L’application de financement participatif GoFundMe pour pallier au naufrage du système de santé publique britannique

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Teresita Dussart, pour FranceSoir
Publié le 08 juin 2022 - 15:43
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NHS
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BEN STANSALL / AFP
Le logo du NHS, le service de santé britannique, devant l'hôpital Saint-Thomas, à Londres, le 8 mars 2017.
BEN STANSALL / AFP

CHRONIQUE - Au Royaume-Uni, comme dans bon nombre de pays de l’hémisphère nord, la charité est devenue la clef permettant d’accéder à l’hôpital. Le recours au crowdfunding (financement participatif) se généralise pour compenser l’impossibilité d’accès au bloc opératoire dans le secteur public. Le National Health Service (NHS), système de la santé publique du Royaume-Uni, affiche une liste d’attente de sept millions de personnes. Un Britannique sur 10 serait concerné. 3,8 millions de personnes ont attendu en moyenne quatre mois pour une opération de routine et 300 000 personnes attendent depuis un an. Et ça ne va pas s’arranger de sitôt. Selon Sajid David, ministre de la Santé, les Britanniques ne doivent pas espérer une amélioration avant mars 2024.

Dans ce contexte, l’application GoFundMe s’est imposée comme recours principal pour financer l’accès au secteur privé. Des travailleurs à bas salaire sont obligés de demander de l’argent à des inconnus par le biais de cette application pour financer des soins dramatiquement urgents. Robert, 34 ans, souffre de cardiopathie hypertrophique ventriculaire depuis son adolescence. Durant deux ans, comme bon nombre de malades, il a souffert du déni de soins dû aux mesures covidistes, étant empêché de consulter son cardiologue. Sa condition s’est aggravée. Il aurait besoin de subir une opération à cœur ouvert et, pour cela, il doit réunir 60 000£ (69 900€) dans le privé. Il en est à 28 771£ des 545 dons reçus. Les messages que les personnes laissent sur sa page ont trait à d’autres demandes de collecte de fonds privées. Une concurrence de l’appel à la solidarité s’est instituée.

Cette tendance est antérieure au covidisme. Depuis 2010, 15,5 millions de livres Sterling ont été levés par GoFundMe pour subvenir à des besoins de santé au Royaume-Uni. Toutefois, s’il s’agissait au cours des premières années de lever des fonds pour des traitements alternatifs non pourvus par le NHS, ou plus rapides, à partir de 2018, le réseau de solidarité online est devenu un palliatif à un système public en panne pour des assurés qui, pourtant, le financent.

« La santé publique se privatise mais pas de la façon dont vous auriez pensé », titre le Financial Times à propos d'une étude parue le 22 avril 2022. « Le système de santé britannique glisse doucement vers le secteur privé. Le plus préoccupant, c’est que ce sont ceux qui sont le moins aptes à le payer qui sont expulsés du NHS ». Le graphique du Financial Times, qui puise dans les données de GoFundMe, met en exergue l’explosion des demandes de financement pour des opérations prises en charge par le secteur privé. Le déni de soin du secteur public est manifeste et affecte le plus largement les couches les plus vulnérables, qui ne sont pas affiliées à des mutuelles privées. Parmi les cas cités par le quotidien financier, se trouvent de nombreux cas de cancers et le cas d’un garçon de 12 ans souffrant d’une malformation de la colonne.

Le système britannique, plus encore que le système de Sécurité sociale français, fait office d’antithèse absolue du système américain. Cependant, au cours des dernières années, le gap entre les dépenses de santé privées par ménage et en part du PIB s’est rapproché. « En 1990, le coût payé par les Britanniques en attention médicale était équivalent à 1% du PIB alors que de l’autre côté de l’Atlantique, il était équivalent à 2,2%. (…) Trente ans plus tard, la brèche s’est refermée. Le coût non remboursable des Américains est de 1,9% et celui des Britanniques de 1,8% ».

Les pauvres, qui utilisent des systèmes comme GofundMe ou le recours à l’endettement pour financer des opérations dont dépend leur survie, paient en valeur absolue autant que les plus riches : « Un ménage sur 14 a recours à des coûts catastrophique d’attention médicale, dont la facture dépassera de 40% sa capacité de paiement ».  

Le covidisme a aggravé cette tendance. Depuis 2020, pour 3,7 millions de Britanniques, la seule possibilité de bénéficier de soins passe par la capacité de financer ponctuellement le secteur privé. C'est à cette période que circulait dans tous les pays sous régime covidiste des vidéos exposant l’intérieur des hôpitaux publics, censées être collapsés, mais en réalité désertifiés avec des médecins aux abonnés absents. Cette mise sous scellés de l’hôpital a permis de dissimuler pendant un temps la grave crise qui rongeait la santé publique des nations du G7. Parallèlement, la santé des plus pauvres a cherché des échappatoires telles que la charité entre pairs.

La situation du Royaume-Uni n’est pas sans faire penser à celle de l’Italie. Une étude menée par le Service national de santé avant le Covid alertait, ce depuis 2013, du collapse in crescendo des infrastructures hospitalières chaque année durant la saison grippale. Celles-ci n’étaient plus en phase avec le vieillissement de la population. Une lecture possible des événements survenus dans le nord de l’Italie en février 2020, est la continuation d’une crise qui n’a pas été gérée à temps, conséquence du facteur démographique de cette Italie septentrionale, deuxième population la plus vieille du monde, et non la résultante d’une souche virale plus sévère qu’une autre.

En France, depuis 2010, les grèves de personnel sanitaire se succèdent du fait de l’indigence de l’infrastructure. Le sous-équipement semble nourrir la maltraitance à l’égard des patients. Une maltraitance dont la relation avec la mortalité intra-hospitalière attend toujours une étude sérieuse. En comparant le niveau d'équipement d’un grand hôpital universitaire parisien avec ses homologues de certaines capitales africaines, il est fort possible que le parisien ne résiste pas toujours à la comparaison. De fait, outre le recours à la charité online, un autre phénomène s’institue, celui du tourisme de santé de pays riches vers des pays moins développés, mais mieux équipés et moins chers.

Les pays industrialisés vivent depuis très longtemps une crise structurelle de la santé publique, dramatiquement aggravée par la dystopie covidiste. Il reste des consolations. Pour les Britanniques : la promesse du gouvernement que, si au bout de 18 mois, ils n’ont pas été opérés dans le cadre du NHS, celui-ci leur offrira l’opération au sein du secteur privé.

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