Présidentielle américaine : Covid-19, The Lancet, Obama et Clinton s’invitent dans une campagne sous haute tension

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Publié le 08 octobre 2020 - 18:57
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Les élections américaines révèleront ce 3 novembre si le 45e président des Etats-Unis est reconduit ou si un 46e prend sa place. Ce sera soit la continuité avec Donald Trump, soit une alternance démocrate, après une campagne menée par Joe Biden et Kamila Harris. Par le jeu du système électoral, leur camp a perdu voici bientôt 4 ans, à la stupéfaction des médias.

Ces élections sont en effet le résultat d’un processus complexe de caucus (1) qui dure un long moment, captive l’attention des citoyens américains, informés à grands frais par les médias, mais fascine également le monde entier. Le coût de la campagne de 2016 avait pratiquement atteint les 3 milliards de dollars, levés par les partis politiques et les lobbyistes auprès de diverses sociétés et particuliers.

La bataille des élections présidentielles aux Etats-Unis pourrait être résumée à un affrontement entre deux clans : les Républicains, conservateurs dans l’âme, et les Démocrates qui depuis longtemps proposent une politique plus sociale, fortement décriée lors des dernières élections.

Les deux derniers présidents démocrates, Barack Obama et Bill Clinton, sont empêtrés dans des affaires judiciaires : d’un côté, les écoutes d’Obama et le RussiaGate, de l’autre l’affaire Epstein. Il est intéressant de noter qu’aux Etats-Unis, les affaires semblent ressortir les années bissextiles tous les 4 ans, peu ou prou au moment des élections présidentielles. Alignement de planètes ou (dés)information choisie qui permet d’influencer ce vote si important.

L’élection du millésime 2020 n’échappe pas à ce phénomène qui aurait même tendance à s’accentuer. La crise de la Covid-19 vient politiser une nouvelle fois la santé des Américains. La question des traitements, la gestion de l’information sur les réseaux sociaux et les « Fakenews » sont autant d’indices d’une intensification de la conflictualité entre les deux camps. Par ailleurs, la défiance engendrée par la multiplication des « Gate » a créé un climat antagoniste symétrique à la notion d’Etat profond (deep state) que de nombreux acteurs d’extrême droite ou de la droite conservatrice. Le mouvement des QAnon (théorie complotiste autour d’un vaste réseau pédophile) en est l’une des manifestations particulièrement active et inquiétante.

Ces derniers jours, l’hospitalisation de Donald Trump et son lot de déclarations sur ses multiples traitements amènent à se poser de nouvelles questions sur ces élections qui s’annoncent décidément sous haute tension. De plus, Fox news a annoncé que le directeur de la CIA avait ce mardi déclassifié les notes de son prédécesseur Brennan ainsi que celles de la CIA sur Hillary Clinton ; cela remet le scandale du RussiaGate en course dans l’élection, les réseaux sociaux et la Covid-19 s’étant eux déjà invités dans la campagne.

 

Le RussiaGate ressort.

William Binney, ancien patron de la NSA, a déjà démontré que les serveurs du Comité National Démocrate (DNC) n’ont jamais été piratés par les Russes lors de la campagne présidentielle de 2016, et mis en lumière comment les agences de renseignement britanniques et leurs homologues américaines ont systématiquement supprimé ces preuves au cours des trois dernières années. Amenant ainsi à la conclusion que l’histoire du « Russiagate », survenue à la suite des élections de 2016 – et qui a entraîné de nombreuses poursuites judiciaires, une escalade des tensions internationales, une paralysie nationale et un procès pour destitution du président des Etats-Unis –, puisse être une vaste « fakenews ».

Dans une interview exclusive pour FranceSoir, William Binney nous a confié récemment:

Le russiagate est une invention des démocrates. Je pense que les Américains en ont vraiment assez des mensonges, des fakenews et des fausses accusations et l’élection de 2020 pourrait tourner à l’avantage de Trump et des Républicains d’une manière bien plus importante qu’en 2016.

