.
La journaliste fait également état de l’existence de l’équipe “Politique d'intégrité du site et de prise en charge de l'escalade des politiques” (SIP-PES), qui comprenait Vijaya Gadde, Yoel Roth et les ex-PDG, Jack Dorsey et Parag Agrawal, entre autres.
Bari Weiss évoque le cas de “Libs Of TikTok”, un compte Twitter qui tourne en dérision les liberals (Libs est une abréviation de liberals, les gens de gauche) en repostant régulièrement des vidéos tirées de TikTok et des contenus postés sur les réseaux sociaux. Il figurait dans la liste noire des tendances et le traitement de son contenu dépendait entièrement de cette équipe de SIP-PES. Le compte qui appartient à une certaine Chaya Raichik et qui totalise plus de 1,4 million d'abonnés a fait l'objet de six suspensions d’une semaine rien qu'en 2022.
Yoel Roth voulait aller plus loin
Le réseau social expliquait ces suspensions par une “infraction à la politique de Twitter contre les conduites haineuses". Une note de l’équipe de SIP-PES fait toutefois savoir que Twitter reconnaît que ce compte “n'a pas adopté un comportement contraire à la politique sur les conduites haineuses”, bien que ce fut le motif de suspension donné à Chaya Raichik. Le problème résidait selon Twitter dans ses messages qui "encouragent le harcèlement en ligne des hôpitaux et des prestataires de soins médicaux" en insinuant que les procédures médicales "d'affirmation du genre" sont de la maltraitance infantile.
Ces procédés de shadow banning ne suffisaient visiblement pas aux précédents responsables de Twitter, dont Yoel Roth, responsable de la modération qui avait demandé à son équipe de mener plus de “recherches” dans le but renforcer l’intervention des outils de “désactivation des engagements, de ‘désamplification’ ou de filtrage de la visibilité".
Comment ces outils ont-ils été utilisés dans l’affaire Hunter Biden, qui constitue le principal objet des Twitter Files, supposés montrer l’ingérence du réseau social dans l’élection de 2020 ? Bari Weiss n’a pas dévoilé de nouveaux détails, mais a donné rendez-vous pour de prochaines révélations sur le compte de Matt Taibbi.
Vendredi dernier, une première série des documents prouvant une “ingérence” de Twitter dans les précédentes élections américaines à travers le scandale lié à l'ordinateur portable de Hunter Biden, le fils de l’actuel président des États-Unis Joe Biden, ont été publiés par le journaliste Matt Taibbi.
Les échanges démontrent que l'équipe de Joe Biden demandait aux employés de Twitter de supprimer du contenu politique spécifique en octobre 2020, quelques semaines seulement avant son élection à la présidence des États-Unis. Les employés du réseau social ont délibérément suspendu et censuré des liens sur cette affaire, prétextant une infraction à la politique de la plateforme en matière de “matériel piraté”.
"Si Twitter approuve les enchères d'une équipe avant une élection en fermant les voix dissidentes lors d'une élection cruciale, c’est la définition même de l'ingérence électorale", a déclaré Musk. Et d'ajouter : "Franchement, Twitter agissait comme un bras du Comité national démocrate, c'était absurde”.
Interrogé lors d’un chat audio dans lequel il a évoqué le “risque important” qu’il soit assassiné, Elon Musk a affirmé avoir autorisé "un accès sans entrave" à d’anciens documents internes aux deux journalistes. “Je ne contrôle pas le récit. Il est tout simplement évident qu'il y a eu beaucoup de contrôle et de suppression d'informations, y compris des choses qui ont affecté les élections ... “, avait-il dit.
Le patron de Tesla apprendra quelques jours plus tard que l'avocat de Twitter, aussi un ancien avocat du FBI, Jim Baker, a procédé à la vérification, voire à la “censure” du premier lot des “Twitter Files", “sans que la nouvelle direction en soit informée”. Il a annoncé l’avoir viré.
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