Le patron de Telegram mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, son interpellation “n’a rien à avoir” avec le DSA, affirme la CE

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France-Soir
Publié le 29 août 2024 - 09:57
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Jennings / afp
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Interpellé samedi peu après son atterrissage à Paris, le patron de Telegram, le franco-russe Pavel Durov, est sorti hier mercredi 28 août 2024 de sa garde à vue pour être déféré devant un juge. Face au tollé provoqué par son arrestation, la Commission européenne (CE) a affirmé que cette affaire n’avait rien à voir avec le règlement européen sur les services numériques (DSA). Sa présentation devant un juge d’instruction a par la même occasion révélé plus en détail les faits qui lui sont reprochés. Moscou exige des “preuves solides” et met Paris en garde contre “toute tentative d’intimidation”.    

Co-fondateur la messagerie cryptée Telegram en 2013 avec son frère Nokolaï, Pavel Durov,  informaticien de formation et co-fondateur par le passé d’un réseau social réputé en Russie, VKontakte,  a été naturalisé français en 2021, après avoir obtenu la nationalité de Saint-Christophe-et-Niévès, un paradis fiscal situé dans les Caraïbes. Avant de s’établir à Dubaï et y installer le siège de la société. Il a expliqué s’être rendu à Berlin, Londres, Singapour puis San Francisco. Mais l’environnement des affaires était plus propice aux Emirats, particulièrement pour leur “neutralité”.  

Telegram visé par la justice pour son “refus de coopérer” 

Accompagné samedi soir de son garde du corps et de son assistante pour un voyage de Bakou à Paris où il devait diner, Pavel Durov a été interpellé par les autorités françaises. Il faisait l’objet d’un mandat de recherche émis par l’office chargé de la lutte contre les violences faites aux mineurs (Ofmin), en sa qualité de coordinateur d’une enquête préliminaire ouverte contre X le 8 juillet pour des infractions liées à l’escroquerie, au trafic de drogues, au cyberharcèlement, ou encore à la criminalité organisée.   

Il est reproché à Pavel Durov un laxisme en matière de modération de sa messagerie instantanée, ainsi que des contenus d’utilisateurs, pouvant faire l’apologie du terrorisme, voire de la fraude, ainsi que de propager pour certains des contenus haineux, néonazis ou pédophiles. Il est surtout reproché au patron de Telegram, qui dit s’opposer à toute forme de “censure”, son intransigeance vis-à-vis de la confidentialité des utilisateurs ainsi qu’un manque de collaboration les services d’enquêtes.   

Son arrestation a provoqué un tollé, empirant les relations déjà tendues entre Moscou et Paris. Le Kremlin a reproché à l’Elysée un “refus de coopérer” tandis que des personnalités politiques russes ont dénoncé une “tentative de fermer Telegram” ou “d’intimider” son patron. Des personnalités comme Elon Musk ou Edward Snowden ont également dénoncé son interpellation, critiquant la France ainsi que l’UE. Plusieurs blogueurs russes ont appelé à des manifestations devant les ambassades françaises à travers le monde et l’interpellation de Pavel Durov a suscité des interrogations sur l’avenir de la messagerie en France ou surtout, de sa politique de confidentialité, farouchement protégée jusque-là.  

Les critiques émises contre l’UE et ses récents textes comme le Digital Services Act (DSA), très critiqué par les plateformes américaines, a poussé la Commission européenne à réagir. Un porte-parole de l’institution a affirmé :  “l'arrestation du PDG de Telegram n'a rien à voir avec le règlement européen”.  

"Les poursuites pénales ne font pas partie des sanctions potentielles en cas de violation de la loi sur les services numériques. La loi sur les services numériques ne définit pas ce qui est illégal et n'établit pas non plus d'infraction pénale ; elle ne peut donc pas être invoquée pour procéder à des arrestations. Seules les lois nationales [ou internationales] qui définissent une infraction pénale peuvent être invoquées", explique-t-on à Euronews. 

Durov mis en examen et placé sous contrôle judiciaire

L’UE a déjà pris contact avec Telegram pour évoquer sa conformité avec la nouvelle législation sur le contenu en ligne. La société a alors nommé un représentant légal en Belgique pour se conformer au Digital Services Act (DSA), bien que Telegram n'ait pas encore été désigné comme une "très grande plateforme en ligne" (VLOP) sous les règles de l'UE. Avec près d’un milliard d'utilisateurs mensuels actifs dans le monde, l'application a déclaré en février en avoir “que” 41 millions d'utilisateurs mensuels en Europe. Telegram sera considérée comme une très grande plateforme en ligne (VLOP) en vertu de la loi sur la protection des données et sera soumise à d’autres exigences si le nombre de ses utilisateurs dépassait les 45 millions sur le sol européen.  

La société basée à Dubaï avait immédiatement réagi à l’interpellation de son patron pour affirmer qu’elle "respecte les lois de l'UE, y compris la loi sur les services numériques”. "Il est absurde de prétendre qu'une plateforme ou son propriétaire sont responsables des abus commis sur cette plateforme". 

Placé en garde à vue, le Franco-russe a quitté sa cellule hier pour être présenté devant un juge d’instruction. L'enquête dont il fait l’objet vise bel et bien son "refus de communiquer les informations nécessaires aux interceptions autorisées par la loi", la complicité de délits et de crimes qui s'organisent sur la plateforme comme le trafic de stupéfiants, la pédopornographie, l’escroquerie et blanchiment en bande organisée, ainsi "la fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme".  

“Le juge d'instruction a mis fin à la garde à vue de Pavel Durov, et se le fait présenter en vue d'un interrogatoire de première comparution et d'une potentielle mise en examen", précisent del sources judiciaires. Il est également visé par une enquête pour des "violences graves" sur un de ses enfants, qui était scolarisé à Paris. En outre, son frère est aussi recherché par les autorités françaises.

Pavel Durov a été mis en examen mercredi soir pour un ensemble de douze infractions visées au réquisitoire introductif. Le Parquet de Paris a précisé dans un communiqué “qu’il a été placé sous contrôle judiciaire avec notamment l’obligation de remettre un cautionnement de 5 millions d’euros, l’obligation de pointer au commissariat deux fois par semaine, et l’interdiction de quitter le territoire français”. 

Mardi, la Russie a exigé de la France des “preuves solides” concernant les accusations portées contre le milliardaire de 40 ans. Moscou a mis en garde contre toute  "tentative d'intimidation". "Les accusations avancées sont très graves et elles demandent des preuves tout aussi solides", a déclaré Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe. "Sinon, il sera évident que c'est une tentative de restriction de la liberté de communication (...) et même d'intimidation directe à l'encontre du patron d'une grande entreprise", a-t-il ajouté à la presse. 

"Il sera évident que ce n'est rien d'autre que de la politique", a affirmé Peskov, malgré les démentis du président français Emmanuel Macron lundi. 

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