 

Quel rôle pour les médias et les réseaux sociaux ?

Aux USA comme dans bien des pays, les médias sont principalement à tendance sociale-démocrate ou détenus par des investisseurs plutôt démocrates. Seul Fox News et quelques autres petits médias s’affichent pro Républicains et sont prisés par les électeurs républicains comme source d’information. Comme partout, les citoyens américains discutent sur les réseaux sociaux. Il n’est donc pas étonnant que les candidats aux élections et leurs alliés respectifs ou « influenceurs », ces fameux leaders d’opinion, se soient également tournés vers les réseaux sociaux afin de désintermédier l’information et aller directement au contact des citoyens. Les médias sociaux, Twitter en tête, jouent donc un rôle de plus en plus important pendant un mandat électoral et au moment des élections. Trump a 85 millions de followers sur Twitter, Biden seulement 10,7 millions. Illustrons ce rapport de force par un exemple : un tweet de Trump recueille bien plus d’engagement en quelques heures (550 000 likes et 85 000 commentaires) qu’un tweet de Biden (175 000 likes et 6 000 commentaires), soit plus du double pour le candidat républicain.

Est-il besoin de rappeler l’affaire de Facebook et Cambridge Analytica où 87 millions d’individus ont vu leurs données collectées à leur insu pour influencer le cours de l’élection américaine de 2016 ? Cela a même entraîné une explication du démocrate affiché Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, devant le Congrès américain. Avec pour conséquence directe la fermeture de la société Cambridge Analytica. Des mesures auraient été prises depuis afin d’éviter que cela ne se reproduise. A voir…

Plus récemment, les réseaux sociaux, sous couverture de leurs règles d’utilisation, ont durci leur modération en expliquant que tout message qui serait considéré comme une promotion de l’hydroxychloroquine comme traitement contre la Covid-19 serait purement et simplement supprimé. Cette censure s’invite dans le débat. Un détail ? Peut-être de prime abord, mais qui est en réalité lourd de conséquence sur le plan démocratique.

Mais un autre aspect inattendu de cette campagne américaine est le rôle joué par les études et les revues médicales.

 

Un nouveau coronavirus qui bouleverse tout

2020 a imposé une nouvelle source de polémiques sur la scène mondiale : le SarsCov2. Outre l’origine du virus, c’est avant tout de la santé des citoyens dont il est évidemment question.

Aux Etats-Unis, la thématique de la santé étant souvent considéré comme la chasse gardée des Démocrates, particulièrement depuis le plan « ObamaCare », la Loi sur la Protection des Patients et les Soins Abordables votée en 2010.

Mais voilà, en 2020, l’hydroxychloroquine s’est retrouvée au milieu d’une bataille politique.

La politisation d’un traitement potentiel de la Covid-19 a fait rage dans le débat scientifique, et donc dans des revues spécialisées comme Nature ou The Lancet. Depuis une dizaine d’années, la dimension journalistique de ces revues a pris de plus en plus d’ampleur, au détriment de la publication scientifique à proprement parler. Quand Richard Horton, le rédacteur en chef de The Lancet publie un livre, il bénéficie ainsi étonnamment de deux pleines pages d’un véritable « publi-reportage » dans Nature.

Horton y accuse le président américain Donald Trump de commettre un « crime contre l'humanité » en ayant retiré le financement de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) alors que celle-ci tente d'aider les États-Unis et le monde. Selon le rédacteur en chef de The Lancet, le Premier ministre britannique Boris Johnson a menti ou commis une faute en affirmant que son gouvernement était bien préparé face à la pandémie. 

Dans un éditorial de The Lancet, il évoquait les victimes politiques de la pandémie et affirmait que les gouvernements pourraient à leur tour devenir des victimes de la Covid-19.

