Pékin demande aux constructeurs de cesser leurs investissements dans les pays favorables à la surtaxe des véhicules électriques fabriqués en Chine
Alors que les négociations entre la Chine et l’Union européenne (UE) sur la surtaxe des véhicules électriques se poursuivent toujours, Pékin demande aux constructeurs automobiles chinois de cesser leurs investissements dans les pays européens qui ont voté le 4 octobre dernier en faveur des droits de douanes supplémentaires, comme la France ou encore l’Italie. La Chine cherche-t-elle à se doter d’un levier de négociation en prévision du prochain round qui doit se dérouler chez elle, ou est-ce une intention de diviser davantage l’Europe, dont les membres sont depuis le début de cette saga très dispersée ?
Le 4 octobre dernier, l'UE a approuvé l'imposition de nouveaux tarifs douaniers sur les véhicules électriques importés de Chine, pouvant atteindre jusqu'à 45% en plus des 10% existants, sur une durée de 5 ans. Cette décision a été soutenue par 10 États membres, dont la France et l’Italie, avec 5 votes contre, notamment l'Allemagne et la Hongrie, ainsi que 12 abstentions, dont celle de l’Espagne.
Pékin écarte les pays partisans de la surtaxe
Ce vote constituait une décision finale et venait confirmer des taxes provisoires mises en place en juillet 2024, une mesure qui faisait suite à une enquête lancée en octobre 2023 et menée par la Commission européenne (CE) pour déterminer si les constructeurs chinois bénéficiaient de subventions gouvernementales. Celles-ci constituent, aux yeux de l’UE, une concurrence déloyale pour les fabricants européens.
La Chine a immédiatement exprimé son mécontentement en soulignant que ces taxes pourraient nuire aux relations commerciales entre l'UE et la Chine. Pékin a dénoncé “un comportement purement protectionniste”, avertissant sur les répercussions possibles d’une telle mesure tout en affirmant sa ferme intention de “prendre toutes les mesures pour défendre fermement ses droits légitimes”. La Chine avait d’ailleurs annoncé une enquête antidumping sur les importations de porc européen, suivant celle déjà ouverte sur les eaux-de-vie de vin de l'UE ; à l’image du cognac.
Après le vote du 04 octobre dernier, l’enquête antidumping sur le cognac a vite laissé place à des mesures temporaires. “À partir du 11 octobre 2024, les opérateurs importateurs doivent fournir la marge correspondante aux douanes de la République populaire de Chine”, avait annoncé le ministère chinois du Commerce. “Nous pensons que ces mesures sont infondées et nous sommes déterminés à défendre l’industrie européenne contre l’utilisation abusive d’instruments de défense commerciale”, a réagi la CE.
La même institution se dit prête “à continuer à négocier une alternative”, comme un réexamen des prix à la clé ou surtout, un engagement pékinois à investir sur le sol européen pour fabriquer ses véhicules électriques. Mais après huit rounds depuis le 20 septembre, des “divergences majeures” subsistaient, déplorait le 12 octobre le ministère chinois du Commerce.
Mais l’une des alternatives souhaitées par l’UE pourrait vite être écartée par Pékin. Le gouvernement chinois, rapporte Reuters jeudi 31 octobre, a demandé à ses constructeurs automobiles de cesser d'investir massivement dans les pays européens qui ont soutenu ces droits de douane supplémentaires, qui peuvent aller jusqu’à 45,3% et qui sont entrés en vigueur cette semaine.
Des investissements lourds remis en cause ?
Les principaux constructeurs chinois ciblés, BYDt, SAIC et Geely, ont été informés le 10 octobre dernier lors d'une réunion organisée par le ministère du Commerce qu'ils devraient suspendre leurs projets d'investissement lourds, comme les usines dans les pays qui ont soutenu la proposition, a rapporté l’agence britannique.
Pékin appelle à la prudence en ce qui concerne les projets en cours dans les pays qui se sont abstenus, mais “encourage”, poursuit la même source, à investir dans les pays opposés à ces mesures fiscales européennes. Reuters interprète cette manœuvre comme une volonté de se doter d’un levier de négociation en prévision du prochain round, tout en évitant de voir baisser ses exportations vers un marché clé, qui représentait plus de 40% des ventes de véhicules électriques en 2023.
En Italie, favorable à la mesure de la CE et dont le gouvernement était en pourparlers avec Chery, le plus grand constructeur automobile chinois en termes d'exportations, voit le projet d’usine de Dongfeng et le lancement de la marque Deepal par Changan annulés.
En France, où la société SAIC, deuxième exportateur automobile chinois, prévoit d'ouvrir un deuxième centre européen de pièces détachées, on attend la rencontre de la ministre française déléguée au Commerce extérieur, Sophie Primas, avec son homologue chinois, Wang Wentao, prévue ce dimanche à Shanghaï, pour aborder cette hausse des tarifs douaniers.
"Le positionnement de la France n'est pas qu'offensif, il faut être dans un dialogue, pas seulement dans la confrontation", a déclaré mardi à Reuters une source diplomatique française. "On a des intérêts en Chine, c'est important de maintenir le dialogue qui doit se faire dans de bonnes conditions et sur une concurrence loyale", a-t-on ajouté.
Quant à BYD, qui construit une usine en Hongrie, le fabricant envisage également de délocaliser son siège européen des Pays-Bas vers Budapest.
Lors de leur réunion le 10 octobre dernier avec le ministère du Commerce, les constructeurs se sont également vus rappeler l’interdiction de tenir des négociations séparées avec les gouvernements européens.
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