Non seulement ces messages correspondent à un « point de vue », mais ils relèvent clairement du cherry picking, ce procédé qui consiste à mettre en avant des faits ou des données qui assoient son opinion, tout en prenant soin de passer sous silence les éléments qui pourraient la contredire. C’est un problème, particulièrement pour des revues scientifiques.

Le biais d'autorité de The Lancet est déjà très important quand il intervient sur des politiques publiques de santé. Mais qu’en dire au beau milieu d’une crise sanitaire mondiale, une année d'élections présidentielles américaines ? Des « opinions » dans ce type de revues outrepassent dangereusement les règles démocratiques en influençant directement les politiques de santé, y compris sur des bases scientifiques fragiles comme en atteste le scandaleux LancetGate.

Pas plus tard qu’hier c’est une autre revue au passé prestigieux mais au présent aussi controversé par les polémiques sur les études biaisées, le New England Journal of Medecine de se prononcer contre Trump. Rappelons que le NEJM a été aussi atteint par le LancetGate et a dû retirer une étude de la même équipe de chercheurs.  Bien d’autres études publiées dans ce même journal ont fait l’objet de critiques importantes quant au caractères erronées de ces publications.

Le NewYork times écrit hier :

Tout au long de ses 208 ans d'histoire, le NEJM est resté résolument non partisan. La revue médicale la plus prestigieuse du monde n'a jamais soutenu ni condamné un candidat politique. Jusqu'à maintenant.

Dans un éditorial signé par 34 rédacteurs en chef qui sont citoyens américains (un éditeur ne l'est pas) et publié mercredi, le journal a déclaré que l'administration Trump avait si mal répondu à la pandémie de coronavirus qu'elle avait pris une crise et l'avait transformée en tragédie. »

Le journal n'a pas explicitement approuvé Joseph R. Biden Jr., le candidat démocrate, mais c'était la seule inférence possible, ont noté d'autres scientifiques.

Le rédacteur en chef, le Dr Eric Rubin, a déclaré que l'éditorial cinglant était l'un des quatre seuls dans l'histoire de la revue à avoir été signé par tous les éditeurs. Les rédacteurs en chef du NEJM rejoignent ceux d'une autre revue influente, Scientific American, qui a approuvé le mois dernier M. Biden, l'ancien vice-président.

 

Quelle est donc la situation actuelle dans la campagne américaine ?

A cette heure-ci, et sans omettre les facteurs autres que ceux que nous venons d’évoquer, les positions se résument de la manière suivante :

  • D’un côté, les Démocrates et leur candidat Joe Biden, supporté par Barack Obama et une série de personnes de l’administration comme le docteur Fauci, dirigeant de l’institut NAID des maladies infectieuses, qui se sont positionnées contre l’hydroxychloroquine (qui, sur base de la preuve la plus élevée, les essais cliniques randomisés, ne fonctionne pas contre la Covid-19 selon elles) et sont en revanche pro vaccins.

    Tout ceci est supporté par les dollars investis par les milliardaires américains Gates, Zuckerberg ou de Google qui se sont rangés du côté des Démocrates pour l’occasion. Ils sont aussi soutenus par les médias de masse selon lesquels Biden et Harris sont promis à un futur présidentiel.

    Et n’oublions pas ici qu’aux USA, les élections, c’est aussi une affaire de famille (Kennedy, Bush, Clinton et maintenant Obama, Barack et Michelle). Lors du congrès démocrate hier, Barack Obama, l’homme aux 120 millions d’abonnés sur Twitter, a procédé à une attaque en règle contre Trump et sa politique :

« Ce président et ceux qui sont au pouvoir comptent sur votre cynisme », et « cette administration a montré qu’elle détruira notre démocratie si elle doit en passer par là pour gagner », a-t-il affirmé.

« Ne les laissez pas se saisir de votre pouvoir. Ne les laissez pas confisquer votre démocratie. »

  • De l’autre côté, le camp républicain, au sein duquel le président ne fait toujours pas l’unanimité. Moqué par les médias et attaqué par ses opposants pour sa gestion de la crise, Donald Trump a, il est vrai, très tôt pris parti pour l’hydroxychloroquine, contre l’avis du NAID. Il a lui-même pris de l’hydroxychloroquine en prophylaxie, comme Louis XIV l’avait fait en son temps avec la quinine pour démontrer à ses médecins que ce médicament ne tuait pas. (2).
    Le président Trump a aussi la réputation d’avoir le doigt sur la détente de son Twitter, pouvant parfois prendre à contrepied jusqu’à sa propre administration, et pas seulement pour peser sur les négociations dans la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis à la Chine, mais sur n’importe quel sujet. Quelle que soit l’issue du scrutin de novembre, Trump aura sans doute modifié la manière dont les futurs candidats et locataires du Bureau ovale s’exprimeront directement, sans filtre.
    Au cours de sa présidence, le comportement de Donald Trump a pu choquer, déranger et même interroger sur sa capacité à remplir ses fonctions. Mais ce qui fit sa singularité et sa faiblesse pendant ses 4 ans de présidence pourrait aujourd’hui être sa force par sa capacité à s'affranchir d'automatismes peu flexibles dans des moments de crise.

 

Les messages sont clairs, mais les jeux ne sont pas tous faits

Si le RussiaGate a été construit de l’intérieur des Etats-Unis et non par les Russes, cela remet sur la table les manipulations internes. Dans le seul but de déstabiliser le président Trump pendant son mandat alors que l’économie américaine affichait un insolent quasi plein emploi.

L’hydroxychloroquine et la position prise par Trump en faveur de ce traitement fut le prétexte idéal pour miner sa campagne à sa réélection sur la base de son incapacité à gérer la crise sanitaire. Le vaccin anti-Covid représente lui des intérêts pharamineux pour Big Pharma, les financières et les fonds d’investissements qui financent la campagne présidentielle. La bataille de l’hydroxychloroquine a bien eu lieu, la guerre du vaccin a pris place, pour être accompagnée par le traitement récent donné à Trump dans le cadre de la maladie.

Si une chose est pourtant sûre, c’est que le virus aura permis de mettre à jour la plupart des jeux politiques existants, très loin de l’enjeu a priori primordial que devrait pourtant représenter la santé des citoyens. Il n’est pas impossible de voir apparaître des mouvements citoyens en réponse, lesquels pourraient bien faire des personnalités politiques les prochaines victimes du virus. Et si, après avoir été tant annoncée depuis le printemps, la seconde vague de la Covid-19 frappait d’abord les politiques ?

Joe Biden semble aujourd’hui promis à devenir le 46e président des Etats-Unis avec quelques 10 points d’avance dans les derniers sondages. Suite au Covid de Trump, Biden semble s’enfermer dans une refus de débattre en personne. Au-delà du RussiaGate, si l’actuel président est incapable de faire basculer l'opinion et montrer que l'échec de la gestion de la crise de la Covid-19 n'est pas le sien mais celui du Dr Fauci, il aura du mal à remonter la pente.

Rendez-vous le 3 novembre pour le début verdict, mais les prochaines semaines s’annoncent sous haute tension.

Note

  1. Lors des élections présidentielles américaines, le terme « caucus » désigne le rassemblement de militants politiques locaux d'un parti pour choisir les délégués qui désigneront le candidat à l'investiture de ce parti dans la course à la présidence lors de la convention fédérale de leur parti. Le système du caucus pour la désignation des délégués n'existe que dans une douzaine d’États des États-Unis. Traditionnellement, le premier à désigner ses délégués par caucus est l'Iowa3 au début de l'année au cours de laquelle a lieu l'élection présidentielle. »
  2. Histoire de la quinine sur France Culture https://www.franceculture.fr/histoire/la-quinine-au-coeur-des-rapports-coloniaux

 

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